Texte de l’homélie :
« Tout tristes, ils s’arrêtèrent… »
C’est quelque chose qui nous menace, qui menace chaque chrétien ; et peut-être, en ces temps qui sont les nôtres, d’une manière plus forte. Simon et Cléophas ont été compagnons de Jésus. Ils ont marché avec Lui. Il sont entendu parler de Lui et ce qu’ils disent de Lui est une très bonne catéchèse : on y retrouve tous les éléments du discours de Pierre à la Pentecôte :
Jésus de Nazareth, un prophète puissant dans ses actes et ses paroles, devant Dieu, devant les hommes… Il a été livré et condamné, crucifié, alors qu’on espérait qu’Il soit le libérateur d’Israël. On a bien entendu parler de la résurrection, mais Lui, nous ne l’avons pas vu.
Et en ces temps, nous risquons de rester à cette expérience de vie dans le groupe des amis de Jésus, même avec les connaissances que nous avons et la catéchèse que nous avons reçue…
Mais, tout tristes, ils s’arrêtèrent
Assez souvent, il m’arrive de rencontrer des personnes impressionnées devant la baisse du nombre de chrétiens, devant toutes les attaques dont on peut entendre parler. Les persécutions sont un peu lointaines, reléguées aux vieilles croyances et à l’ordre moral à l’ancienne. Et on parle de Jésus, on se retrouve en quelque sorte disqualifié. Et, tout tristes, nous nous arrêtons sur le chemin…
Mais, sur ce chemin, il y a Jésus qui vient, Jésus qui marche. Ce récit des compagnons d’Emmaüs est vraiment central chez Saint Luc pour comprendre la Résurrection. On ne parle pas d’apparition, on ne dit pas qu’ils voient Jésus. On dit simplement qu’Il marche avec eux. C’est le signe que Jésus marche avec nous. Mais, le problème est que nous avons les yeux aveuglés. Nous savons bien les choses.
Et il leur faudra, à la suite, s’efforcer de Le retenir. Ils ont reçu une très belle catéchèse de Jésus Lui-même : Il reprend toute l’écriture en leur montrant comment cela traitait de Lui. Et ici, dans les actes des Apôtres répondant au psaume 15-16 repris et appliqué à Jésus :
« Tu ne verras pas le chemin de la corruption,
Tu nous montres le chemin de la vie »
Et c’est ce chemin que Jésus nous montre ici. Mais, il faut s’efforcer de Le retenir, de Le laisser éclairer notre vie.
Pourquoi sommes-nous tout tristes ?
Saint Paul nous parle de la tristesse : celle qui nous enferme, qui nous arrête. Pour reprendre les termes de Saint Jean : la tristesse « d’en bas », de ce monde, d’ici bas. Elle vient de nos espérances ; ici, ils espéraient Jésus « à leur manière », qu’Il serait le libérateur d’Israël selon leur façon de voir – une libération politique, un bienfait matériel, pour leur vie maintenant. Et cela est naturel, légitime. Comme après la multiplication des pains dans Saint Jean, lorsqu’on vient le prendre pour faire de Lui le ministre de l’économie, pour qu’Il répartisse les biens entre tout le monde d’une manière juste…
Et nous risquons de rentrer dans cette tristesse Simplement parce que nous sommes avec nos désirs d’en bas.
Saint Paul nous le rappelle :
Désirez les choses d’en haut !
Plus exactement, avec une autre expression que l’on trouve dans la Bible : « les richesses du monde à venir », celui qui est en train de venir, ce monde de l’Avènement, de la venue de Dieu parmi nous. Et nous connaissons ces biens : il s’agit de la Charité, des dons de l’Esprit-Saint, la Paix, la maîtrise de soi, la douceur, la bonté, la bienveillance, la Joie. Un cœur joyeux qui sait se réjouir parce qu’il accueille les uns et les autres, plutôt que de contredire et de critiquer.
Bien sur, c’est un chemin qui nous paraît long. D’ailleurs, les exégètes ne sont pas d’accord au sujet de ce chemin d’Emmaüs : est-ce celui de 11 km ou celui 29 km, et se disputent pour savoir où est Emmaüs. Mais, on entrevoit bien que c’est, un chemin long, un chemin que l’on ne connaît pas.
Mais, Jésus vient apporter cette lumière.
Dans notre chemin de la vie, il nous faut bien sur nous séparer des illusions et de ces désirs d’en bas, et la vie va nous y aider. A commencer par notre « moi », nos désirs terrestres qui se développent.
Le Seigneur va nous mettre sur un autre chemin, le chemin d’un cœur libéré, le chemin d’un cœur qui sait aimer. Il va éclairer notre vie, et Il va leur rendre la joie.
En chemin, ils ne se sont pas rendu compte tout de suite. Ainsi, quand la grâce de Dieu vient dans notre vie, nous ne nous en apercevons pas directement. Il y a besoin de reprendre, de relire, de garder en mémoire. Et comme les disciples ici, dans cette relecture de vie, on peut se redire aussi :
« Notre cœur n’était-il pas tout brûlant en nous ? »
On a vécu telle rencontre, tel moment de prière, notre cœur n’était-il pas tout brûlant ? et c’est à ce moment-là que nous le découvrons, que nos yeux s’ouvrent.
Si nous pouvions voir la promesse de Jésus qui est si réelle :
Le Seigneur à nos côté dès maintenant…
« Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin ! »
Qui d’entre nous a pensé depuis ce matin que Jésus était à ses côtés, qu’Il était là, présent, le cœur ouvert ? Son amour, Sa puissance, la libération de Son cœur, et ce qu’Il vient nous apporter ?
Alors, demandons avec les disciples d’Emmaüs, de ne pas simplement être ces gens qui vivent d’une manière trop humaine, pour citer encore Saint Paul :
Si nous avons connu Jésus d’une manière humaine, il nous faut maintenant Le connaître dans l’Esprit-Saint…
Dans cette rencontre, dans La Rencontre avec Jésus, voilà d’où nous allons tirer notre espérance, notre force. Alors, sur tous les chemins, nous n’aurons pas besoin de nous inventer un autre monde meilleur. C’est dans notre monde, aujourd’hui, que le Seigneur vient, c’est dans notre monde que la joie peut venir et que nous pouvons la répandre. C’est notre cœur qui appelé à renaître à la joie.
Demandons cette grâce en ce dimanche,
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre des Actes des Apôtres 2,14.22b-33.
- Psaume 16(15),1-2a.5.7-8.9-10.11.
- Première lettre de saint Pierre Apôtre 1,17-21.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 24,13-35 :
Le même jour (c’est-à-dire le premier jour de la semaine), deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs, à deux heures de marche de Jérusalem, et ils parlaient entre eux de tout ce qui s’était passé. Or, tandis qu’ils s’entretenaient et s’interrogeaient, Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux. Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître.
Jésus leur dit :
— « De quoi discutez-vous en marchant ? »
Alors, ils s’arrêtèrent, tout tristes. L’un des deux, nommé Cléophas, lui répondit :
— « Tu es bien le seul étranger résidant à Jérusalem qui ignore les événements de ces jours-ci. »
Il leur dit :
— « Quels événements ? »
Ils lui répondirent :
— « Ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth, cet homme qui était un prophète puissant par ses actes et ses paroles devant Dieu et devant tout le peuple : comment les grands prêtres et nos chefs l’ont livré, ils l’ont fait condamner à mort et ils l’ont crucifié.
Nous, nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël. Mais avec tout cela, voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c’est arrivé.
À vrai dire, des femmes de notre groupe nous ont remplis de stupeur. Quand, dès l’aurore, elles sont allées au tombeau, elles n’ont pas trouvé son corps ; elles sont venues nous dire qu’elles avaient même eu une vision : des anges, qui disaient qu’il est vivant.
Quelques-uns de nos compagnons sont allés au tombeau, et ils ont trouvé les choses comme les femmes l’avaient dit ; mais lui, ils ne l’ont pas vu. »
Il leur dit alors :
— « Esprits sans intelligence ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce que les prophètes ont dit ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? »
Et, partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait.Quand ils approchèrent du village où ils se rendaient, Jésus fit semblant d’aller plus loin. Mais ils s’efforcèrent de le retenir : « Reste avec nous, car le soir approche et déjà le jour baisse. » Il entra donc pour rester avec eux.
Quand il fut à table avec eux, ayant pris le pain, il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna.
Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards.
Ils se dirent l’un à l’autre : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? »
À l’instant même, ils se levèrent et retournèrent à Jérusalem. Ils y trouvèrent réunis les onze Apôtres et leurs compagnons, qui leur dirent : « Le Seigneur est réellement ressuscité : il est apparu à Simon-Pierre. »À leur tour, ils racontaient ce qui s’était passé sur la route, et comment le Seigneur s’était fait reconnaître par eux à la fraction du pain.