Texte de l’homélie
Frères et sœurs, je pense que vous avez tous entendu dire que les vendanges sont de plus en plus précoces, que ce soit en France ou ailleurs, vous en faites sans doutes l’expérience vous-même. C’est probablement en raison du réchauffement climatique.
Il est en effet possible de voir de plus en plus tôt des jeunes et des moins jeunes s’activer autour des vignes pour ce travail magnifique. Et voilà qu’en ce début d’octobre, le moment de vendanger est venu car le fruit est arrivé à terme. Ainsi, l’évangile de ce jour est donc de circonstance. Jésus s’adresse à nous à travers Sa parole toujours si actuelle.
Chers frères et sœurs, ils sont touchants ces vignerons qui veillent précieusement sur chaque vigne et qui élèvent le vin avec passion. Dans cette expérience que nous pouvons faire selon notre proximité avec ces hommes et ces femmes, Il y a quelque chose de bien plus fort que le business dans cet attachement à la vigne. Il y a quelque chose de plus que le sens du commerce, quelque chose de plus fort et qui ne s’explique pas.
Quand vous fréquentez la parole de Dieu, Il ne cesse de mettre en valeur ce lien particulier au point d’en faire un symbole privilégié, et de s’en servir pour illustrer toutes les prévenances de Dieu à l’égard de Son peuple et de chacun d’entre nous.
Elles sont nombreuses les pages de la Bible, à commencer le psaume de ce jour, où le peuple Hébreux est présenté comme une vigne, une vigne que Dieu aime et soigne avec patience, attention et passion. En ce sens, la parabole de ce dimanche vient comme accomplir cet attachement amoureux.
Frères et sœurs, il y a beaucoup de façons de commenter cette page d’écriture, mais nous pouvons en faire une expérience plus personnelle. Je vous invite à relire cet évangile durant cette semaine en remplaçant le mot « vigne » par le mot « âme » et en demandant au Saint Esprit de vous révéler dans votre cœur ô combien Jésus soigne chacune de vos âmes, bien plus qu’un vigneron sait soigner sa vigne.
Par exemple, Il l’entoure d’une clôture pour nous protéger du mal si nous le voulons bien. Hier soir, beaucoup d’entre vous, jeunes ici présents, avez reçu le sacrement du pardon. Dieu vous a encore une fois libérés du mal, et Jésus nous montre qu’Il ne nous laisse jamais seuls même dans l’épreuve.
Il y creuse aussi un pressoir : il y aurait beaucoup à dire sur ce travail du Seigneur dans nos âmes qui nous permet d’entrer en communion avec Lui pour ce débordement de fécondité et de vie.
Il y construit également une tour de garde qui permet de prendre de la hauteur avec Dieu, qui nous hisse jusqu’à Lui, puisque nous sommes appelés à être des fils et des filles de Dieu.
Voyez frères et sœurs comme cette parabole est magnifique et elle provoque en nous ce sentiment de gratitude immense pour le Seigneur pour tous les bienfaits qu’Il nous offre à chaque instant.
On a chanté en début de célébration ce chant d’entrée sur les paroles de Saint François pour célébrer les bontés du Seigneur à travers Sa création, cela peut nous tenir dans la joie pour la journée entière. Il nous faut les voir, ne pas les oublier car nous sommes happés par tant d’autres choses, et laisser jaillir une gratitude aujourd’hui en ce dimanche et chaque jour…
Je vous propose de méditer encore ce magnifique psaume 103 :
« Bénis le Seigneur ô mon âme !
N’oublie aucun de ses bienfaits… »
Une fois entraînés à cette gratitude, la parabole nous remet en face d’une deuxième certitude : Dieu seul est le propriétaire de nos existences. Comme le rappelle Saint Paul dans un autre passage :
« Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? et si tu as reçu pourquoi te glorifies-tu ? »
Il y a un secret de bonheur à trouver ici, frères et sœurs. Mais comme c’est difficile et comme nous peinons à le mettre en pratique, et moi le premier ! C’est la tentation de mettre la main sur les choses qui nous guette pour nous en glorifier.
Et la parole nous renvoie à nos défauts car, bien souvent, nous ressemblons à ces vignerons qui ont tout reçu du propriétaire – comme nous qui avons reçu la vie et l’être – et qui ont eu toute sa confiance en étant appelés à produire, et ils se sont appropriés la vigne.
La parole de ce jour continue à se perpétrer dans l’histoire comme aujourd’hui, avec cette tentation de notre société de vivre sans Dieu, de s’approprier la vie et de L’en faire sortir…
« Tuons-le et nous aurons l’héritage… »
C’est se mettre à la place de Dieu. Comprenons que nous nous comportons un peu comme ces vignerons, selon les circonstances de nos actes, lorsque nous nous approprions ce qui n’appartient qu’à Dieu. Il y a beaucoup à méditer sur cela, car c’est ce qu’on appelle le péché, avec toutes ses variantes.
C’est le constat, un fait dans lequel nous circulons chaque jour car nous sommes des pécheurs. Et c’est bon de se le rappeler et de veiller à ne pas trop y tomber.
Enfin, une troisième certitude, c’est qu’à travers le constat tragique du péché que nous pouvons faire tous les jours, ce désir de toute puissance si présent dans le cœur de l’homme et qui fait tant de dégâts dans le monde n’a pourtant pas le dernier mot. Le mal ne pourra jamais triompher face à la bonté de Dieu. Par la Croix, nous savons que le divin propriétaire inverse la logique destructrice des hommes. Certes, elle est toujours en activité, mais elle ne pourra jamais renverser Dieu. C’est l’homme qui va souffrir.
Et, en citant le psaume 117, au lieu de montrer que Dieu va Se venger, Jésus montre comment cela va se produire :
« La pierre rejetée est devenue la pierre d’angle. »
Cela annonce cette libération total de l’homme par la mort et la résurrection du Christ. Avec Lui, l’homme pourra toujours être coupé du mal et de la mort, s’il le veut. Il faut faire émerger le corps du Christ, le vin nouveau par le sang du Christ.
Frères et sœurs, je termine par ces trois révélations qui sont de bonnes nouvelles car elles nous renvoient à la vérité sur nous-même et sur Dieu. Cette magnifique parabole des vignerons homicides vient attester que pour Dieu, les vendanges des bons fruits de nos vies c’est maintenant, à chaque instant que nous pouvons les célébrer. N’attendons pas la fin du monde ou celle de notre vie terrestre : c’est maintenant que je peux me réjouir des bons fruits que je porte avec mes frères et sœurs et avec Dieu. Savons-nous le faire ?
Cela est possible à trois conditions :
- rester dans la gratitude : essayons de nous y entraîner au cours de cette semaine. Notre vie n’est pas toujours facile, mais si Dieu veille sur moi et que je lui fais confiance, je ne serai jamais seul.
- demander au Seigneur, le propriétaire divin, de Le laisser davantage régner, de Lui laisser la place nécessaire, et de ne pas nous l’approprier. Etre convaincu que tout ce qui n’est pas donné à Jésus, tout ce qui n’est pas en relation avec Lui dans la Foi est perdu. Nous allons nous se retrouver avec nos propres limites.
- professer autour de nous : le monde en a besoin. Malgré les effondrements de notre société, la radicale nouveauté apportée par l’offrande du Christ est bien la victoire définitive de la vie sur la mort, et plus personne ne peut l’ébranler.
Frères et sœurs, peu importent les vendanges tardives ou précoces : quels que soient les élans de notre cœur, quelles que soient nos forces ou nos faiblesses humaines, quelle que soit notre vocation, notre âge – jeune ou moins jeune – quels que soient nos désirs, les circonstances de nos vies, nos souffrances et les épreuves, entraînons-nous avec la Vierge-Marie à magnifier la bonté de Dieu dans notre vie.
Que notre Foi et notre espérance puissent s’éveiller davantage, et que nous demandions de porter beaucoup de fruit car c’est ce que Dieu veut pour nous, quelque soit l’endroit où Il nous appelle, sans nous les accaparer.
Goûtons la saveur délicieuse du vin nouveau, nous pouvons le savourer sans modération. C’est ce que nous sommes appelés à vivre maintenant dans messe à travers cette eucharistie, que nous avons la joie de célébrer une nouvelle fois,
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre d’Isaïe 5,1-7.
- Psaume 80(79),9.12.13-14.15-16a.19-20.
- Lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens 4,6-9.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 21,33-43 :
En ce temps-là, Jésus disait aux grands prêtres et aux anciens du peuple : « Écoutez cette parabole : Un homme était propriétaire d’un domaine ; il planta une vigne, l’entoura d’une clôture, y creusa un pressoir et bâtit une tour de garde. Puis il loua cette vigne à des vignerons, et partit en voyage.
Quand arriva le temps des fruits, il envoya ses serviteurs auprès des vignerons pour se faire remettre le produit de sa vigne.
Mais les vignerons se saisirent des serviteurs, frappèrent l’un, tuèrent l’autre, lapidèrent le troisième.
De nouveau, le propriétaire envoya d’autres serviteurs plus nombreux que les premiers ; mais on les traita de la même façon.
Finalement, il leur envoya son fils, en se disant : “Ils respecteront mon fils.”
Mais, voyant le fils, les vignerons se dirent entre eux : “Voici l’héritier : venez ! tuons-le, nous aurons son héritage !”
Ils se saisirent de lui, le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent.
Eh bien ! quand le maître de la vigne viendra, que fera-t-il à ces vignerons ? »
On lui répond : « Ces misérables, il les fera périr misérablement. Il louera la vigne à d’autres vignerons, qui lui en remettront le produit en temps voulu. »
Jésus leur dit : « N’avez-vous jamais lu dans les Écritures : ‘La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle : c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux !’
Aussi, je vous le dis : Le royaume de Dieu vous sera enlevé pour être donné à une nation qui lui fera produire ses fruits. »