Texte de l’homélie :
« Aujourd’hui, si vous entendez la voix du Seigneur, ne fermez pas votre cœur ! »
C’est par cette imploration que la prière de l’Église commence tous les jours, c’est dire la prière de chaque Chrétien. Tous les jours, nous avons à apprendre, à écouter, à recevoir, à accueillir ce que le Seigneur va nous dire. Si nous ne sommes pas attentifs, nous n’entendrons rien.
Dans l’Évangile de ce jour, nous sommes juste avant la passion de Jésus. Il est dans la capitale, Jérusalem de Judée, et dimanche dernier, nous avons entendu qu’il y a une dispute avec les autorités qui ne veulent pas recevoir la parole de Jésus, qui sont en conflit. Avant, dans la Galilée, dans Son pays, Jésus avait prêché, et les gens du commun - les pauvres, les pécheurs, les malades, les dérangés par les esprits mauvais, les enfants, et tous ceux qui étaient hors des voix du Seigneur – se sont détournés des pratiques et de ce qu’ils faisaient, de ce qui les enchaînait pour se tourner vers le Seigneur. Et ils ont accueilli la parole de Dieu comme une joie, comme une consolation. Si vous lisez les Béatitudes, si vous regardez les gestes de Jésus qui s’approche de chacun, en pensant que ce qu’il fait à l’un et à l’autre dans l’Évangile, Il continue à le faire pour nous, nous en recevons une immense consolation.
Mais en Judée, à la capitale, il y a des gens qui sont forts de leurs certitudes, de leurs pratiques, de leurs lois, de leurs coutumes, les autorités qui ressassent et qui discutent : « est-ce lui ? n’est-ce pas lui ?"… Et Jésus dérange parce que ce qu’Il veut, ce n’est pas seulement un bon comportement extérieur, l’apparence, le politiquement correct, mais Il veut que nous ayons un cœur pur, un cœur droit, un cœur cohérent entre la parole et les actes.
Comme nous le savons, notre cœur est rempli de désirs et de pensées qui ne sont pas toujours dans la justice et ni dans la charité : le désir d’avoir raison, de dominer, de faire de nous le centre du monde… On se présente bien, mais au fond, on sait bien que c’est tout autre chose.
Et là, ils résistent, et ils ne veulent pas accueillir Jésus.
A nous de nous interroger : voulons-nous accueillir la parole de Dieu tous les jours d’une manière nouvelle ? Et attention, il y a le syndrome de la cinquième qui survient lorsque l’on a fait un peu de catéchisme avant, et quand on entend une parole d’Évangile, on dit : "Ah oui, je connais déjà !" Et pourtant, ce n’est pas une histoire de connaissance ! c’est une histoire d’accueillir, de recevoir, de laisser briller la lumière de l’Évangile, de le goûter. Car ce n’est pas simplement en l’écoutant comme une information : nous sommes appelés à le savourer en le pratiquant : aimer le pauvre, faire miséricorde, vivre le pardon, établir la communion, l’unité. Comme le dit Saint François :
« Là où il y a la tristesse, que je mette la joie.
Là où il y a l’obscurité, que je mette la lumière.
Là où il y a le désespoir, que je mette l’espérance.
Là où il y a le mensonge, que je mette la vérité.
Ainsi, en le pratiquant, nous goûtons la vie d’une manière nouvelle.
Alors, comme je vous le disais, en Judée, il y a ceux qui accueillent et se réjouissent de la Parole, ce que nous sommes appelés à faire et c’est pour cela que nous sommes ici aujourd’hui. Il y a aussi ceux qui sont fermés. Et, il y a une troisième catégorie que l’on va revoir parmi les disciples. En effet, il y a une méprise fréquente quand on prie Jésus, quand on prie Dieu : c’est le cas quand on prie pour demander la santé, pour réussir dans la vie, pour que le temps soit beau quand je m’en vais en vacances ou en week-end, etc… pour que les choses tournent bien pour mon bien-être.
Et l’on voit par exemple, dans l’Évangile, quand Jésus multiplie les pains pour les gens épuisés car il ne veut pas les renvoyer inanimés, ils sont heureux d’avoir trouvé leur chef, leur roi, car, avec Lui, tout va bien marcher ! Et les disciples sont les premiers à réagir comme cela : on rêve de faire la révolution pour mettre les Romains dehors et les anéantir les grands prêtres, opprimants et collaborateurs… Et toujours, Jésus s’échappe, car ce n’est pas la raison pour laquelle Il est venu sur Terre.
Que fait une révolution si ce n’est de changer les pions et quelles que soient ses belles intentions, elles reproduit de belles injustices, comme dans la révolution française : ce ne sont plus les nobles qui gouvernent mais les bourgeois, et pour tous les autres, c’est encore la misère…
Ainsi, nous sommes invités à recevoir cette parole. Ces derniers jours, le Pape nous a écrit en nous parlant de cet accueil de la Parole car c’est le 1600e anniversaire de la mort de Saint Jérôme. C’est un homme qui a beaucoup étudié, travaillé sur la Bible, la traduisant et la mettant à la portée de tous les croyants. Comme le Saint Père le souligne, il y a un malheur terrible de ce jour : beaucoup de personnes trouvent que la Bible est illisible et qu’on ne la comprend pas :
Et c’est la même constatation du temps d’Isaïe, pour ceux qui savent lire… Ce livre est comme scellé, fermé, on ne le comprend pas très bien. Et le Pape dit qu’il est important qu’il y ait eu des personnes comme Jérôme pour nous préparer à comprendre. Mais, il dit :
Mais, l’exemple de Saint Jérôme, la vie de Saint Jérôme va nous apprendre comment faire. Si dans des églises ou dans des musées sur des tableaux, vous avez déjà vu des représentations de ce grand saint, on le voit souvent assis, à moitié nu, avec un grand vêtement rouge et un chapeau de cardinal à ses pieds, avec un lion et une Bible, et il a une vie très intéressante. Et c’est assez étonnant : il était très littéraire et avait une grande culture. Il savait déjà beaucoup de choses sur Cicéron. Et, étant jeune déjà, il fait un songe : le voici devant un juge. Il doit de présenter, dire qui il est, et il se présente comme Chrétien. Et, dans son songe, il entend le juge lui répondre : « Tu mens ! tu n’es pas Chrétien, tu es Cicéronien ! »
Et ce rêve a été un choc pour lui : comment raisonnait-il ? A votre tour, vous pouvez vous demander comment vous raisonnez. Raisonnez-vous avec les auteurs du monde, ou raisonnez-vous avec cette référence à la Parole de Dieu qui est appelée à nous nourrir ?
Où sont nos références ? quelles sont les paroles qui nous guident ?
De mon temps, en sortant l’école, pour beaucoup - même si nous ne les avions jamais lues - nous étions Voltairiens ou Rousseauistes, comme l’est encore un peu notre société d’aujourd’hui d’ailleurs…
Mais, plus profondément, c’est cette écoute, c’est cette transmission de la Parole de Dieu qui nous voit avec miséricorde.
Alors, pourquoi Saint Jérôme est-il intéressant ? Parce qu’il était un grand intellectuel, un grand traducteur ? Non, ! c’est parce qu’il a commencé à suivre le Seigneur en allant au désert, en étant moine et en essayant de conformer non seulement ses actes, mais son cœur à la Parole de Dieu. Et voilà ce qu’il nous faut faire. Pour être Chrétien, il ne suffit pas de faire une petite prière de temps en temps mais de recevoir cette parole et d’apprendre à la mettre en actes.
Personnellement, ce qui m’a mis en route dans la Foi, c’est un groupe dans lequel j’ai été accueilli en sixième puis en cinquième, et par la suite. Nous étions entre camarades de la même classe et nous nous réunissions toutes les semaines avec un aîné qui était en première. Nous lisions le texte d’Evangile de la semaine et nous demandions comment nous devions le comprendre mais aussi comment nous pouvions essayer ensemble de le mettre en pratique. C’est un besoin que nous avons de nous mettre ensemble. Et les évêques insistent beaucoup là dessus car les Chrétiens sont un peu dispersés dans les villages - tout comme dans les quartiers – et l’on se sent un peu tous seuls parfois. Et nous avons besoin d’échanger autour de cette Parole : « Comment la mets-tu en pratique ? Comment la comprends-tu »
Et cela nous aide à avancer.
Vous savez bien ce que nous dit Jésus :
« Quand deux ou trois sont là et prient en mon nom, Je suis au milieu d’eux… »
Et Saint Jérôme insiste :
« Cette parole de Dieu, c’est la chair de l’écriture, c’est la présence fondamentale du Christ. »
On la retrouve aussi comme nourriture dans l’Eucharistie…
Et il ajoute :
« Ignorer l’Écriture, c’est ignorer le Christ ! »
Ce serait comme la relayer à un livre de sagesse - si grande soit-elle – la sagesse de la paix, un livre qui dit quelque chose de bien…
Mais, c’est quelque chose qu’il faut manger, intégrer !…
Le Seigneur ne veut par que nous priions seulement pour être des gens bien, pour que tout aille bien, car nous risquerions de tomber comme les Pharisiens, à tout bloquer au bout d’un moment car c’est trop fort…
Non. Le projet de Dieu, c’est que nous soyons Son Temple à travers nos yeux, à travers nos mains, qu’à travers notre sourire et nos paroles ce soit cet amour de Dieu qui est capable de relever celui qui est tombé, comme avec Saint François, qui est capable d’apporter l’espérance à celui qui est désespéré. Le Seigneur nous attend…
Voyez, quand on va se confesser, on risque de faire des reproches à soi-même. Certes, c’est ce qu’il faut faire ! Mais, il faut le faire en allant jusqu’à la racine, parce que ce n’est pas simplement quelque chose que l’on écrit sur un tableau puis que l’on efface. Ce que le Seigneur attend de nous, ce que qu’Il espère, c’est que nous soyons comme Lui !
Ce n’est pas facile à traduire, mais quand Il dit :
« Je suis celui suis. »
Cela veut dire Celui qui fait être. Ainsi, nous pouvons nous demander si, par la Grâce, nous faisons « être » notre voisin, ou est-ce que nous le rabattons, est-ce que nous l’utilisons, est-ce que nous nous moquons ?
Est-ce que je le fais « être », est-ce que je le fais porter du fruit comme Dieu le fait avec nous, comme un père, comme une mère font être leur enfant, non seulement le jour de la naissance, mais tout au long de la vie, par la nourriture, par l’affection, par l’éducation… Nous sommes appelés à aimer de cet amour.
Voilà la grande aventure dans laquelle le Seigneur nous envoie.
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Alors, je vous en prie, aujourd’hui, si vous entendez cette parole, ne fermez pas votre cœur, mais écoutez la voix du Seigneur.
Il y a ceux qui ferment la porte d’un coup violent, il y a ceux qui la laissent se fermer toute seule et qui vont ailleurs… Non, laissons-la ouverte, que cette parole rentre et agisse dans notre cœur,
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre d’Isaïe 5,1-7.
- Psaume 80(79),9.12.13-14.15-16a.19-20.
- Lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens 4,6-9.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 21,33-43 :
En ce temps-là, Jésus disait aux grands prêtres et aux anciens du peuple :
— « Écoutez cette parabole : Un homme était propriétaire d’un domaine ; il planta une vigne, l’entoura d’une clôture, y creusa un pressoir et bâtit une tour de garde. Puis il loua cette vigne à des vignerons, et partit en voyage.
Quand arriva le temps des fruits, il envoya ses serviteurs auprès des vignerons pour se faire remettre le produit de sa vigne.
Mais les vignerons se saisirent des serviteurs, frappèrent l’un, tuèrent l’autre, lapidèrent le troisième.
De nouveau, le propriétaire envoya d’autres serviteurs plus nombreux que les premiers ; mais on les traita de la même façon.
Finalement, il leur envoya son fils, en se disant : “Ils respecteront mon fils.” Mais, voyant le fils, les vignerons se dirent entre eux : “Voici l’héritier : venez ! tuons-le, nous aurons son héritage !”
Ils se saisirent de lui, le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent.
Eh bien ! quand le maître de la vigne viendra, que fera-t-il à ces vignerons ? »
On lui répond :
— « Ces misérables, il les fera périr misérablement. Il louera la vigne à d’autres vignerons, qui lui en remettront le produit en temps voulu. »
Jésus leur dit :
— « N’avez-vous jamais lu dans les Écritures : ‘La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle : c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux !’
Aussi, je vous le dis : Le royaume de Dieu vous sera enlevé pour être donné à une nation qui lui fera produire ses fruits. »