Homélie du Jeudi Saint

11 avril 2020

Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout.

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Texte de l’homélie :

Chers Frères,
Nous vivons cette première célébration du Triduum pascal dans des conditions très particulières, que nous n’avons pas choisies, mais en revanche nous choisissons d’en tirer le meilleur profit spirituel et surnaturel pour nous-mêmes, pour l’Église et pour tous ceux dont nous avons la charge.
Nous célébrons donc la Cène du Seigneur comme les disciples réunis autour de Jésus au Cénacle. Apprenons de Lui à vivre ces événements comme Lui Il les a vécus. Il offre Sa vie en sacrifice pour le pardon de tous nos péchés. Il rend au Père le culte parfait, l’offrande de toute Sa vie dans un sacrifice spirituel et existentiel. Il est l’homme parfait qui aime Dieu à en mourir. La créature est enfin rendue au Créateur. Enfin un cœur d’homme a parfaitement aimé Dieu.
La faute d’Adam avait détourné l’homme du chemin du vrai Bonheur, l’avait rendu incapable de faire le bien, lui avait fermé la porte du Paradis et l’avait promis à une mort et à une damnation apparemment certaines. L’obéissance du Fils de l’homme rétablit la justice véritable, répare le mal commis, rend l’homme à Dieu et Dieu à l’homme, offre le seul sacrifice capable de satisfaire, de compenser les désordres, les malheurs, les impuretés, l’égoïsme, la lâcheté, la violence, la paresse, la jalousie, la haine qui habitent le cœur de l’homme depuis la faute originelle.

Au soir du Jeudi Saint, Jésus anticipe sacramentellement ce qu’Il va réaliser le lendemain dans Sa passion très sainte. L’offrande de toute Sa vie, de Son corps, de Son sang, de Son âme, de Sa divinité, de tout ce qu’Il est, nous donnant ainsi la plus grande preuve d’amour et offrant au Père le seul sacrifice qui soit digne de Lui.
Il donne à l’Église Son épouse bien aimée cette preuve suprême d’amour, le mémorial de l’alliance nouvelle et éternelle qu’Il scelle dans Son propre sang. En ordonnant à Ses apôtres de perpétuer ce sacrifice dans le temps, Il institue le Sacrement de l’Ordre pour que les prêtres de la nouvelle alliance rendent présent toujours et partout l’unique et parfait sacrifice de la Croix pour que tous les Chrétiens puissent bénéficier aujourd’hui de la grâce du sacrifice rédempteur intervenu il y a 1990 ans.

L’Église est manifestée au monde au matin de la Pentecôte mais elle est sacramentellement fondée aujourd’hui puisqu’Elle vit éternellement de la grâce du baptême et de l’Eucharistie. Sa mission est de prêcher la doctrine du salut, l’Évangile de la Miséricorde, et de célébrer les sacrements qui actualisent, qui réalisent le pardon divin et l’entrée dans l’Éternité. Voilà l’origine de sa mission, son identité la plus profonde, et donc notre identité comme baptisé, comme consacré, comme prêtre.

La célébration du mystère pascal du Christ doit nous renouveler dans notre élan missionnaire, dans notre désir d’annoncer Jésus, le seul nom qui ait été donné aux hommes pour être sauvé. C’est là le service, la mission, la vocation que nous avons à accomplir.
Le repas pascal du peuple de l’Ancienne Alliance est certes un repas de fête, un repas de libération, mais il se prend à la hâte, la ceinture aux reins, le bâton à la main. Il inaugure un exode, une mission, un pèlerinage vers la terre promise, il inaugure bien des luttes, bien des combats, contre des adversaires puissants que Dieu seul peut vaincre.
Nous-mêmes, soutenus par la grâce sacramentelle, nous avons aussi à lutter contre Pharaon, nous avons à traverser le désert pour parvenir à la Terre promise. Il nous faut demeurer fidèle à la loi nouvelle inscrite dans notre cœur par la foi au Christ et la grâce du Saint-Esprit. Il faut que nous soyons marqués par le sang de l’Agneau pour échapper au glaive de l’ange exterminateur.

Le prêtre, le Ministre de la Nouvelle alliance est configuré au Christ Médiateur et il exerce cette double médiation à la suite du Christ en offrant à Dieu la prière de toute l’humanité, en offrant surtout le sacrifice de Jésus lui-même, et il offre aux hommes le don de la vie divine, la grâce du pardon divin, la prédication de la vérité.
Il n’est pas prêtre pour lui, puisque, dans l’Église, à proprement parler, seul le Christ est prêtre, comme l’écrit Saint Thomas d’Aquin. Il est identifié au Christ qui exerce Son sacerdoce en servant ses frères les hommes, en lavant les pieds de ses disciples, en leur communiquant les secrets de Son cœur et en leur promettant le don du Saint-Esprit.

Si nous communions profondément, réellement aux sentiments mêmes du Christ, alors nous portons en cette nuit de façon douloureuse et aimante, tous ceux qui ne sont pas là physiquement et qui seront privés cette nuit de la grâce des sacrements, tous ceux que le Bon Pasteur nous a confiés et pour qui le Christ a donné Sa vie. Dans Son agonie très sainte, de par Sa science divine, mais aussi dans Son intelligence humaine créée, Jésus pensait et aimait chacune des âmes qu’Il allait sauver par Son sacrifice, Il voyait aussi celles qui refuseraient Son amour et rendraient pour elles inutiles Sa passion et Son sacrifice.
Puissions-nous par le mystère de ces jours très saints participer réellement, totalement à sa consécration totale au Père dans l’Esprit pour le salut de la multitude,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de l’Exode 12,1-8.11-14.
  • Psaume 116(115),12-13.15-16ac.17-18.
  • Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 11,23-26.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 13,1-15 :

Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout.
Au cours du repas, alors que le diable a déjà mis dans le cœur de Judas, fils de Simon l’Iscariote, l’intention de le livrer, Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il s’en va vers Dieu, se lève de table, dépose son vêtement, et prend un linge qu’il se noue à la ceinture ;
puis il verse de l’eau dans un bassin. Alors il se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture.
Il arrive donc à Simon-Pierre, qui lui dit :
« C’est toi, Seigneur, qui me laves les pieds ? »
Jésus lui répondit :
« Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras. »
Pierre lui dit :
« Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! »
Jésus lui répondit :
« Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi. »
Simon-Pierre lui dit :
« Alors, Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ! »
Jésus lui dit :
« Quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver, sinon les pieds : on est pur tout entier. Vous-mêmes, vous êtes purs, mais non pas tous. »
Il savait bien qui allait le livrer ; et c’est pourquoi il disait : « Vous n’êtes pas tous purs. »
Quand il leur eut lavé les pieds, il reprit son vêtement, se remit à table et leur dit :
« Comprenez-vous ce que je viens de faire pour vous ?
Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car vraiment je le suis.
Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres.
C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »