Texte de l’homélie :
« Ce n’est pas selon l’apparence que tu considères les gens. »
Les disciples des pharisiens sont en train de prophétiser parce que c’est bien aussi sur cette parole que le Seigneur va leur répondre.
Déjà la manière dont est posée la question : « Est-il permis. »
Il y a d’autres lieux où on essaye de coincer Jésus, justement dans une question fermée, à laquelle on ne peux répondre que par oui ou par non. Parfois nous, comme chrétiens, on aimerait avoir une morale sur mesure, savoir ce qui est permis et ce qui ne l’est pas, avoir une liste claire de choses à faire ou à ne pas faire.
Mais Jésus ne réponds jamais par oui ou par non.
Si on essaye de vous coincer aussi dans votre foi par ce « est-il permis de », soyez déjà en alerte parce que la question ne vise pas le fond du sujet, mais uniquement l’apparence que donne les hommes.
De quoi s’agit-il ici ? Faut-il payer l’impôt à César, c’est-à-dire à l’occupant romain ? Dans la cité antique, le fait de payer l’impôt c’était reconnaître la religion d’État et être soi-même uniquement dépendant de la cité.
Jésus demande :
« Quelle est l’effigie ? »
On utilise souvent ce passage de l’évangile pour faire la distinction entre le temporel et le spirituel, mais il y a une autre lecture : Jésus demande ce que l’on voit sur la pièce de monnaie, mais Jésus ne renvoie pas simplement à l’image, Lui qui ne se laisse pas influencer par les gens et qui ne considère pas selon l’apparence, Il va au cœur.
La lettre aux Hébreux nous dira, en parlant du Christ :
« Le resplendissement de sa gloire, l’effigie de la substance du Père. »
Jésus nous invite à travers l’apparence à creuser plus profond.
Ce qui définit la personne humaine et son lien a Dieu n’est pas simplement le fait que la tête de César soit imprimée sur une monnaie, mais c’est d’abord ce qui est l’image que Dieu a gravé dans le cœur de chacun, la loi d’amour que Dieu a gravé dans nos cœurs par son Esprit Saint.
Le Seigneur veux inviter à travers ce passage à aller plus profond, à ne pas se laisser enfermer par des choses qui paraissent tout simples et à découvrir en profondeur quelle est l’image de Dieu et notre relation à Dieu, que nous sommes à son image et à sa ressemblance, comme lui aussi est l’image de la substance du Père, il manifeste le Père.
Jésus nous invite à un regard de foi, à ne pas nous laisser aller aux apparences, à ce qui est l’évidence, et on le sait bien la foi est une certitude mais pas une évidence. Il nous invite à dire ce qui est gravé dans le cœur de chacun. De quoique chacun est l’effigie plus profondément ? On a alors une autre manière de voir les choses, on n’est pas seulement sur l’extérieur, mais dans un regard de foi. Le regard de foi va au-delà de l’apparence, il perce le cœur et permet de découvrir dans ceux qui sont à nos côtés des frères et sœurs, ceux qui sont à l’image et à la ressemblance de Dieu.
C’est ce que nous faisons dans chaque Eucharistie. Si l’on voit seulement les apparences, les apparences sont très pauvres : un peu de pain, un peu de vin. Mais nous allons voir ce qui est derrière, ce qui se tient dessous, une fois consacrés ce pain et ce vin sont le Corps et le Sang du Christ. La participation à l’Eucharistie est comme à un entraînement du regard, une pédagogie du regard, on va plus loin que le pain et le vin et on dit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ».
Parfois on aimerait que les choses soient très simples, répondre par oui ou par non, mais Jésus nous demande d’aller au cœur. La foi c’est le chemin du regard, c’est une vertu qui fait que notre manière de regarder n’est pas la manière de regarder des autres. Vous l’avez peut-être vu en parlant avec des personnes qui n’ont pas la foi, leur vision de la personne humaine, de la famille, de la société n’est pas celles d’un croyant. Par exemple, quand un enfant nait, il est mis dans ce monde, mais pour nous croyants, nous savons que cet enfant est mis au monde pour la vie éternelle. Le regard que les parents portent sur l’enfant le prépare déjà à la vie éternelle, c’est tout le sens du baptême, de la catéchèse, etc… de même lorsque l’on va à la rencontre des personnes plus pauvres, des personnes marginales, des personnes en dépendance, ce n’est pas le même regard que des personnes qui n’ont pas la foi.
Tout le monde peut faire le bien, mais nous nous approchons de celui qui est en fragilité parce que nous lisons en lui l’image du Dieu invisible, l’effigie de sa substance. Nous ne voyons pas d’abord un problème à résoudre, nous voyons d’abord une personne à aimer.
Le fait d’être chrétien bouleverse la manière de vivre, la manière de regarder, la manière d’être attentif à ce qui peut être plus profond, plus caché, plus enfoui.
Le psaume dit :
« Tu es un Dieu caché, Dieu d’Israël. »
C’est vrai Dieu se cache, il est une certitude dans notre foi, pas une évidence, on y a pas accès immédiatement, la présence de Dieu demande un exercice plus profond. Vous vous rappelez cette parabole du trésor caché dans un champ, il faut creuser pour découvrir derrière les apparences parfois trompeuses celui qui est vraiment la manifestation du Père.
Demandons cette grâce dans cette Eucharistie de manière particulière quand nous allons communier et nous approcher avec confiance et révérence du Seigneur, demandons ce regard de foi, un renouvellement pour ne pas nous laisser aller à ce qui est immédiatement visible. La réalité est d’abord déterminée par la vie éternelle, la transcendance de la présence de Dieu.
Demandons, frères et sœurs bien-aimés, que cette messe nous aide à creuser dans notre vie de foi, dans notre vie personnelle. Parfois nous nous laissons avoir par des personnes dont l’attitude ou les apparences sont attractives ou répugnantes, voir désagréables par leur caractère et nous sommes invités à vouloir résoudre les choses par oui ou par non, nous perdons alors de vue ce qui fait le cœur de la personne humaine, cette image et ressemblance que rien ne peut entacher, posé sur notre cœur. La ressemblance se travaille par les sacrements, la vie de prière, par la charité.
Demandons au Seigneur d’être attentif à ce que chaque réalité soit sacrement. Le sacrement est signe visible d’une grâce invisible, cela s’applique à l’Eucharistie, signe visible de l’amour infini du Père qui se donnent sur la croix et qui nous emmène avec lui jusqu’en résurrection, et de façon analogue toute chose est sacrement : la personne humaine est sacrement, il suffit juste d’avoir le bon regard pour découvrir celui qui marche à nos côtés pour nous emmener jusqu’en sa gloire.
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre d’Isaïe 45,1.4-6.
- Psaume 96(95),1a.3.4-5b.7-8a.9a.10ac.
- Première lettre de saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens 1,1-5b.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 22,15-21 :
Alors les pharisiens allèrent tenir conseil pour prendre Jésus au piège en le faisant parler.
Ils lui envoient leurs disciples, accompagnés des partisans d’Hérode :
— « Maître, lui disent-ils, nous le savons : tu es toujours vrai et tu enseignes le chemin de Dieu en vérité ; tu ne te laisses influencer par personne, car ce n’est pas selon l’apparence que tu considères les gens.
Alors, donne-nous ton avis : Est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à César, l’empereur ? »
Connaissant leur perversité, Jésus dit :
— « Hypocrites ! pourquoi voulez-vous me mettre à l’épreuve ? Montrez-moi la monnaie de l’impôt. » Ils lui présentèrent une pièce d’un denier.
Il leur dit :
— « Cette effigie et cette inscription, de qui sont-elles ? »
Ils répondirent :
— « De César. »
Alors il leur dit :
— « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. »