Texte de l’homélie :
Frères et sœurs bien-aimés,
Certaines fois, ne trouvez-vous pas que Jésus exagère tout de même un petit peu ? Polis comme vous êtes, vous ne le direz sans doutes pas ainsi… mais admettons qu’il y a de quoi être dérouté par la manière de faire de Jésus : Marthe et Marie, les sœurs de Lazare, lui disent qu’il est malade et il ne semble pas pressé de se rendre à son chevet – Il reste encore deux jours. Il est même un tantinet provocateur et a une parole dure : « Lazare est mort, et je me réjouis de n’avoir pas été là ».
Comment auriez-vous réagi, si, appelant Jésus à l’aide, qu’Il prenne tout son temps, vous laissant « dans la galère »…
Quelle est notre réaction quand nos proches sont dans la détresse ?
Habituellement, quand on fait appel à vous et que vous ne réagissez pas, on peut l’interpréter de deux manières :
- soit vous êtes indifférent, vous faites comme si vous n’aviez pas entendu, comme si vous n’aimiez pas beaucoup la personne,
- soit, sachant que vous ne pouvez rien faire, vous ne pensez pas utile d’être présent, dans une forme d’impuissance.
Et pourtant, dans le cas de Lazare, ce n’est aucune de ces deux explications qui est valable. D’une part, l’affection de Jésus pour Lazare est relevée 4 fois dans le récit :
- Par ses sœurs : “celui que tu aimes est malade” (Jn 11, 3).
- Par saint Jean : “Jésus aimait Marthe et sa sœur, ainsi que Lazare. (Jn 11, 5)
- Par Jésus lui-même : “Lazare, notre ami s’est endormi” (Jn 11, 11)
- Par les Juifs lorsqu’ils voient que Jésus pleurer devant le tombeau, ils disent : “Voyez comme il l’aimait” (Jn 11, 37) Et au delà de ce paroles : sachant que Jésus était menacé de mort, Il n’aurait pas pris le risque d’aller dans une région où on voulait le mettre à mort s’Il n’avait pas une vraie affection pour Lazare et ses sœurs.
Quant à la deuxième solution, la suite du récit montrera que Jésus n’était pas dans l’impuissance : Il pouvait vraiment faire quelque chose.
Mais alors pourquoi Jésus ne se précipite t-il pas ?
Si ce n’est ni par indifférence, ni par impuissance, pourquoi est-ce que Jésus attend comme ça et laisse Lazare mourir ?
Cette manière de faire de Jésus suscite en nous beaucoup d’incompréhensions mais aussi de murmures, comme ceux des apôtres et des juifs, et chez nous aussi, lorsque l’on prie et que l’on voit que rien ne se passe…
Ce qui est arrivé pour Lazare arrive souvent aussi dans notre vie : un peu comme Marthe et Marie, nous présentons à Jésus nos difficultés. Nous lui confions des personnes qui sont vraiment dans la détresse et Jésus a l’air de ne rien faire. Nous sommes tentés de penser qu’il est indifférent à notre souffrance. Nous avons envie de crier pour le réveiller.
« Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? »
Si l’apparente inertie de Jésus ne s’explique ni par son indifférence, ni par son impuissance, comment alors l’interpréter ?
Le déroulement de l’évangile de ce jour nous y aide. Il nous faut aller jusqu’au bout de la parole de Jésus qui, au premier abord nous paraît inacceptable. Remarquez que je n’ai cité qu’une partie de la phrase de Jésus qui nous fait réagir. Prêtez l’oreille à la deuxième partie :
« Lazare est mort, et je me réjouis de ne pas avoir été là…
à cause de vous, pour que vous croyiez ! » (Jn 11, 15).
La question n’est donc pas l’indifférence de Jésus, mais c’est plutôt qu’il veut nous aider à croire.
Jésus se réjouit quand notre foi grandit
Comment se fait-il qu’il faille passer par une telle épreuve pour acquérir la foi ? Il est vrai que beaucoup de paroles de l’Écriture vont dans ce sens. Saint Pierre nous dit :
« La foi est plus précieuse que l’or périssable que l’on vérifie par le feu. » (cf. 1 P 1, 7)
D’un point de vue humain, cela aurait quand même été plus sympathique de faire l’économie d’une telle souffrance !…
La découverte de l’identité profonde de Jésus passe par un temps d’épreuve. Il faut se faire capacité pour accueillir cette révélation. Avant de donner Sa grâce, Dieu veut la faire désirer.
Comment la grâce grandit-elle ?
La grâce n’est pas quelque chose qui nous est donné « par-dessus le marché ». Notre foi n’est pas simplement un plus : on pourrait l’ajouter sans renoncer à rien.
Dans la parabole de la perle fine, nous voyons que le marchand ne peut pas l’ajouter à sa collection ; il doit tout vendre pour l’acquérir. La foi passe par un renoncement, une épreuve. Cela consiste à renoncer à nos manières humaines de concevoir les choses pour accueillir la manière de faire de Dieu.
Les évangiles de ce carême, particulièrement en cette année A, sont des invitations pressantes à la foi. La foi n’est jamais déconnectée des grandes questions que se posent les gens :
- La Samaritaine découvre Jésus lorsqu’elle reconnaît que sa quête d’amour a été déçue dans toutes les rencontres qu’elle a faites.
- Dans l’évangile de l’aveugle-né, Jésus nous offre une lumière nouvelle sur la maladie et la question de son origine.
- Dans l’évangile de Lazare, c’est devant le scandale de la mort que Jésus apparaît comme le Sauveur.
Dans chacun de ces récits, on peut noter une progression jusqu’au moment crucial d’une profession de foi :
- Dans l’Évangile de la Samaritaine, Jésus déclare : « Moi qui te parle, je le suis (le Messie) » (Jn 4, 26).
- Dans l’Évangile de l’aveugle-né, la profession de foi est encore plus explicite : “Je crois, Seigneur”, et il se prosterna devant lui » (Jn 9, 38).
- On retrouve encore cela dans l’Évangile de ce jour : « Jésus lui dit : “Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt vivra ; et tout homme qui vit et qui croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ?” Elle répondit : “Oui, Seigneur, tu es le Messie, je le crois ; tu es le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde” » (Jn 11, 25-27).
Mise en pratique !…
Dans tous ces récits, on peut remarquer aussi un moment capital où Jésus invite la personne à traduire concrètement sa foi :
- Pour la Samaritaine, ce sera par rapport à sa conduite morale.
- Pour l’aveugle-né, ce sera dans le témoignage qui lui vaudra l’exclusion de la synagogue.
- Pour Marthe, ce sera de rouler la pierre du tombeau où Lazare repose depuis déjà quatre jours. Jésus ne nous invite pas à une foi qui en reste au niveau des idées mais à une foi qui se traduit dans notre comportement concret.
Avez-vous envie de voir la gloire de Dieu ? Mais pour voir la gloire de Dieu, il faut croire. « Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu ». Et croire implique de poser des actes.
Dans ce miracle, il ne s’agit pas tant de ressusciter Lazare que d’ouvrir les yeux sur la personne de Jésus, de découvrir qui est Jésus. En effet, la résurrection de Jésus n’est pas comme celle de Lazare. Celle de Lazare est un retour en arrière ; celle de Jésus est un bond en avant. Celle de Lazare est un retour à une vie terrestre ; celle de Jésus l’accès à la vie du Ciel. Lazare mourra une deuxième fois mais pas Jésus : sur lui la mort n’a plus aucun pouvoir. Lazare retrouve un corps tout faible ; Jésus reçoit un corps glorieux. Jésus est comme le passeur qui doit nous emmener sur la rive de la vie.
Le plus important dans cette résurrection, c’est qu’elle nous permet de connaître le Christ comme Dieu.
« Je suis la résurrection et la vie ».
Si on voulait paraphraser l’évangile du paralysé, nous pourrions dire :
« Pour que vous sachiez que le Fils de l’homme est la résurrection et la vie, je te l’ordonne, dit-il à Lazare : Lève-toi, sors de ton tombeau et viens dehors ! »
Demandons à Marie, le modèle par excellence de la foi, de savoir nous aussi professer notre foi, non pas simplement par notre bouche mais aussi par des gestes très concrets.
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre d’Ézéchiel 37,12-14.
- Psaume 130(129),1-2.3-4.5-6ab.7bc-8.
- Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 8,8-11.
- Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 11,1-45 :
Un homme était tombé malade. C’était Lazare, de Béthanie, le village de Marie et de sa sœur Marthe (Marie est celle qui versa du parfum sur le Seigneur et lui essuya les pieds avec ses cheveux. Lazare, le malade, était son frère.).
Donc, les deux sœurs envoyèrent dire à Jésus : « Seigneur, celui que tu aimes est malade. »En apprenant cela, Jésus dit :
— « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. »
Jésus aimait Marthe et sa sœur, ainsi que Lazare.
Quand il apprit que celui-ci était malade, il demeura pourtant deux jours à l’endroit où il se trouvait ; alors seulement il dit aux disciples :
— « Revenons en Judée. »
Les disciples lui dirent :
— « Rabbi, tout récemment, les Juifs cherchaient à te lapider, et tu retournes là-bas ? »
Jésus répondit :
— « Ne fait-il pas jour pendant douze heures ? Celui qui marche pendant le jour ne trébuche pas, parce qu’il voit la lumière de ce monde ; mais celui qui marche pendant la nuit trébuche, parce que la lumière n’est pas en lui. »
Après ces paroles, il ajouta :
— « Lazare, notre ami, s’est endormi ; mais je m’en vais le tirer de ce sommeil. »
Les disciples lui dirent alors :
— « Seigneur, s’il s’est endormi, il sera sauvé. ». Car ils pensaient que Jésus voulait parler du sommeil, tandis qu’il parlait de la mort.
Alors il leur dit clairement :
— « Lazare est mort, et je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez. Mais allons auprès de lui ! »
Thomas (dont le nom signifie : Jumeau) dit aux autres disciples :
— « Allons-y nous aussi, pour mourir avec lui ! »
Quand Jésus arriva, il trouva Lazare au tombeau depuis quatre jours déjà. Comme Béthanie était tout près de Jérusalem - à une demi-heure de marche environ - beaucoup de Juifs étaient venus manifester leur sympathie à Marthe et à Marie, dans leur deuil.Lorsque Marthe apprit l’arrivée de Jésus, elle partit à sa rencontre, tandis que Marie restait à la maison.
Marthe dit à Jésus :
— « Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort. Mais je sais que, maintenant encore, Dieu t’accordera tout ce que tu lui demanderas. »
Jésus lui dit :
— « Ton frère ressuscitera. »
Marthe reprit :
— « Je sais qu’il ressuscitera au dernier jour, à la résurrection. »
Jésus lui dit :
— « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et tout homme qui vit et qui croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? »
Elle répondit :
— « Oui, Seigneur, tu es le Messie, je le crois ; tu es le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde. »
Ayant dit cela, elle s’en alla appeler sa sœur Marie, et lui dit tout bas :
— « Le Maître est là, il t’appelle. »
Marie, dès qu’elle l’entendit, se leva aussitôt et partit rejoindre Jésus. Il n’était pas encore entré dans le village ; il se trouvait toujours à l’endroit où Marthe l’avait rencontré.
Les Juifs qui étaient à la maison avec Marie, et lui manifestaient leur sympathie, quand ils la virent se lever et sortir si vite, la suivirent, pensant qu’elle allait au tombeau pour y pleurer.
Elle arriva à l’endroit où se trouvait Jésus ; dès qu’elle le vit, elle se jeta à ses pieds et lui dit :
— « Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort. »
Quand il vit qu’elle pleurait, et que les Juifs venus avec elle pleuraient aussi, Jésus fut bouleversé d’une émotion profonde.
Il demanda :
— « Où l’avez-vous déposé ? »
Ils lui répondirent :
— « Viens voir, Seigneur. »
Alors Jésus pleura.
Les Juifs se dirent :
— « Voyez comme il l’aimait ! »
Mais certains d’entre eux disaient :
— « Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? »Jésus, repris par l’émotion, arriva au tombeau. C’était une grotte fermée par une pierre.
Jésus dit :
— « Enlevez la pierre. »
Marthe, la sœur du mort, lui dit :
— « Mais, Seigneur, il sent déjà ; voilà quatre jours qu’il est là. »
Alors Jésus dit à Marthe :
— « Ne te l’ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. »
On enleva donc la pierre. Alors Jésus leva les yeux au ciel et dit :
— « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé.
Je savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ; mais si j’ai parlé, c’est pour cette foule qui est autour de moi, afin qu’ils croient que tu m’as envoyé. »
Après cela, il cria d’une voix forte :
— « Lazare, viens dehors ! »
Et le mort sortit, les pieds et les mains attachés, le visage enveloppé d’un suaire.
Jésus leur dit :
— « Déliez-le, et laissez-le aller. »Les nombreux Juifs, qui étaient venus entourer Marie et avaient donc vu ce que faisait Jésus, crurent en lui.