Homélie du 28e dimanche du temps ordinaire

12 octobre 2020

« "Allez donc aux croisées des chemins : tous ceux que vous trouverez, invitez-les à la noce.” Les serviteurs allèrent sur les chemins, rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, les mauvais comme les bons, et la salle de noce fut remplie de convives. »

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Texte de l’homélie :

Frères et sœurs bien-aimés,

Pour fêter un anniversaire comme les vingt-cinq ans de sacerdoce, il est possible de changer les lectures du jour pour en choisir d’autres. Cependant, celles données par l’Église en ce jour conviennent tout à fait pour parler de la vie religieuse. En général, les religions ont leurs rituels. Et à chaque rituel est attachée une fête, une célébration.
Il est donc tout à fait pertinent et opportun de nous laisser éclairer par cette parabole, car c’est aujourd’hui l’occasion de célébrer et de faire mémoire, de remercier et d’être dans cette attitude de gratitude par rapport à l’Alliance. C’est un repas de noces !

C’est cette alliance à laquelle le Seigneur nous invite que nous voulons célébrer aujourd’hui.
D’une certaine manière, les lectures de ce jour nous parlent du sacerdoce, notamment quand il est dit :

« Il envoya ses serviteurs pour faire venir des convives. »

Nous sommes la religion des médiations : ce n’est pas le roi lui-même qui s’est déplacé pour inviter à la noce, il a envoyé des serviteurs, d’autres personnes qui, en son nom, disent : « vous êtes conviés ! venez, c’est prêt ! »

Et je trouve que c’est une bonne image du prêtre qui est ce serviteur par excellence. Et pour nous qui portons ce beau nom de Serviteurs de Jésus et de Marie, notre communauté, cela donne un écho particulier…

Le prêtre est ce serviteur qui invite à l’Alliance, qui rappelle tout d’abord qu’il y a une Alliance, qu’il y a une communion à laquelle nous sommes invités. Il y a une fête à laquelle nous sommes conviés !

C’est vrai pour chaque dimanche avec l’eucharistie dominicale, car elles sont l’anticipation de cette grande fête vers laquelle nous allons dans la vie éternelle.

Ces lectures nous parlent donc du sacerdoce, notamment parce que c’est par les médiations que Dieu nous appelle : la médiation d’un prêtre, la médiation d’un ami, d’un parent, d’une personne qui, d’une manière ou d’une autre a fait un signe dans notre vie, nous invitant avec ces deux paroles fortes : « Tu n’est pas seul » et « Tu es appelé ».
Être convié à la noce signifie être appelé. Il n’y a pas de vie sans vocation, et il n’y a pas de vocation sans mission, ce très beau texte nous le rappelle de façon admirable.

Bien évidemment, il arrive que l’on prêche dans le désert, c’est le cas des serviteurs de ce roi lorsqu’ils vont à la rencontre de personnes trop occupées pour répondre à l’invitation : l’un va à son commerce, l’autre à son champ etc… Le dimanche, c’est le jour pour laver sa voiture et pour faire les brocantes. Pas vous qui êtes ici présents, et c’est admirable !
Mais c’est intéressant de voir que pour beaucoup de personnes, il y a d’autres priorités.

Et la question est : « comment rejoindre ces personnes qui ont d’autres centres d’intérêt ? ». Le Pape François appelle cela les périphéries : ils ne sont pas contre la dimension spirituelle, mais ils n’ont peut-être pas pris conscience qu’ils ont une vie intérieure, et qu’ils sont amenés à la développer. Ce sont des gens qui font le bien là où ils sont, dans leur famille, dans leur travail, mais il n’y a pas plus qu’une dimension horizontale, pas de verticalité ni de transcendance dans leur vie car ils ne l’ont pas encore découvert.
Le prêtre est aussi envoyé à ceux là, ce qui est peut-être encore plus difficile de les rejoindre. C’est tout le rôle des missions d’évangélisation, des personnes qui vont sur les places des villes ou de ceux qui accueillent tous ceux qui frappent à la porte des églises pour un événement particulier sans être pratiquant régulier, c’est très courant dans les paroisses.

Et c’est important de les voir eux aussi comme invités, invités à la noce. Ils sont là et ils regardent. Pendant tout un temps, ils se sont détournés, ils sont allés à leur champ, à leur commerce, et puis un jour, quelque chose a fait signe et ils frappent à la porte.

Un autre point important est l’élargissement de cette invitation. Dans les temps que nous vivons, ce sujet est compliqué, mais il semblerait que dans des temps plus favorables, il faut élargir l’invitation et aller à la croisée des chemins. Et cela m’a inspiré, car le prêtre est aussi celui qui aide les uns et les autres à passer la croisée des chemins.

Dans nos vies, il y a parfois des chemins marqués par des bifurcations, des carrefours – professionnellement, affectivement et spirituellement – on passe d’un côté et on ne sait pas forcément vers où aller. C’est un moment où l’on doit faire des choix, et l’on manque parfois d’indications et des serviteurs sont postés à la croisée des chemins pour nous éclairer.
Nous le savons très bien, il y a des chemins qui se proposent dans nos vies et il est intéressant de savoir que le prêtre a ce rôle particulier d’accompagnateur, de présence. Ce n’est pas lui qui prend la décision du chemin à emprunter, bien entendu, c’est celui qui discerne. Mais il est envoyé là comme pour dire que dans ce discernement, il y a une présence de Dieu.

Il les invite tous, les bons et les mauvais… Et finalement, tout le monde rentre dans la salle de noces et tout est prêt. Et je trouve ce geste d’insistance du roi très beau : « Tout est prêt ! Invitez-les à la noce ! »
Il y a comme une urgence, cela ne peut attendre…

Puis, il y a cette question de celui qui n’a pas le vêtement, celui qui est là sans être revêtu d’une tunique. Vous imaginez qu’il y a eu multiples interprétations : qu’est-ce que ce vêtement de noces ?

Dans la Bible, le vêtement a beaucoup de significations, mais une d’entre elles c’est la miséricorde. Vous le savez, après le péché originel, Adam et Eve sont revêtus par le Seigneur car ils découvrent qu’ils sont nus, privés de la lumière de Dieu.
Et concernant le vêtement, vous vous rappelez aussi le fils prodigue, quand le père voit le fils arriver en hayons, il le revêt d’un vêtement digne pour lui rappeler sa dignité de fils.

Tout cela est l’expression de la miséricorde. Et au fond, celui qui n’a pas revêtu ce vêtement, c’est celui qui n’a pas pris conscience que tout est miséricorde, que nous sommes entourés par un amour gratuit du Seigneur. Et de ce fait, il est là sans y être vraiment car avec ce repas de noces, on fête l’Alliance. Et comment être dans l’Alliance si on ne prend pas conscience de la miséricorde ?
Oui, c’est une personne qui n’a pas accueilli la miséricorde, qui ne s’en est pas laissé revêtir, qui ne fait pas mémoire de la miséricorde.

Revêtir ce vêtement est aussi une manière de faire mémoire. On fait mémoire de ces vingt-cinq ans de sacerdoces, de la grâce de Dieu donnée tout au long de ce chemin, et ce vêtement nous aide à faire mémoire que nous sommes appelés par grâce, par gratuité totale.

Il est vrai que pour nos mentalités modernes, la chute de cette parabole est un peu violente :

« Jetez-le pieds et poings liés dans les ténèbres du dehors ! »

Mais dans un langage biblique, cela signifie que celui qui ne croit pas en la miséricorde, celui qui ne s’est pas laissé revêtir, comme au jour de notre baptême lorsque l’on revêt le vêtement blanc, il s’exclue lui-même et c’est ce que la Bible traduit par ces mots.
Autrement dit, celui qui ne laisse pas le Seigneur le rejoindre dans sa misère et dans sa fragilité, quelle place a-t-il ? c’est ce même convive qui garde le silence. Celui qui n’a pas la tenue de noce ne parle pas, il ne s’exprime pas et ne dit pas qui il est : il garde le silence alors que le Seigneur est Parole…

Ainsi, nous allons demander au Seigneur - à travers cette parabole qui illustre bien la vocation du sacerdoce et plus largement notre vocation de baptisé – cette grâce particulière de prendre conscience que nous sommes appelés. Si nous sommes dans cette assemblée, c’est parce que nous avons été appelés d’une manière ou d’une autre, c’est absolument clair. Que vous soyez de ma famille ou de mes amis, que vous soyez en week-end scout ou de l’entourage de l’Abbaye venant occasionnellement ou régulièrement à nos célébrations, vous avez été appelés. Tous, ici présents, nous avons été appelés.
C’est intéressant de reprendre conscience que nous sommes tous appelés et que ce n’est pas par nos mérites. Ces vingt-cinq ans de sacerdoce n’ont pas été toujours faciles car il y a des fragilités et des blessures, des actes manqués qui ont marqué ce chemin. Mais si on en prend conscience, on peut célébrer la miséricorde et le pardon du Seigneur qui nous entoure et qui nous permet d’avancer avec confiance.

Et ce manque de confiance a beaucoup de conséquences car premièrement, on se pense seul et non invité avec d’autres, et deuxièmement, on se juge à l’aune de nos propres critères, et pour peu que nous soyons perfectionnistes, on ne se donne pas beaucoup de chances, et on a un jugement très dur envers nous-mêmes. Et le Seigneur nous dit que ce n’est pas cela, la vie chrétienne. La vie chrétienne c’est prendre conscience que l’on est appelé et que l’on est sauvé.

Évidemment, le prêtre c’est le ministre du Salut, celui qui donne le Salut par les sacrements, et c’est celui qui est lui-même sauvé.

Frères et sœurs, reprenons conscience de ces choses toutes simples pour que nous puissions être des témoins d’un Dieu qui nous appelle des ténèbres à Son admirable lumière

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Isaïe 25,6-10a.
  • Psaume 23(22),1-2ab.2c-3.4.5.6.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens 4,12-14.19-20.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 22,1-14 :

En ce temps-là, Jésus se mit de nouveau à parler aux grands prêtres et aux anciens du peuple, et il leur dit en paraboles :
« Le royaume des Cieux est comparable à un roi qui célébra les noces de son fils.
Il envoya ses serviteurs appeler à la noce les invités, mais ceux-ci ne voulaient pas venir.
Il envoya encore d’autres serviteurs dire aux invités : “Voilà : j’ai préparé mon banquet, mes bœufs et mes bêtes grasses sont égorgés ; tout est prêt : venez à la noce.”
Mais ils n’en tinrent aucun compte et s’en allèrent, l’un à son champ, l’autre à son commerce ; les autres empoignèrent les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent.
Le roi se mit en colère, il envoya ses troupes, fit périr les meurtriers et incendia leur ville.
Alors il dit à ses serviteurs : “Le repas de noce est prêt, mais les invités n’en étaient pas dignes. Allez donc aux croisées des chemins : tous ceux que vous trouverez, invitez-les à la noce.”
Les serviteurs allèrent sur les chemins, rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, les mauvais comme les bons, et la salle de noce fut remplie de convives.
Le roi entra pour examiner les convives, et là il vit un homme qui ne portait pas le vêtement de noce.
Il lui dit : “Mon ami, comment es-tu entré ici, sans avoir le vêtement de noce ?” L’autre garda le silence.
Alors le roi dit aux serviteurs : “Jetez-le, pieds et poings liés, dans les ténèbres du dehors ; là, il y aura des pleurs et des grincements de dents.”
Car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. »