Texte de l’homélie :
Vous le savez certainement, Frères et Sœurs bien aimés, aujourd’hui se clôture la semaine mondiale de prière pour l’unité des chrétiens.
Cette semaine mondiale nous fait réfléchir sur le sens de l’unité. En effet, et ne le sous-estimons pas, l’un des obstacles au manque d’adhésion au Christ, à l’évangélisation, au fait que l’Évangile puisse se répandre sur la surface de la terre, c’est la division des chrétiens.
Des personnes qui rencontrent Jésus par grâce, croient en l’Évangile et disent : « Où vais-je aller ? »
Quand on regarde la diversité des Églises chrétiennes de par le monde, quelle est la bonne ? Et lorsque j’étais aumônier d’étudiants, il y avait un chinois qui ne parlait qu’allemand, qui croyait en Jésus et a décidé de choisir l’Église la plus grande, et il a vu que l’Église catholique était la plus grande. Ça nous plonge dans l’humilité, car son choix était statistique plutôt qu’une adhésion plénière à la foi de l’Église catholique…
La division est un obstacle. Dans le judaïsme, il y a les Juifs messianiques, qui croient au Messie mais ne rentrent dans aucune Église…
Alors, qui me dit quelle est la bonne ? Qui me dit que c’est l’Église de Jésus Christ ?
L’œcuménisme, dialogue entre les chrétiens.
Il y a une fausse manière de voir l’œcuménisme.
Les médias, eux, emploient le mot œcuménisme à la place de « dialogue interreligieux », ce qui n’est pas du tout la même chose. Cette mauvaise vision de l’œcuménisme serait de faire une sorte de consensus mou. Par exemple, aux protestants on ne va pas parler de la Vierge Marie, aux orthodoxes on ne va pas parler du Pape, on rabote pour que grosso modo nous soyons tous pareils…
Et c’est le contraire de ce que nous venons d’entendre dans la deuxième lecture : il y a plusieurs membres, et tous les membres, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps.
L’œcuménisme, c’est d’abord reconnaître nos différences. Non comme une menace, mais comme quelque chose qui peut m’enrichir de l’expérience que l’autre fait de Dieu. Parce que l’œcuménisme se fait par le haut : l’unité n’est pas l’uniformité. Et ce qui est vrai pour les chrétiens l’est aussi dans les familles : on voit bien comme c’est difficile de garder l’unité dans nos familles, avec les éducations très différentes reçues par ses différents membres, beaux-frères, belles-sœurs, etc.
On voudrait que tout le monde pense pareil, et c’est pour cela que c’est difficile. A partir du moment où l’on a accepté que l’autre peut penser et agir autrement tout en souhaitant le bien commun, c’est-à-dire en se retrouvant sur des valeurs transcendantes, eh bien l’unité est possible.
Dans l’œcuménisme, cette unité tient de cela : dis-moi quelle est ton expérience de Dieu. Dans ta vie protestante, dans ta foi, qu’est-ce que tu peux me dire de ton expérience de la Parole ? Les protestants nous ont d’ailleurs beaucoup apporté au sujet de la Parole, à tel point que c’est le grand livre de la Parole de Dieu qui a été mis au milieu de la basilique Saint-Pierre lors de l’ouverture du concile Vatican II ! Il fut tout un temps où il était même interdit de lire la Bible !
Et toi, orthodoxe, que peux-tu nous dire de l’expérience de Dieu, dans la beauté de la liturgie ?
Et au sein de l’Église catholique même, la diversité considérable fait qu’on peut s’enrichir les uns les autres. Nous pouvons pensez à ceux qui sont attachés au rite traditionnel, et aux charismatiques… L’avantage, c’est que nous avons un seul pasteur, c’est cela qui nous permet d’avoir une unité visible.
L’unité des chrétiens vient d’en-haut
L’unité se fait par le haut. Pas en négociant. Peut-être y a-t-il des aspects à raboter ? comme dans les familles, des caractères à purifier, certainement.
Ce qui est beau, c’est que grâce au Concile Vatican II, on a retrouvé ce dialogue avec nos frères séparés, avec les protestants.
Bien souvent, les divisions ne viennent pas tant de questions spirituelles, mais de questions politiques. Par exemple, la division avec l’orthodoxie, le premier grand schisme, le schisme d’Orient, vient du fait qu’on ne voulait pas reconnaître le Pape comme point visible de l’unité, et ont alors été créées les Églises « auto-céphales », qui ont leurs propres têtes. Même chose avec l’anglicanisme : Henri VIII voulait se remarier, et comme le Pape a dit non au remariage, Henri VIII a créé son Église.
Il est très important de réaffirmer d’abord fondamentalement ce qui nous unit, ce à quoi on est attaché, et qu’on ne lâchera pas, qui nous donnera une force intérieure. Pour aller à la rencontre de l’autre, parfois dans la difficulté, pour dire que la communion est déjà là. Dans la différence, dans la distinction des caractères, des croyances, mais elle est déjà là. Parce que c’est la volonté de Dieu qui dit « Père, qu’ils soient un, pour que le monde croie. »
C’est beau de voir que cette unité se fait par le haut, et chaque fois que je m’élève spirituellement, chaque fois que je vis une spiritualité exigeante, que je donne de la place au Seigneur, je fais grandir le lien entre les chrétiens.
L’œcuménisme du sang
Il y a un autre œcuménisme, dont la Pape François a parlé, c’est l’œcuménisme du sang. Lorsqu’on regarde la persécution des chrétiens en Orient, on se porte spontanément à leur secours. Et pour les réfugiés, certains disent « nous, on veut bien des réfugiés, pourvu qu’ils soient chrétiens. » Mais nous ne prenons pas en compte, qu’au début, on ne les considérait pas du tout comme des frères.
Prenons l’exemple des Coptes. Ce sont des préchalcédoniens : ils n’ont pas approuvé le Concile de Chalcédoine en 451. Ce concile disait qu’en Jésus il y avait deux natures, la nature humaine et la nature divine, et une seule personne, la personne du Verbe. Et du coup, cela se bagarrait comme pas possible ! Mais aujourd’hui, ce qui compte, c’est qu’ils offrent leur vie pour le Christ, et pour nous ce sont des témoins, des martyres.
L’unité des chrétiens centrée sur le Christ dans la vérité et la charité
Oui, on peut batailler sur des aspects théologiques, qui souvent sont mélangés avec des aspects humains, mais l’unité des chrétiens se fait dans l’affirmation de cette transcendance, dans l’attachement à Jésus, et quand l’un ou l’autre est dans l’épreuve, spontanément on se porte à son secours. On n’est pas là à regarder la théologie, même si c’est intéressant ! Mais il y a d’autres choses prioritaires par rapport à cela : il faut d’abord soutenir nos frères, et se mobiliser, et c’est ce que fait beaucoup l’Église de France. Le Seigneur nous demande de revisiter le lien avec les autres confessions en redisant profondément ce qui nous unit, mais en disant aussi qu’il y des choses sur lesquelles nous ne sommes pas d’accord. Après le Concile Vatican II, protestants et catholiques se sont jetés dans les bras l’un de l’autre. Et ensuite on est rentré un peu plus « dans le dur ». Par exemple, le Pasteur Demareuil qui animait la communauté protestante de Compiègne, un homme tout à fait remarquable, est venu prêcher une retraite aux Frères, mais on ne pouvait pas l’accepter comme concélébrant dans l’Eucharistie, parce que communier à l’Eucharistie, c’est communier à un Corps, le Corps eucharistique, mais aussi ce corps qui est l’Église, et on ne peut pas se mettre en porte-à-faux par rapport à l’Église. Ce serait à mon avis une mauvaise lecture de l’œcuménisme. Et j’ai été très édifié par lui, parce qu’il est revenu à l’Abbaye d’Ourscamp il n’y a pas très longtemps, et au moment de la communion, il s’est approché de moi tel un enfant qui n’aurait pas fait sa première communion, demandant simplement la bénédiction. Cela m’a beaucoup touché.
Il ne faut pas brader ce que l’on croit. On n’attire pas en bradant contrairement au commerce ! Dans la vie de foi, on attire uniquement en montrant le beau, le vrai, le bien, en élevant l’âme vers une capacité d’aimer plus grande, en encourageant la grandeur d’âme, le courage. C’est comme cela qu’on attire.
Alors, demandons au Seigneur qu’Il nous aide, que nous puissions être témoins nous aussi, avec Christ, de l’amour unique du Père. Que nous puissions aussi être artisans d’unité, là où nous sommes, dans la vérité mais dans la charité, pour que le monde croie.
Amen.
Références des lectures du jour :
- Livre de Néhémie 8,2-4a.5-6.8-10.
- Psaume 19(18),8.9.10.1.
- Première lettre saint Paul Apôtre aux Corinthiens 12,12-30.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 1,1-4.4,14-21 :
Beaucoup ont entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous, d’après ce que nous ont transmis ceux qui, dès le commencement, furent témoins oculaires et serviteurs de la Parole.
C’est pourquoi j’ai décidé, moi aussi, après avoir recueilli avec précision des informations concernant tout ce qui s’est passé depuis le début, d’écrire pour toi, excellent Théophile, un exposé suivi, afin que tu te rendes bien compte de la solidité des enseignements que tu as entendus.Lorsque Jésus, dans la puissance de l’Esprit, revint en Galilée, sa renommée se répandit dans toute la région. Il enseignait dans les synagogues, et tout le monde faisait son éloge.
Il vint à Nazareth, où il avait été élevé. Selon son habitude, il entra dans la synagogue le jour du sabbat, et il se leva pour faire la lecture.
On lui remit le livre du prophète Isaïe. Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit :
‘L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur.’Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui.
Alors il se mit à leur dire : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. »