Texte de l’homélie :
Très chers amis,
Dans ce temps de l’Avent, et dans cette ultime préparation à la nativité de Jésus, demandons, fidèles à la pédagogie de l’Église pendant tout ce temps d’Avent, demandons de pouvoir grandir dans notre Foi. Car, tel est bien le thème de ce dimanche, tel est bien le thème de tous ces dimanches et de tout ce temps précédent Noël. Petit à petit dans ce temps de l’Avent, nous avons appris à nous redimensionner dans notre foi, à ouvrir notre cœur. D’abord, avec toute la Création qui est en attente de la délivrance, en attente de la venue du Seigneur, en gémissement pour se tourner vers le Seigneur. Non pas le voir comme un objet, sur lequel on a la main mise, non pas le voir comme le deus ex machina qui vient répéter toute chose, mais comme Celui qui accomplit notre monde, qui nous accompagne dans l’accomplissement de notre monde, dans la levée de la Création jusque dans la gloire.
Une préparation progressive au cours des semaines de l’Avent
Au fil des dimanches de l’Avent :
Dans le deuxième dimanche, nous avons repris aussi cette foi et ce désir de tous les pères, de tous les patriarches, de tous les prophètes, afin que grandisse en nous le désir d’accueillir le Seigneur. Parce que, c’est sans doutes cela la définition de Dieu, Son Nom imprononçable traduit dans l’Apocalypse par « Celui qui est, qui était et qui vient » et nous avons toujours à l’accueillir dans l’instant présent parce qu’Il se donne, parce qu’Il nous accompagne.
La semaine dernière, c’est avec l’ultime préparation - avec Jean Baptiste - que nous allons retrouver aujourd’hui pour nous aider à mettre notre vie en ordre, dans cet ordre vers le Royaume.
Et aujourd’hui, il nous est donné la foi de Marie. Et la Foi - comme le dit Élisabeth - il s’agit bien d’une béatitude. Et c’est dans cette béatitude, dans ce bonheur de la Foi que nous sommes appelés à vivre, à accueillir notre vie avec joie et avec bonheur, parce que nous croyons à l’accomplissement de la parole du Seigneur.
Avons-nous été délaissés par le Seigneur depuis toute ce temps ?
Bien sur, vous me direz : « Le Seigneur tarde ! ». Zacharie et Élisabeth pouvaient dire : « Le Seigneur tarde ! Il nous a délaissés ». Dans la première lecture, on l’entend bien avec la prophétie de Michée – a t-elle été écrite un peu plus tard, du temps de l’exil, les exégètes se disputent – est valable pour chaque moment : après un temps de délaissement, comment une telle promesse va t-elle venir ? Comment la parole du Seigneur agit-elle, peut-elle agir ?
Encore plus peut-être aujourd’hui, ou d’une manière plus critique que dans d’autres temps, nous – les chrétiens tout comme le peuple d’Israël à ce moment-là – sommes dans ce questionnement : « Le Seigneur ne nous a t-il pas abandonnés, délaissés ? » Sa Parole est-elle efficace ? Pourquoi tellement de gens ne l’entendent pas ne la comprennent pas et ne le prennent pas dans leur cœur ?
Pouvons-nous garder le Foi pendant cette attente ?
Et l’on voit dans ce texte de la Visitation comment travaille cette Foi, qui est accueil de la Parole du Seigneur. Et cela est tout à fait étonnant, car le peuple est dans le délaissement – on disait qu’il n’y avait plus de prophète, plus de révélation du Seigneur depuis des années et des années – Zacharie et Élisabeth se sentent dans le délaissement.
Mais, le Seigneur vient ! Avec Zacharie d’abord, puis avec Marie, bien sur. Cela va d’abord être un moment de stupeur, de silence – pas de parole possible pour Zacharie, que le silence – pour Marie aussi… Il y a dans la Foi ces rencontres qui nous font grandir, ces rencontres qui font jaillir l’Esprit-Saint, ces rencontres où il se passe quelque chose entre les autres pour nous mener au centre de l’être, de l’être profond que nous sommes, appelés par Dieu à être ses amis, ses collaborateurs.
Une rencontre inattendue
Préparée par une mère…
Il y a cette rencontre que tous les pères, tous les commentateurs mettent en relief : c’est cette rencontre de Jésus et de Jean-Baptiste, avec Jean-Baptiste qui tressaille. Jésus vient, et il bondit de joie ! tous les théologiens et les pères de l’Église insistent beaucoup pour dire que cette rencontre a bouleversé Jean-Baptiste, elle l’a même sanctifié, elle l’a rendu juste, elle l’a rendu saint à ce moment-là, rempli de l’Esprit-Saint.
Et Élisabeth rentre aussi dans cette plénitude de l’Esprit-Saint, et elle se met à clamer d’une voix forte. Et ce qu’elle clame, ne nous y trompons pas, cela est nourri par sa foi : cette foi qui accueille, cette foi qui a été silencieuse, cette foi qui a été mise à l’épreuve :
« Jusqu’à quand, Seigneur, Ta Parole ne s’accomplira pas en moi, ne sera comme impuissante, avec cette stérilité ? ».
Mais, elle a été nourrie par l’Écriture, par cette fréquentation, par ce repérage, par cette lecture amoureuse de l’Écriture pour apprendre à reconnaître comment le Seigneur agit, comment Il vient.
… elle est accueillie par son fils, puis par nous
Et c’est ainsi aussi que nous sommes appelés. Et s’il y avait une résolution à prendre pour l’année qui vient, ce serait peut-être de se plonger dans l’Écriture, en faire une lecture assidue et amoureuse. Parce que l’on voit que ce que dit Élisabeth n’est pas de son propre chef - bien sur - c’est sous le chef de l’Esprit-Saint. C’est exactement comme pour le Magnificat : c’est une explosion, c’est une floraison de la Foi, de sa lecture de la Bible.
Notons que les paroles du Magnificat ne viennent pas de Marie mais de l’Écriture qui l’ont nourrie et qui jaillissent à ce moment de cette rencontre dans l’Esprit Saint de la Visitation. Et pour Élisabeth, il en est de même : les paroles qu’elle prend sont déjà dans l’Écriture, et elles sont lourdes de sens. Ce n’est pas simplement une petite histoire qui est racontée, mais ce portique d’entrée dans l’Évangile, c’est à dire, dans cette invitation à nous ouvrir dans la Foi, et à découvrir que Jésus est Fils de Dieu.
La lecture de la Parole pour accueillir pleinement le Seigneur dans notre vie
Les paroles de l’Ancien Testament utilisées par les anciens pour acclamer le Seigneur
En effet, que veut dire Élisabeth :
« Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni ! »
Cette parole : « Tu es bénie entre toutes les femmes » est déjà dite dans la Bible par un certain Osias, chef de la ville de Bétulie, alors que Judith vient de délivrer Holopherne de l’envahisseur. C’est bien cette parole qu’elle redit : « Tu es bénie entre toutes les femmes », cela comme pour montrer aussi l’événement qui arrive : avec Marie va venir la victoire sur le mal, la victoire sur le néant, sur l’incompréhensible, le non sens, l’absurde.
Osias continue : « et béni soit le Seigneur » ; Élisabeth, elle continue la phrase en disant : « le fruit de tes entrailles est béni ! ». Ce parallèle nous montre bien que Jésus est désigné comme le Seigneur, comme Dieu qui vient en ami.
La même chose encore : « Comment aurai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ! » ; c’est une phrase que David prononce quand l’Arche arrive à Jérusalem : « Comment ai-je le bonheur accueillir l’Arche du Seigneur ! ». Et, cette conscience, c’est son cœur qui s’ouvre, son intelligence qui s’ouvre, et sa volonté qui suit, puisque telle est bien notre foi, c’est à dire, d’apprendre à voir, à comprendre, à ouvrir notre cœur, notre intelligence, et notre volonté au Seigneur pour marcher sur Ses pas.
Il en est de même pour nous aujourd’hui
Aussi, nous sommes invités à rentrer, à accueillir le Seigneur. C’est vraiment dans nos jours, au long des jours, nous pouvons lire, nous pouvons vivre non pas sur la Foi, mais sur notre raison laissée à notre force. Oui, on sait déjà comment cela va se passer, plus rien ne nous étonne, mais on peut vivre dans l’accueil, dans l’instant présent en sachant que le Seigneur est là, qu’Il nous accompagne, qu’Il nous guide, et cela va transformer notre vie.
Cela demande un travail pour redimensionner notre vie à partir de notre foi, pour tenir dans l’Espérance et dans la Foi. Mais, c’est cette béatitude, afin que nous puissions tressaillir, afin que nous puissions nous ouvrir à la joie que le Seigneur nous donne, cette joie à la laquelle, en ce dimanche, Marie veut préparer en accueillant Jésus à Noël.
A Noël, nous risquons de vivre plongés dans notre monde si nous ne sommes pas très attentifs dans l’intime de notre cœur, d’être pris dans l’inverse de ce que la fête de Noël veut dire. En effet, la fête de Noël aujourd’hui, c’est les cadeaux – un vieillard qui vient donner des cadeaux – alors que Noël, c’est juste l’inverse : ce n’est pas un vieillard qui vient nous combler en attendant en attendant d’être comblé, comme justement ce que tout le monde attendrait… Non : c’est Dieu qui se donne, qui se donne Lui-même dans un tout petit enfant, dans la faiblesse, dans cette surprise, dans ce jaillissement de l’Esprit-Saint.
Intime dans l’intimité de la nuit de Noël qui éclate, et nous avons à recevoir Jésus dans notre faiblesse, dans notre humanité, comme Marie, comme Élisabeth le reçoivent aujourd’hui.
La plus belle expression de notre Foi est dans l’Épître aux Hébreux :
« Me voici Seigneur, mon Dieu, je suis venu pour faire Ta volonté. »
C’est la réponse que Dieu attend de l’Homme, et la Foi, notre chemin dans la Foi, c’est justement notre réponse au Seigneur : nous l’attendons, nous attendons Son heure, et nous savons en cette nuit, nous savons en ce jour, dans le mystère de l’Eucharistie que, dans la faiblesse, Il vient pour nous illuminer, pour nous réjouir, pour faire jaillir en nous des forces insoupçonnées de capacité de réponse et de vivre en plénitude,
Amen
Références des lectures du jour :
- Livre de Michée 5,1-4a.
- Psaume 80(79),2ac.3bc.15-16a.18-19.
- Lettre aux Hébreux 10,5-10.
- Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 1,39-45 :
En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée.
Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth.
Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint, et s’écria d’une voix forte :
« Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni.
D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ?
Car, lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi.
Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. »