Homélie du 32e dimanche du temps ordinaire

14 novembre 2017

« Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure. »

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Texte de l’homélie :

Chers frères et sœurs,

Un ouvrage intéressant est paru il y a plusieurs décennies : « Six heures à perdre ». C’est l’histoire d’un officier français fait prisonnier dans un oflag durant la dernière guerre mondiale, et qui, étant libéré, doit faire le trajet entre l’Allemagne et son domicile en France.
Entre deux trains il se trouve qu’il a six heures à perdre. Comment v-t-il les employer ? C’est l’argument de ce roman, il les emploie à rechercher une jeune fille entrevue, Marie-Ange, dont il est tombé éperdument amoureux.
J’y voyais là comme une belle parabole en écho à celle que nous avons dans l’évangile aujourd’hui.

Nos dix jeunes filles ont aussi du temps à perdre, elles doivent attendre, en tournant leur désir vers l’époux, ou bien en s’occupant à d’autres choses.
C’est très concret : lorsque nous avons du temps libre, entre deux trains, en attendant un rendez-vous, que faisons-nous ?
En général nous faisons ce qui nous attire le plus, ou ce qui est le plus immédiatement accessible à notre désir. Dans ce grand temps de liberté va se mettre à jour quelque chose de notre désir le plus profond. L’un va prendre son portable pour regarder le cours de la Bourse et voir où en sont ses chères actions, un autre va s’arrêter longuement sur Facebook pour saluer tous ses amis, un autre va regarder les résultats de foot de la League 1, et peut-être un autre poussera la porte d’une chapelle, ou un autre appellera sa femme pour demander des nouvelles de la famille.
Nous pouvons faire le test avec nous-mêmes et étendre ces considérations. Notre vie est finalement un peu comme cette longue attente. Attente du retour du Maître, mais aussi attente où rien ne pèse sur nous, aucune contrainte, Dieu n’est pas là pour nous châtier, pour nous rappeler à tout instant ce que nous devons faire ou ce que nous devons désirer. Chacun mène sa vie comme il l’entend, conduit son cœur là où il le veut.

La différence entre les vierges sages et les vierges folles, c’est que certaines ont un vrai désir, un désir que l’époux reste présent dans leur cœur en toutes circonstances. Ce désir est comme un poids, « mon amour c’est mon poids », ce désir les entraînent dans ce temps libre qu’est l’attente.
Les autres, les insensées, ne sont pas des folles, ce sont simplement peut-être des êtres sans beaucoup de désir. Si pour certaines leur amour c’est leur poids, pour ces vierges insensées, on peut dire qu’elles sont trop légères. Elles ne sont pas lestées, attirées par leur désir.
Être insensé ce n’est pas vouloir le mal à tout prix, ou rendre un culte à Satan, c’est laisser son cœur, son esprit, son corps même peut-être être porté par les circonstances, les appels, les invitations du moment. Sans désir ma vie ressemble à un placard vide dans une pièce : il ne va pas tarder à se remplir de tout et de n’importe quoi, sans aucun ordre, sans aucune finalité.

Chers jeunes qui se préparent à discerner ce que vous voulez faire de votre avenir au sens large, vous êtes dans une période de l’adolescence et il y un moment dans cette période pour se dire à soi-même « c’est cela que je veux », « c’est cela qui m’intéresse », à partir des talents, des dons, de mes goûts qui me sont donnés je vois que c’est par là que ma vie s’oriente. Ce qui est important, c’est que vous aurez appris à désirer quelque chose avec force et même passion. nous le voyons bien, nous qui accompagnons des jeunes, quand un jeune a trouvé sa passion, il est sauvé ! je pense à un jeune passionné par les pompiers : il passe toutes ses vacances dans une caserne pour faire de l’entraînement, sauver ou périr c’est un bel et magnifique idéal, c’est l’évangile !
La vie s’oriente et on ne se laisse pas emporter n’importe où n’y n’importe comment, il y a une vraie discipline qui se met en place, on garde toutes ses forces pour sa passion.

Comment faire pour que ce désir, cet amour, cette bonne passion, puisse aussi durer à travers le temps, pour ne pas être des homme set des femmes d’un moment ?

La première chose, c’est qu’il faut que ce désir se transforme en volonté. Quand je n’ai plus l’attrait sensible pour ce que j’ai choisi, il faut que la volonté prenne le relai. Tous les couples le savent bien : si le sentiment est le seul guide, le désir va s’épuiser. Même chose pour notre travail, même chose pour notre foi : les convertis le savent, après les premières grâces sensibles, la volonté, la décision, l’orientation de vie prennent le relai.

Deuxième chose, ce désir doit être alimenté, comme ces vierges sages. Elle sont de l’huile, qui sert à alimenter la flamme de leur lampe. Que la volonté prenne le relai, cela ne veut pas dire que tout va devenir devoir dans ma vie, ce devoir austère et bêta qui ressemble à une prison d’état parfois, mais le désir peut renaître si je l’alimente. Là aussi les couples le savent.

Comment alimenter notre désir ? Notre désir de Dieu ? D’abord par la droiture de vie. Je ne peux pas rêver que je vais désirer Dieu, que sensiblement je vais être porté vers lui, si je vis n’importe comment. Ma sensibilité me mènera ailleurs. Si je ne conforme pas ma vie à ma foi, à ce désir profond, je conformerai ma foi à ma vie, je finirai par désirer la manière dont je vis.

C’est aussi un autre moyen qui nous est donné : de passer du temps avec ceux qu’on aime.
C’est la prière.
Mais c’est aussi valable pour le mari et pour sa femme. Un mari perd tout intérêt pour sa femme s’il ne prend pas du temps avec elle. C’est la même chose avec Dieu. Plus nous passons du temps avec lui, plus nous le connaissons et plus nous le connaissons, plus nous l’aimons.

Ce symbolisme de la lampe, ces vierges qui vont à la rencontre de leur époux avec ces petites lampes à huile, est encore plus riche.
Pourquoi ces jeunes filles sages peuvent accueillir leur époux comme il fait ? Grâce à leur petite lampe, elles ont reconnu le visage de l’époux dans la nuit. Leur désir leur sert de lampe. Dans la nuit de notre monde, Dieu ne se présente jamais autrement que comme un visage obscur parmi d’autres. Nous ne rêvons pas à tout bout de champ d’un chemin de Damas pour tous, ou d’un Dieu qui nous parle en voix off.
Jeanne d’Arc, parmi toute la foule des convives dans son château, sans le connaître va retrouver le roi qui voulait passer incognito. Son cœur le lui dictait.

Le Seigneur passe à côté de nous de mille et une manières : je passe devant une chapelle, cela va être un moment d’ennui ou un moment profond avec le Seigneur ?
C’est mon désir qui va me permettre de répondre.
Le Seigneur passe dans une conversation avec mon conjoint, c’est un moment de routine, ou un moment de communion, ou petit à petit les cœurs vont s’éveiller ?
C’est la lampe de mon désir qui permet de trancher.
Sur le bord de la route, ce réfugié, ce pauvre qui tend la main, c’est un problème social, ou c’est le Christ souffrant, présent dans ce frère ? Là aussi, la lampe de mon désir permet de trancher.

Le Seigneur vient à nous de mille manières, et comme le dit le Livre de la Sagesse :

« Le Seigneur ne manque pas de venir à nous. »

« La Sagesse se laisse contempler par ceux qui l’aiment, elle se laisse trouver par ceux qui la cherchent. »

Marie en tout a cherché Son Seigneur et en tout Elle l’a rencontré.
Qu’Elle nous enseigne cette ferveur et nous emmène sur ce chemin où tout notre désir sera pour Dieu, alors nous aussi nous serons ces lampes qui luisent dans les ténèbres et qui révèleront le visage du Bien-Aimé.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de la Sagesse 6,12-16.
  • Psaume 63(62),2.3-4.5-6.7-8.
  • Première lettre de saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens 4,13-18.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 25,1-13 :

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples cette parabole :
« Le royaume des Cieux sera comparable à dix jeunes filles invitées à des noces, qui prirent leur lampe pour sortir à la rencontre de l’époux.
Cinq d’entre elles étaient insouciantes, et cinq étaient prévoyantes : les insouciantes avaient pris leur lampe sans emporter d’huile, tandis que les prévoyantes avaient pris, avec leurs lampes, des flacons d’huile.
Comme l’époux tardait, elles s’assoupirent toutes et s’endormirent.
Au milieu de la nuit, il y eut un cri : “Voici l’époux ! Sortez à sa rencontre.”
Alors toutes ces jeunes filles se réveillèrent et se mirent à préparer leur lampe.
Les insouciantes demandèrent aux prévoyantes : “Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s’éteignent.”
Les prévoyantes leur répondirent : “Jamais cela ne suffira pour nous et pour vous, allez plutôt chez les marchands vous en acheter.”
Pendant qu’elles allaient en acheter, l’époux arriva. Celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces, et la porte fut fermée.
Plus tard, les autres jeunes filles arrivèrent à leur tour et dirent : “Seigneur, Seigneur, ouvre-nous !”
Il leur répondit : “Amen, je vous le dis : je ne vous connais pas.”
Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure. »