Homélie du troisième dimanche de Pâques

19 mai 2011

« Vous n’avez donc pas compris ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce qu’ont dit les prophètes ! Ne fallait-il pas que le Messie souffrît tout cela pour entrer dans sa gloire ? »

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Texte de l’homélie :

La Résurrection est l’événement fondamental de notre foi.
Il nous faut absolument nous arrêter sur ce qu’est la Résurrection et essayer de vivre quotidiennement avec ce mystère qui est au fondement de notre vie chrétienne.

D’une manière très belle et lumineuse, Joseph Ratzinger, dans son livre sur Jésus, nous dit ce que n’est pas la Résurrection.
Il insiste pour dire que ce n’est pas comme la résurrection de Lazare, un retour à le vie biologique ordinaire.
Ce n’est pas non plus un fantôme !
Ce n’est pas une expérience mystique qu’ont vécue les apôtres comme un dépassement momentané du domaine de l’âme et de ses facultés perceptives.

Non. C’est un événement totalement nouveau qui fait partie de notre histoire, mais qui en même temps la fait éclater.
Benoît XVI nous dit que la matière elle-même est transformée en un nouveau genre de réalité. Désormais, avec Son propre corps lui-même, l’homme Jésus appartient totalement à la sphère du divin et de l’éternel.
Comme le dit Tertulien : « L’esprit et le sang ont leur place en Dieu. »

Benoît XVI le formule ainsi :

« Même si l’homme selon sa nature est créé pour l’immortalité, le lieu où son âme immortelle trouve un espace n’existe que maintenant, et c’est dans cette corporéïté que l’immortalité acquière sa signification en tant que communion avec Dieu et avec l’humanité toute entière réconciliée. »

Cette phrase est à reprendre avec le texte des disciples d’Emmaüs : cet événement nous donne comme un schéma de notre prière, nous invitant à transformer notre vie de relation à Dieu.
Les disciples marchent et font route avec Jésus, Il marche à leurs côtés. En Jésus, Dieu se fait proche des hommes, Il entre dans notre histoire, et donne une toute autre dimension à notre quotidien. Il nous faut laisser Jésus nous rejoindre sur la route.

La familiarité avec Jésus est comme constitutive de la réalité de la Résurrection. Si nous vivons au quotidien de la résurrection, cela ne veut pas dire que nous allons être dispensés de la simplicité des jours, avec son bagage d’incohérences et d’imprévus.

Les deux disciples ont entendu les témoignages concernant la Résurrection. Mais Lui, ils ne L’ont pas vu… C’est comme nous : nous avons entendu ce témoignage par les apôtres et les saint, mais Lui, nous ne l’avons rien vu.
Dans notre vie de prière, nous pouvons nous aussi entrer comme eux dans des moments de déceptions : Jésus est-Il bien là, est-Il présent dans notre vie ?

Remarquons bien que Jésus écoute leur histoire. Il les invite à reprendre la relecture qu’ils en ont fait et leur montre ce à quoi on peut reconnaître la présence de Dieu dans notre vie de tous les jours.
Et Jésus va les inviter à découvrir combien la présence de Dieu, cet accompagnement de la grâce, est avec eux. Il le fait aussi dans notre prière, quand Il nous invite à apprendre à écouter et à reconnaître les marques de Sa présence dans notre monde, à travers notre histoire : la présence de Dieu est dans la vie de tous les jours.

Cette anamnèse, Jésus ne la fait pas que dans un discours. C’est dans l’événement pascal que se dissipent toutes les ombres, de tout ce que l’on voyait « en figure » tout au long de l’écriture…

Et, après avoir écouté Jésus parler et faire ce travail d’anamnèse - à l’image de notre temps de prière et de méditation - les disciples Lui disent « Reste avec nous ! », demeure avec nous.
Pour la vie de prière, il est important de retenir Jésus près de nous, de L’inviter à s’asseoir à la table de notre vie, de goûter Sa présence, de Le laisser être présent. Ce n’est pas une activité comme les autres…

Ensuite, à travers ce partage du pain - le mot employé en Grec est très fort, comme pour la partage du sel, de ce qui ne se corrompt pas - nos vies vont être communion. Jésus s’attable avec eux, avec nous. Et Jésus va pouvoir nous faire découvrir que nous sommes en communion avec Lui, en communion de destin, en reconnaissant dans sa vie, dans sa Passion, combien Il n’est pas étranger à nos vies, combien Il vient jusque dans nos ténèbres pour y apporter Sa Lumière.

Dès que les disciples vont se rendre compte que c’est Lui, qu’ils ouvrent les yeux, Jésus disparaît.
Il n’est plus un troisième personnage à table avec eux, mais Il est passé dans leur vie. Il est là vivant, sous les espèces et apparences du pain rompu, mais aussi sous les espèces et apparences de leurs existences concrètes.
Vous le savez, dans la messe, nous insistons sur le fait que nous offrons le pain et le vin comme prémices du corps du Christ pour que nous devenions nous-mêmes corps du Christ, pour que ce soit nos vies concrètes qui soient offertes qui rentrent dans cette présence, comme enveloppées de cette vie qualitative nouvelle, comme le disait Benoît XVI. C’est une nouvelle manière d’exister qui nous est donnée dans la Résurrection pour que nos vies touchent à ce qu’il y a d’éternel. Il n’y a pas d’autre lieu pour l’éternel que notre chair, que ce que nous sommes.
Voilà le travail de la prière, voilà où elle nous conduit, voilà le mystère qui s’y déroule.

Demandons la grâce de l’Esprit Saint pour vivre la prière dans sa vraie dimension, et non pas dans une dimension païenne qui tâtonne, qui essaye de découvrir le Seigneur, de voir des signes, des vestiges, des traces de Dieu. Mais de laisser cette présence de Dieu entrer dans nos vies.

Regardons cette remarque des disciples : ils ont besoin de se rendre compte - c’est un des mouvements de la prière - de rendre grâce, de faire un retour sur eux-mêmes pour découvrir ce qu’ils vivent. Puis, c’est cette phrase extraordinaire :

« Notre cœur n’était-il pas tout brûlant ? »

En effet, c’est déjà l’Esprit Saint qui travaille, qui se manifeste comme un feu le jour de la Pentecôte, parce que la prière est le lieu de ce baptême dans l’Esprit Saint pour que nous vivions concrètement de la Résurrection.
Ensuite, les deux disciples s’en retournent pour témoigner avec courage, pleins de cette force de l’Esprit Saint, force du témoignage qui émerge après cette question : « Comment se fait-il que tu ne te révèles pas à tout le monde ? ».
Il sont entrés dans la reconnaissance. Et c’est aussi un des aspects de notre vie de prière, présent à la fin de la messe et que l’on appelle « l’envoi », l’envoi en mission.

Demandons de pouvoir rentrer dans cette dimension de la prière qui ne peut pas se comprendre sans ce mystère de la Résurrection du Christ,

Amen !


Références des lectures :

  • Livre des Actes des Apôtres 2,14.22-33.
  • Psaume 16(15),1-2a.5.7-8.9-10.2b.11.
  • Première lettre de saint Pierre Apôtre 1,17-21.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 24,13-35 :

Le troisième jour après la mort de Jésus, deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs, à deux heures de marche de Jérusalem, et ils parlaient ensemble de tout ce qui s’était passé.
Or, tandis qu’ils parlaient et discutaient, Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux. Mais leurs yeux étaient aveuglés, et ils ne le reconnaissaient pas.
Jésus leur dit : « De quoi causiez-vous donc, tout en marchant ? » Alors, ils s’arrêtèrent, tout tristes. L’un des deux, nommé Cléophas, répondit : « Tu es bien le seul de tous ceux qui étaient à Jérusalem à ignorer les événements de ces jours-ci. » Il leur dit : « Quels événements ? » Ils lui répondirent : « Ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth : cet homme était un prophète puissant par ses actes et ses paroles devant Dieu et devant tout le peuple. Les chefs des prêtres et nos dirigeants l’ont livré, ils l’ont fait condamner à mort et ils l’ont crucifié. Et nous qui espérions qu’il serait le libérateur d’Israël ! Avec tout cela, voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c’est arrivé. A vrai dire, nous avons été bouleversés par quelques femmes de notre groupe. Elles sont allées au tombeau de très bonne heure, et elles n’ont pas trouvé son corps ; elles sont même venues nous dire qu’elles avaient eu une apparition : des anges, qui disaient qu’il est vivant. Quelques-uns de nos compagnons sont allés au tombeau, et ils ont trouvé les choses comme les femmes l’avaient dit ; mais lui, ils ne l’ont pas vu. »
Il leur dit alors : « Vous n’avez donc pas compris ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce qu’ont dit les prophètes ! Ne fallait-il pas que le Messie souffrît tout cela pour entrer dans sa gloire ? » Et, en partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur expliqua, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait.
Quand ils approchèrent du village où ils se rendaient, Jésus fit semblant d’aller plus loin. Mais ils s’efforcèrent de le retenir : « Reste avec nous : le soir approche et déjà le jour baisse. » Il entra donc pour rester avec eux.
Quand il fut à table avec eux, il prit le pain, dit la bénédiction, le rompit et le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards.
Alors ils se dirent l’un à l’autre : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route, et qu’il nous faisait comprendre les Écritures ? »
A l’instant même, ils se levèrent et retournèrent à Jérusalem. Ils y trouvèrent réunis les onze Apôtres et leurs compagnons, qui leur dirent : « C’est vrai ! le Seigneur est ressuscité : il est apparu à Simon-Pierre. » A leur tour, ils racontaient ce qui s’était passé sur la route, et comment ils l’avaient reconnu quand il avait rompu le pain.