Texte de l’homélie
Chers frères et sœurs, il est toujours bon de resituer un texte de l’Evangile dans le contexte dans lequel il se trouve. Juste avant celui que nous venons de lire aujourd’hui, il y a le texte des Béatitudes, et encore avant, il y avait l’appel des quatre premiers disciples. Ces deux textes ont suivi le baptême de Jésus et l’épisode des tentations, nous sommes au tout début du ministère du Seigneur.
Et, à travers ces paroles d’aujourd’hui, le sel et la lumière, Jésus forme Ses disciples à la vie intérieure. Quelle est la vertu du sel si ce n’est de donner du goût aux aliments ? On le sait très bien, un aliment qui n’est pas salé, un plat auquel il manque du sel est fade.
Donner du goût…
Donner du goût, c’est précisément un des dons du Saint Esprit, par le don de Sagesse que nous ne connaissons que très peu. Selon Saint François de Sales :
« Le don de sagesse c’est l’amour qui savoure, goûte, expérimente combien Dieu est doux et suave. »
Cette sagesse nous fait goûter le présence de Dieu. Et selon les mots du Pape François :
C’est cela que le Seigneur, au tout début de l’Evangile, rappelle cette importance du de sagesse. Nous sommes après le baptême de Jésus, après la première effusion du Saint Esprit, la première Pentecôte. Et le Seigneur rappelle à Ses ce qu’ils portent.
Vous avez sans doutes noté que ce n’est pas un appel ou une injonction : « Devenez le sel de la terre », « Soyez la lumière du monde »… non, c’est acquis, selon les mots qu’Il emploie :
« Vous êtes le sel de la terre… »
Et c’est beau que dans la grâce du baptême, nous recevons ce don de sagesse qui est rendu plénier dans la grâce de la Confirmation. Nous recevons cette capacité de goûter l’œuvre de Dieu, de la goûter en nous et dans les autres.
Le prophète Isaïe nous envoie ce conseil : « Enlève, fais disparaître de chez toi le geste accusateur, la parole malfaisante. »
En effet, il nous faut découvrir en nous et dans l’autre l’œuvre de Dieu, voir nous-mêmes où l’amour de Dieu se répand, où Dieu prend une joie à être avec nous, mais aussi, voir la personne – en particulier celle qui est en fragilité - comme un don de Dieu, une grâce pour notre vie.
En fait, s’il nous faut arracher de notre cœur cette parole malfaisante et ce geste accusateur, selon les mots du prophète, c’est pour les remplacer par une parole de bénédiction.
Vous le savez peut-être, quand on bénit de l’eau, on y ajoute du sel. Le sel est également présent dans le rituel du baptême, au moment de l’exorcisme. Il nous permet de nous armer du don de sagesse pour lutter contre la parole malfaisante, contre le geste oppresseur ou accusateur de nos frères.
La capacité du sel à donner du goût nous fait rentrer dans un combat spirituel. Et Jésus le dit clairement :
« Si le sel devient fade, il perd de sa saveur. Il sera jeté dehors et piétiné. »
Il y a un combat intérieur d’accepter, de reprendre conscience et de vivre de cette capacité de bénédiction, de goûter événements et personnes avec le regard de Dieu, et non pas simplement avec notre regard humain.
Redonner le goût !
Certes, nous goûtons nous-même la vie, mais aussi nous redonnons goût aux autres. On redonne goût à la vie chaque fois que l’on partage notre pain avec celui qui a faim, chaque fois que l’on accueille chez nous les pauvres sans abri, que nous allons vêtir celui qui est nu, nous appliquons par la même occasion ce conseil du prophète Isaïe :
« Ne te dérobe pas à ton semblable. »
Oui, nous pouvons redonner le goût aux personnes qui l’on perdu, parce qu’elles avaient faim, parce qu’elles étaient sans abri, parce qu’elles n’étaient pas vêtu et d’une manière ou d’une autre, n’étaient pas reconnues comme des personnes.
Le don de sagesse nous fait réaffirmer que toute vie a une beauté, que toute vie mérite d’être vécue, même la plus en fragilité, la plus dépourvue des atours du monde, la moins considérée, et que Dieu est présent en elle. Nous allons ainsi nous mettre à son service pour pouvoir redonner cette dignité avec des gestes simples comme donner du pain, donner un vêtement et un abri qui correspond à la dignité de chacun.
Que ce soit à ses débuts ou encore maintenant, l’Eglise n’a en tout temps de cesse que d’être aux limites de l’humain, là où il est le plus bafoué, précisément, pour pouvoir redonner et réaffirmer la beauté de ces personnes rejetées. C’est par le don de sagesse qu’elle le fait : c’est un don contemplatif, qui donne un certain regard sur les événements et les personnes, pour ainsi dire, c’est comme avoir des lunettes de Dieu.
Certes, cela demande de sortir de nous-même, de prendre conscience de ce qui nous habite. Vous êtes le sel de la terre, c’est déjà acquis ! Par le baptême, la confirmation, vous avez ce regard contemplatif sur les événements et les personnes. Vous l’avez, mais vous devez mener un combat intérieur, pour choisir d’en vivre ou non. Voici la lutte que nous avons tous à mener car, avoir cette capacité de bénir, de relever par notre regard, par notre parole et notre témoignage, c’est l’appel que Jésus nous lance.
« Devenez ce que vous êtes ! »
Et ce n’est pas pour rien qu’Il a parlé des Béatitudes juste avant, après avoir choisi les quatre premier disciples. Il les fait rentrer dans une nouvelle appréhension des événements et des personnes. De n’est pas juste le regard humain horizontal, celui du monde et de la société, qui valorise le pouvoir, qui valorise la fortune et la beauté. Le regard contemplatif éclairé par le don de sagesse, c’est le sel de la terre.
Si nous, comme Chrétiens, nous perdons ce regard là, ne nous plaignons pas d’être piétinés et jetés dehors.
Redonnons la lumière au monde
C’est donc ne responsabilité parce que, certes, faire le bien à celui qui est dans la nécessité, ce n’est pas le seul attribut des Chrétiens, mais c’est notre responsabilité. Nous n’en avons pas l’exclusivité. Nous en avons, en vertu du don du Saint Esprit, la responsabilité. Mais, plus encore, nous disons à tous ceux qui donnent du pain à celui qui a faim, qui abritent les pauvres, à tous ceux qui donnent un vêtement à ceux qui sont nus, Chrétiens ou non, nous leur disons :
Chaque fois que quelqu’un fait le bien, disons-lui que c’est l’Esprit de Dieu qui agit par lui, par sa parole, par ses actes.
La puissance du don de sagesse est très forte ! C’est la puissance de savoir savourer les choses.
Vous le savez sans doutes, le mot de sagesse vient de sapere qui signifie « goûter ».
« Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur… »
Le sel et la lumière, goûtez l’œuvre de Dieu en vous et dans les autres !…
Ce geste accusateur est parfois retourné contre nous. Nous n’avons pas un regard assez contemplatif qui nous permet de prendre conscience que nous sommes des Temples du Saint Esprit. Et c’est pour cela que nous laissons des tas de peurs nous envahir, on voit aussi ces raidissements dans notre société, car nous n’arrivons pas à goûter et à vivre de ce don de sagesse.
Alors, nous allons demander cette grâce particulière au Seigneur de reprendre conscience de cette capacité de vie et de donner à travers le regard contemplatif, à travers le don du Saint-Esprit. C’est en nous, c’est acquis ! La Vierge-Marie est Celle qui a certainement vécu de ce regard contemplatif, de ce don de sagesse, de cette capacité de goûter événements et personnes, Elle qui, comme dit l’Evangile à plusieurs reprises, « gardait toutes ces choses dans Son cœur ». Elle gardait les choses dans Son cœur pour être dans la patience, et voir se manifester de façon parfois surprenante l’œuvre de Dieu déjà en Elle et autour d’Elle.
Puissions-nous invoquer Marie en ce jour pour qu’Elle nous donne – qu’Elle nous redonne – conscience de notre baptême, de la responsabilité qui est la nôtre, de cette capacité d’éclairer et d’être lumineux en faisant le bien, et de rendre les autres lumineux. Puissions-nous en vivre et être les témoins d’un Dieu qui nous appelle des ténèbres à Son admirable lumière,
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre d’Isaïe 58,7-10.
- Psaume 112(111),4-5.6-7.8a.9.
- Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 2,1-5.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 5,13-16 :
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade, comment lui rendre de la saveur ? Il ne vaut plus rien : on le jette dehors et il est piétiné par les gens.
Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison.De même, que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. »