Texte de l’homélie :
La liturgie de l’église est géniale ! Vous savez que les évangiles de cette année A – en particulier ceux des troisième, quatrième et cinquième dimanches – sont choisis d’une manière particulière pour accompagner les catéchumènes dans cette dernière étape de leur préparation au baptême la nuit de Pâques.
Que se passe-t-il dans ces trois évangiles de la Samaritaine, de l’aveugle-né et de la résurrection de Lazare ?
Dans ces évangiles, la samaritaine, l’aveugle-né et Marthe et Marie découvrent combien Jésus répond à nos grandes questions, non pas tant à un niveau théorique mais des questions proprement existentielles.
Si vous voulez, je vais commencer par faire un lien entre ces trois évangiles. Dans une deuxième partie, je me concentrerai davantage sur l’évangile de ce jour.
Les trois évangiles de la Samaritaine, de l’aveugle-né et de la résurrection de Lazare
La Samaritaine :
Elle découvre Jésus lorsqu’elle reconnaît que sa quête d’amour a été déçue : elle a eu cinq maris et celui avec qui elle vivait n’était pas le sien.
Qui d’entre nous ne cherche l’amour ?
Jean-Paul II disait admirablement (Redemptor hominis, 10) :
Mais l’homme se trompe souvent de route pour vivre le véritable amour.
L’aveugle-né :
L’évangile de l’aveugle-né commence à partir d’une question sur « qui est responsable de cette maladie ? ».
On peut y retrouver toutes nos questions sur la présence de la souffrance dans notre vie. Elles peuvent s’exprimer ainsi : qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour qu’il m’arrive ceci ? pourquoi cela tombe sur moi plutôt que sur d’autres ? …
Lazare :
Dans l’évangile de ce jour, celui de la résurrection de Lazare, nous sommes confrontés au scandale de la mort.
Quand meurt une personne que l’on aime, qui n’est affecté, d’autant plus si cette mort est brutale et survient pour quelqu’un qui est jeune. Comme le dit un magnifique texte du concile Vatican II : « C’est en face de la mort que l’énigme de la condition humaine atteint son sommet. » (Gaudium et spes n°18 § 1)
Par rapport à ces trois questions vitales de l’amour, de la souffrance et de la mort, saint Jean nous montre comment la découverte du Christ change tout. Dans chacun de ces évangiles, il y a une progression jusqu’au moment crucial d’une profession de foi.
Dans l’Évangile de la Samaritaine, Jésus déclare :
« Moi qui te parle, je le suis (le Messie) » (Jn 4, 26 )
Dans l’Évangile de l’aveugle-né, la profession de foi est encore plus explicite :
« “Je crois, Seigneur”, et il se prosterna devant lui. » (Jn 9, 38)
On retrouve encore cela dans l’Évangile de ce jour :
« Jésus lui dit :
— “Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt vivra ; et tout homme qui vit et qui croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ?”
Elle répondit :
— “Oui, Seigneur, tu es le Messie, je le crois ; tu es le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde” » (Jn 11, 25-27)
Dans tous les cas, Jésus invite la personne à traduire concrètement sa foi.
- Pour la Samaritaine, Jésus lui demande de l’eau mais surtout : « Va, appelle ton mari, et reviens. ». Elle est appelée à être au clair par rapport à sa conduite morale.
- Pour l’aveugle-né, il faudra d’abord qu’il aille se laver les yeux à la piscine de Siloé mais il sera aussi appelé à témoigner, ce qui lui vaudra l’exclusion de la synagogue.
- Pour Marthe, ce sera de rouler la pierre du tombeau où Lazare repose depuis déjà quatre jours.
Jésus ne nous invite pas à une foi qui en reste au niveau des idées mais à une foi qui se traduit dans notre comportement concret. Croire implique de poser des actes, comme le dit très bien Saint Jacques :
« Montre-moi donc ta foi qui n’agit pas ; moi, c’est par mes actes que je te montrerai ma foi. (…) Comme le corps qui ne respire plus est mort, la foi qui n’agit pas est morte. » (Jc 2, 18.26)
La résurrection de Lazare
Dans ce miracle, il ne s’agit pas tant de ressusciter Lazare que d’ouvrir les yeux sur la personne de Jésus, de découvrir qui est Jésus.
Le plus important dans cette résurrection, c’est qu’elle nous permet de connaître le Christ comme Dieu :
« Je suis la résurrection et la vie. »
Si on voulait paraphraser l’évangile du paralysé, nous pourrions dire : « Pour que vous sachiez que le Fils de l’homme est la résurrection et la vie, je te l’ordonne, dit-il à Lazare : Lève-toi, sors de ton tombeau et viens dehors ! »
La résurrection de Jésus n’est pas comme celle de Lazare. Celle de Lazare est un retour en arrière ; celle de Jésus est un bond en avant.
Celle de Lazare est un retour à une vie terrestre ; celle de Jésus l’accès à la vie du Ciel.
Lazare mourra une deuxième fois mais pas Jésus : sur lui la mort n’a plus aucun pouvoir.
Lazare retrouve un corps tout faible ; Jésus reçoit un corps glorieux.
Ce cheminement de foi ne se fait pas dans la facilité.
Au point de départ, l’attitude de Jésus est pour le moins déroutante voire même provocante. Il dit à ses apôtres :
« Lazare est mort, et je me réjouis de n’avoir pas été là. »
Cette manière de faire de Jésus suscite en nous beaucoup d’incompréhensions mais aussi de murmures comme ceux des apôtres et des juifs : « Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? ».
L’apparente inertie de Jésus ne s’explique ni par son indifférence, ni par son impuissance. Il faut aller jusqu’au bout de la parole de Jésus pour avoir la clé d’interprétation :
« Lazare est mort, et je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez. » (Jn 11, 15)
Comment se fait-il qu’il faille passer par une telle épreuve pour acquérir la foi ?
Il est vrai que beaucoup de paroles de l’Écriture vont dans ce sens, comme nous dit saint Pierre :
« La foi est plus précieuse que l’or périssable que l’on vérifie par le feu. » (cf. 1 P 1, 7)
D’un point de vue humain, cela aurait quand même été plus sympathique de faire l’économie d’une telle souffrance !
La découverte de l’identité profonde de Jésus passe par un temps d’épreuve. Avant de donner sa grâce, Dieu veut la faire désirer. La grâce n’est pas quelque chose qui nous est donné « par-dessus le marché ». Notre foi n’est pas simplement un plus : on pourrait l’ajouter sans renoncer à rien. Dans la parabole de la perle fine, nous voyons que le marchand ne peut pas l’ajouter à sa collection ; il doit tout vendre pour l’acquérir. La foi passe par un renoncement, une épreuve. Cela consiste à renoncer à nos manières humaines de concevoir les choses pour accueillir la manière de faire de Dieu.
’Si l’Esprit de Celui a ressuscité Jésus d’entre les morts demeure en vous, Celui qui a ressuscité Jésus Christ d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels, par son Esprit qui habite en vous’ … Telle est la qualité et la grandeur du mystère de l’homme, qui brille aux yeux des croyants grâce à la révélation chrétienne. C’est donc par le Christ et dans le Christ que s’éclaire l’énigme de la douleur et de la mort qui, hors de son Évangile, nous écrase. » (Gaudium et spes n°22)
N’est-elle pas belle cette phrase du concile :
En guise de conclusion, nous pourrions reprendre cette prière de Benoît XVI :
Confions cette prière à la Très Sainte Vierge Marie. Puisse son intercession fortifier notre foi, et notre espérance en Jésus, spécialement dans les moments de plus grande épreuve et de plus grande difficulté,
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre d’Ézéchiel 37,12-14.
- Psaume 130(129),1-2.3-4.5-6ab.7bc-8.
- Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 8,8-11.
- Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 11,1-45 :
En ce temps-là, il y avait quelqu’un de malade, Lazare, de Béthanie, le village de Marie et de Marthe, sa sœur.
Or Marie était celle qui répandit du parfum sur le Seigneur et lui essuya les pieds avec ses cheveux. C’était son frère Lazare qui était malade.
Donc, les deux sœurs envoyèrent dire à Jésus :
— « Seigneur, celui que tu aimes est malade. »
En apprenant cela, Jésus dit :
— « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. »Jésus aimait Marthe et sa sœur, ainsi que Lazare. Quand il apprit que celui-ci était malade, il demeura deux jours encore à l’endroit où il se trouvait. Puis, après cela, il dit aux disciples :
— « Revenons en Judée. »
Les disciples lui dirent :
— « Rabbi, tout récemment, les Juifs, là-bas, cherchaient à te lapider, et tu y retournes ? »
Jésus répondit :
— « N’y a-t-il pas douze heures dans une journée ? Celui qui marche pendant le jour ne trébuche pas, parce qu’il voit la lumière de ce monde ; mais celui qui marche pendant la nuit trébuche, parce que la lumière n’est pas en lui. »
Après ces paroles, il ajouta : « Lazare, notre ami, s’est endormi ; mais je vais aller le tirer de ce sommeil. »
Les disciples lui dirent alors :
— « Seigneur, s’il s’est endormi, il sera sauvé. »
Jésus avait parlé de la mort ; eux pensaient qu’il parlait du repos du sommeil.
Alors il leur dit ouvertement :
— « Lazare est mort, et je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez. Mais allons auprès de lui ! »
Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), dit aux autres disciples :
— « Allons-y, nous aussi, pour mourir avec lui ! »À son arrivée, Jésus trouva Lazare au tombeau depuis quatre jours déjà.
Comme Béthanie était tout près de Jérusalem – à une distance de quinze stades (c’est-à-dire une demi-heure de marche environ) –, beaucoup de Juifs étaient venus réconforter Marthe et Marie au sujet de leur frère.
Lorsque Marthe apprit l’arrivée de Jésus, elle partit à sa rencontre, tandis que Marie restait assise à la maison.
Marthe dit à Jésus :
— « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Mais maintenant encore, je le sais, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera. »
Jésus lui dit :
— « Ton frère ressuscitera. »
Marthe reprit :
— « Je sais qu’il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour. »
Jésus lui dit :
— « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? »
Elle répondit :
— « Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde. »
Ayant dit cela, elle partit appeler sa sœur Marie, et lui dit tout bas :
— « Le Maître est là, il t’appelle. »
Marie, dès qu’elle l’entendit, se leva rapidement et alla rejoindre Jésus.
Il n’était pas encore entré dans le village, mais il se trouvait toujours à l’endroit où Marthe l’avait rencontré.
Les Juifs qui étaient à la maison avec Marie et la réconfortaient, la voyant se lever et sortir si vite, la suivirent ; ils pensaient qu’elle allait au tombeau pour y pleurer.
Marie arriva à l’endroit où se trouvait Jésus. Dès qu’elle le vit, elle se jeta à ses pieds et lui dit :
— « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. »
Quand il vit qu’elle pleurait, et que les Juifs venus avec elle pleuraient aussi, Jésus, en son esprit, fut saisi d’émotion, il fut bouleversé, et il demanda :
— « Où l’avez-vous déposé ? »
Ils lui répondirent :
— « Seigneur, viens, et vois. »
Alors Jésus se mit à pleurer.
Les Juifs disaient : « Voyez comme il l’aimait ! »
Mais certains d’entre eux dirent :
— « Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? »
Jésus, repris par l’émotion, arriva au tombeau. C’était une grotte fermée par une pierre.
Jésus dit :
— « Enlevez la pierre. »
Marthe, la sœur du défunt, lui dit : « Seigneur, il sent déjà ; c’est le quatrième jour qu’il est là. »
Alors Jésus dit à Marthe :
— « Ne te l’ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. »
On enleva donc la pierre. Alors Jésus leva les yeux au ciel et dit :
— « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ; mais je le dis à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé. »
Après cela, il cria d’une voix forte :
— « Lazare, viens dehors ! »
Et le mort sortit, les pieds et les mains liés par des bandelettes, le visage enveloppé d’un suaire.
Jésus leur dit :
— « Déliez-le, et laissez-le aller. »
Beaucoup de Juifs, qui étaient venus auprès de Marie et avaient donc vu ce que Jésus avait fait, crurent en lui.