Homélie du 28e dimanche du Temps Ordinaire

16 octobre 2023

« Les serviteurs allèrent sur les chemins, rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, les mauvais comme les bons, et la salle de noce fut remplie de convives. »

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Texte de l’homélie

« Le Seigneur de l’univers préparera pour tous les peuples un festin de viande grasse et de vin décanté. »

Il apparaît que notre Dieu se fasse grand chef et se mette derrière les fourneaux que ce soit dans cet évangile, dans les lectures ou dans le psaume : Il nous prépare Ses spécialités, et on en redemande puisque l’on vient de très loin. Avec cette expression "tous les peuples", c’est vraiment cette universalité qui est citée ici. Cela veut dire que Dieu est bon. Pas dans le sens moral avec la générosité dont Il fait preuve et le bien qu’il produit autour de Lui, mais bien parce qu’Il a de la saveur. Et c’est pour cela que l’on vient de loin, parce qu’on aime ce qui est bon.

Premier obstacle : comment goûter un pur esprit ?

Suffirait-il d’un coup de fourchette pour goûter la saveur de Dieu ? Voilà le premier obstacle : contrairement à ce dont nous disposons pour apprécier la nourriture préparée par les grands chefs étoilés, nous n’avons pas les papilles gustatives faites pour cela. Nous ne sommes pas bien équipés ; le palais gustatif théologique n’existe pas. Toute notre vie va alors consister à former le sens de Dieu en nous, former cette sensibilité spirituelle, ce sixième sens. Alors, il est normal que l’on ait la tentation de se décourager…

D’ailleurs, pour les adolescents, Dieu est souvent le Grand-Sans-Saveur, le Grand-Ennuyeux, et c’est là qu’il faut lutter pour que s’enracine en nous ce désir de former cette sensibilité spirituelle. Celui qui persévérera sera sauvé puisque c’est en persévérant que se forme en nous ce goût. Si l’on abandonne tout de suite, Dieu sera toujours ennuyeux.

Deuxième obstacle : la perversion du sens de Dieu

Un frère me racontait que dans certaines cultures, on apportait les plats épicés à la fin après les plats mets plus subtils. On peut faire le parallèle avec ce que l’on vit dans notre monde dans lequel on est toujours plus stimulés sur le plan de la sensibilité. Dans tous les aspects de notre vie, nous sommes toujours plus stimulés et on se demande si l’on pourrait apprécier des choses qui soient moins dans le sensationnel et le spectacle. Vous rappelez-vous du prophète Élie qui cherchait Dieu dans le tonnerre, dans le tremblement de terre et l’ouragan, Lui qui était finalement dans le murmure de la brise légère…

Voyez le chemin que nous devons faire, comme il faut se rééduquer à cette vie intérieure avant même de parler du vie spirituelle. Vie intérieure du silence, vie intérieure de loisirs qui nous centrent davantage au lieu de nous faire partir à la périphérie de notre être. Tout cela nous prépare à « goûter Dieu ».

Troisième obstacle : le péché

C’est le péché qui nous « des-habitue » de Dieu. L’homme qui ne porte pas le vêtement de noces dans la salle n’a pas revêtu la grâce. Il est collé à son péché et il n’est pas préparé à rencontrer Dieu. C’est tout le sens de la confession : elle nous remet dans une « co-naturalité » avec Dieu. C’est nous permettre de le désirer et de le goûter à nouveau.

Par delà le péché, par delà cette sensibilité trop stimulée, il y a un obstacle encore plus haut : c’est la résistance violente quand Dieu nous invite. L’Évangile en parle :

« Il envoya ses serviteurs appeler à la noce les invités, mais ceux-ci ne voulaient pas venir. »

Pourtant, Il n’en reste pas là. Quelques versets plus bas, le roi renouvelle son offre :

« Mais ils n’en tinrent aucun compte et s’en allèrent, l’un à son champ, l’autre à son commerce ; les autres empoignèrent les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent. »

Pourquoi tant d’agressivité ? Se laisser inviter par Dieu, le goûter, cela suppose une intimité signifiée par les noces. Or, il me semble qu’on se méfie de cette intimité, on n’en veut pas. Que Dieu soit présent dans notre vie à petite dose, c’est bien suffisant. Il est nécessaire pour l’équilibre de ma vie psychologique et affective, mais Dieu Seigneur de ma vie qui va tout me demander, non, je n’en veux pas, je préfère tuer Ses envoyés.

Recevoir l’Eucharistie, c’est justement participer à ce festin. L’Eucharistie est un programme de vie : c’est Dieu qui se donne pour que moi-même je me donne tout entier, sinon, je ne suis pas ajusté. Le Saint Curé d’Ars disait :

« Certains s’approchent de Dieu uniquement pour se débarrasser le Lui. Je Lui dis quelques paroles pour ne plus avoir affaire à Lui.
Je pense que quand nous venons adorer le Seigneur, nous obtiendrions tout ce que nous voulons si nous le Lui demandions avec une Foi bien vive. Mais voilà, nous sommes sans Foi, sans espérance, sans désir et sans amour. »

Oui, nous sommes dans une fausse paix. Dieu, nous en avons pris ce qui pouvait nous servir, le reste, nous le rejetons, et nous continuons notre vie dans une espèce de routine et de tiédeur, sans prendre le risque de nous perdre en Lui.

Mais, pourquoi Dieu peut-Il nous attirer ? Pourquoi notre premier mouvement est d’aller vers Lui même si nous ne Le suivons pas ensuite ? S’Il nous attire, c’est parce qu’Il S’est donné jusqu’au bout :

« Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. »

Nous le savons bien, Dieu va nous demander la même chose : être élevé de terre, se donner jusqu’au bout pour rendre le Royaume attirant. Alors, nous avons le choix : c’est « on ou off ». C’est un peu compliqué, mais c’est l’extraordinaire aventure de la sainteté, de la fidélité pour être plus modeste, ou alors je préfère ma vie comme elle est avec mes petits problèmes, mes petites affaires, et un petit peu du Bon Dieu pour garder ce bon équilibre.

Frères et sœurs, choisissons que Dieu ait de la saveur pour nous, une saveur qui nous attire, une saveur qui nous transforme. C’est comme cela que nous goûterons la vraie paix et que cette paix profondément établie en nous sera contagieuse, nous ne savons que trop combien notre monde en a besoin aujourd’hui. Qu’elle commence par notre cœur et que la Vierge-Marie nous y aide,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Isaïe 25,6-10a.
  • Psaume 23(22),1-2ab.2c-3.4.5.6.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens 4,12-14.19-20.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 22,1-14 :

En ce temps-là, Jésus se mit de nouveau à parler aux grands prêtres et aux anciens du peuple, et il leur dit en paraboles :
« Le royaume des Cieux est comparable à un roi qui célébra les noces de son fils.
Il envoya ses serviteurs appeler à la noce les invités, mais ceux-ci ne voulaient pas venir.
Il envoya encore d’autres serviteurs dire aux invités : “Voilà : j’ai préparé mon banquet, mes bœufs et mes bêtes grasses sont égorgés ; tout est prêt : venez à la noce.”
Mais ils n’en tinrent aucun compte et s’en allèrent, l’un à son champ, l’autre à son commerce ; les autres empoignèrent les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent.
Le roi se mit en colère, il envoya ses troupes, fit périr les meurtriers et incendia leur ville.
Alors il dit à ses serviteurs : “Le repas de noce est prêt, mais les invités n’en étaient pas dignes. Allez donc aux croisées des chemins : tous ceux que vous trouverez, invitez-les à la noce.”
Les serviteurs allèrent sur les chemins, rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, les mauvais comme les bons, et la salle de noce fut remplie de convives.
Le roi entra pour examiner les convives, et là il vit un homme qui ne portait pas le vêtement de noce.
Il lui dit : “Mon ami, comment es-tu entré ici, sans avoir le vêtement de noce ?” L’autre garda le silence.
Alors le roi dit aux serviteurs : “Jetez-le, pieds et poings liés, dans les ténèbres du dehors ; là, il y aura des pleurs et des grincements de dents.”
Car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. »