Texte de l’homélie
Il est étonnant que le lecteur, l’auditeur que nous sommes aujourd’hui, ait du mal à comprendre la parabole que Jésus nous adresse en ce jour. Elle semble revêtir quelque chose de scandaleux : ces vierges "sages" qui ne partagent pas leur huile, ce n’est pas très Chrétien ! et le maître - que l’on peut identifier à Jésus - comment peut-il ne pas ouvrir la porte ? Comment peut-il dire : « je ne vous connais pas ! »…
Cela reste d’une grande violence : comment le Seigneur ayant ouvert tout grand les portes de la salle des noces pour tous qui traînaient dans les rues et sur les places ne fait-il pas la même chose dans ce cas ? Cela nous rappelle cette parabole avec celui qui, n’ayant pas de vêtement de noces, est jeté dehors. Qu’est-ce que ce royaume ? le Christ n’est-il pas la Charité ?
Outre le fait que nous confondons souvent parabole et allégorie - où chaque détail va dans le sens du récit - la parabole, elle, prend simplement un fait de la vie courante et montre notre monde tel qu’il est. Et ce que le Seigneur pointe pour montrer le royaume des Cieux, c’est la conclusion :
« Veillez ! »
Quelle est cette huile qui est nécessaire ? et pour reprendre l’autre parabole que nous avions cette semaine aussi : quelle est cette tunique qu’il faut revêtir ?
Elles disent : « Seigneur, Seigneur, ouvre-nous ! »
Mais comme le dit Jésus dans le sermon sur la montagne :
« Il ne suffit pas de dire "Seigneur, Seigneur !" mais il faut faire la volonté de mon père. »
Elle n’ont pas appris de Jésus, elles ne se sont pas laissées transformées, modelées par le Christ qui disait : apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur. Car, notre vie chrétienne c’est de devenir le Christ, d’être habités par Son esprit. Il ne s’agit pas seulement de Son esprit par les belles pensées et les belles affections que l’on peut avoir pour Dieu, mais dans les gestes et les pensées qui naissent en nous.
Et Jésus disait :
« Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur. »
C’est revêtir ce cœur. Comme le dit Saint Paul très souvent :
« Revêtez l’homme nouveau. »
« Puisque vous êtes élus, sanctifiés, aimés par Dieu, revêtez donc les sentiments de compassion de bienveillance, d’humilité, de douceur et de patience. Supportez-vous les uns les autres. Et si l’un a grief contre l’autre, pardonnez-vous mutuellement. Comme le Seigneur vous a pardonnés, faites de même vous aussi. Et au dessus de tout, revêtez l’amour, c’est le lien parfait. Que règne en vous la paix du Christ, à laquelle vous avez été tous appelés en un seul corps. Vivez dans la reconnaissance. »
Vous connaissez ce texte magnifique et ses quelques lignes du début :
« Vous qui êtes élus, sanctifiés, aimés par Dieu… »
Car voilà la source : c’est d’abord accueillir cet amour du Christ. Au début de la célébration, nous avons d’abord accueilli le regard du Christ qui n’est pas celui d’un juge, il ne regarde pas de manière humaine, à l’aune de nos péchés mais selon le regard du Père qu’Il est appelé à nous transmettre. Mais nous devons d’abord le recevoir, l’intégrer pour qu’il devienne notre vie, notre son…
Voici l’huile et la tunique qu’il nous faut revêtir. Mais nous pensons toujours que cette conversion va être le fruit de nos efforts. Et nous savons bien que, même si nous devons avoir du courage pour affronter les difficultés, la grâce n’est pas le fruit de nos efforts.
La grâce n’est pas non plus, comme le dit l’auteur Adrien Candiard, ce petit coup de pouce spirituel que l’on se représente un peu comme potion magique d’Astérix qui nous permettrait de faire ce que l’on arrive pas à faire de manière surnaturelle. Non, la grâce c’est demeurer dans cet amour avec lequel le Seigneur regarde chacun des pauvres, chacun de ceux qui cherchent la vie.
La vie chrétienne n’est pas un jeu de cache-cache, où le Seigneur se laisserait entrevoir de temps en temps, rarement pour nous, plus souvent pour les Saints. La vie chrétienne n’est un sentiment spirituel de grâce. Certes, nous pouvons l’avoir de temps en temps et cela nous aide, mais ce n’est pas cette construction : c’est se livrer à l’amour, se laisser transformer, devenir le Seigneur, recevoir cette sagesse. Elle est si bien décrite dans le livre de la Sagesse :
« Elle se laisse trouver par celui qui cherche. »
Nous avons à chercher. Pourtant, très souvent nous ne cherchons plus, car, de tout temps – et dans notre société actuelle plus que jamais et en particulier avec les médias – nous ne pensons par nous-mêmes, nous ne pensons plus par l’Évangile. Et sur les grandes questions sociétales, nous pensons comme tel ou tel parti sans penser ni agir avec cette charité, ces sentiments de compassion, de bienveillance et d’humilité…
Ce n’est pas une histoire de sentiments, d’effort, il s’agit d’accueillir comme nous essayons de le faire à la messe le dimanche. Accueillir cette parole qu’Il nous donne, la laisser pénétrer. Dans ce beau livre de la sagesse que l’on vient de lire, on vient d’entendre :
« La sagesse est assise à ta porte. »
Elle est là. Et le texte dit encore :
« Celui qui veille sera bientôt délivré de tout soucis. »
Cela ne veut pas dire que nous n’en aurons plus aucun mais plutôt que si nous en avons, ils ne nous lierons pas, ne nous enfermerons pas. Ce sera un tremplin pour vivre avec le Christ.
« Elle va et elle vient à la recherche de ceux qui sont dignes d’elle. »
Souvenez-vous que, dans le livre de la Genèse, quand l’homme a rompu l’harmonie dans laquelle il était, c’est le Seigneur qui le cherche. C’est Lui qui nous cherche pour nous revêtir d’humilité, de cette parole qu’Il nous donne, la laisser nous interroger et nous engager.
A la parole de Dieu, nous répondons « Amen ! ». A ce qui s’offre dans l’Eucharistie, nous disons « Amen ! ».
Maintenant, rentrons à l’intérieur de nous-mêmes, et maintenant que nous allons vivre la liturgie eucharistique, le Seigneur qui vient – ce n’est pas une chose qui apparaît puis qui disparaît une fois que vous avez fait dix minutes d’action de grâce, c’est le Christ qui nous entraîne dans ce mouvement d’offrande où Il affronte les ténèbres, le rejet et les difficultés de la vie. Et nous voulons communier pour rentrer dans cet acte d’offrande de notre vie. Une vie donnée, dans le plus concret comme le raconte la parabole, si compliqué et si fracturant quelque fois.
Mais le Seigneur nous donne la clef pour que de ce que nous pensons être la mort qui nous attend, le risque le plus grand qui soit, ce soit la vie qui jaillit. Car, quand nous communions, nous communions au Christ qui s’offre sur la Croix. Nous communions au Christ ressuscité qui est là à présent, pour qu’à la fin de la messe, nous portions cet acte d’offrande, que nous le communiquions et qu’il puisse rayonner en nous et autour de nous,
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre de la Sagesse 6,12-16.
- Psaume 63(62),2.3-4.5-6.7-8.
- Première lettre de saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens 4,13-18.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 25,1-13 :
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples cette parabole :
« Le royaume des Cieux sera comparable à dix jeunes filles invitées à des noces, qui prirent leur lampe pour sortir à la rencontre de l’époux.
Cinq d’entre elles étaient insouciantes, et cinq étaient prévoyantes : les insouciantes avaient pris leur lampe sans emporter d’huile, tandis que les prévoyantes avaient pris, avec leurs lampes, des flacons d’huile.
Comme l’époux tardait, elles s’assoupirent toutes et s’endormirent.
Au milieu de la nuit, il y eut un cri : “Voici l’époux ! Sortez à sa rencontre.”
Alors toutes ces jeunes filles se réveillèrent et se mirent à préparer leur lampe.
Les insouciantes demandèrent aux prévoyantes : “Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s’éteignent.”
Les prévoyantes leur répondirent : “Jamais cela ne suffira pour nous et pour vous, allez plutôt chez les marchands vous en acheter.”
Pendant qu’elles allaient en acheter, l’époux arriva. Celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces, et la porte fut fermée.
Plus tard, les autres jeunes filles arrivèrent à leur tour et dirent : “Seigneur, Seigneur, ouvre-nous !”
Il leur répondit : “Amen, je vous le dis : je ne vous connais pas.”
Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure. »