Homélie du 27e dimanche du Temps Ordinaire

6 octobre 2014

« N’avez-vous jamais lu dans les Écritures : La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre angulaire. C’est là l’œuvre du Seigneur, une merveille sous nos yeux ! »

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Texte de l’homélie :

Frères et sœurs bien-aimés,

En méditant sur cette parabole des vignerons meurtriers, j’ai pensé vous parler de l’avarice. Vous le savez, l’avarice est un des péchés capitaux. Et, vous qui vous apprêtez à recevoir la confirmation, savez-vous ce qu’est qu’un péché capital ? Tout comme l’orgueil et la luxure, c’est un péché qui entraîne d’autres. Et au cœur même de cette parabole, n’y a-t-il pas cette question de l’avarice ?
Il est rare de pouvoir traiter ce thème des péchés capitaux dans une homélie dominicale, car la parole de Dieu ne s’y prête pas forcément. Ainsi, de quoi s’agit-il ?
Il y a eu un don qui a été fait à ces vignerons. Et on le voit dans la première lecture : le Seigneur n’a pas ménagé toutes les bienveillances pour que cette vigne puisse porter du fruit : Il a mis une tour de garde, il a préparé le sol… Si l’on reprend la première lecture, on voit clairement apparaître la bienveillance et les dons du Seigneur, de manière abondante.

Mais, ce dont il est question, c’est de redonner les dons reçus. Et le péché d’avarice, qui conduit ensuite jusqu’au meurtre – car c’est bien là le péché capital – par le désir d’obtenir l’héritage du fils : « Puisqu’il est le fils, tuons-le pour avoir l’héritage ».
L’avarice nous empêche de découvrir les dons de Dieu comme quelque chose que nous devons remettre à notre tour. Et il e va de la fécondité de notre vie.

Je méditais que cette parabole qui me faisait aussi penser à la parabole des talents qui se termine de la même manière, puisqu’il est dit qu’il faut enlever la vigne à ces vignerons et la redonner à ceux qui en remettront le produit en temps voulu, tout comme celui qui avait reçu un talent a eu peur et l’a enterré, et à qui on l’a enlevé pour le redonner à celui qui en avait davantage…

Ainsi, l’avarice fait que l’on reçoit le don de Dieu, on le voit, mais progressivement, on oublie que c’est un don, et on fait comme si on en était à la source. Et pourtant, c’était un cadeau de la part du Seigneur. L’avare va donc se complaire dans les dons – qu’ils soient matériels, spirituels, intellectuels, artistiques… – et s’autocélébrer dans le don reçu, sans vouloir en remettre à son auteur, Dieu Lui-même, à la source de tous les dons. On ne veut pas en remettre le fruit, on ne veut pas reconnaître que nous sommes créatures.

Dans l’exhortation apostolique La joie de l’Évangile, le pape François parle des charismes. Et le mot charisme signifie « don ». A travers certaines personnes, on ressent bien tel charisme pour l’Église, ainsi qu’à travers des communautés. Soyons vigilants, car les charismes et les dons que l’on reçoit sont toujours à remettre au service du bien de toute l’Église. Et si l’on ne remet pas cela au service du bien de toute l’Église, et si l’on s’empare du charisme que Dieu nous donne avec des doigts crochus, pour notre propre gloire, pour notre auto satisfaction, Il ne portera pas le fruit escompté de la part du Seigneur.

Les dons de Dieu demandent toujours une dés-appropriation de nous-mêmes, de lutter contre cette tendance qui est en nous, de l’avarice - sans doutes pas en lien avec l’argent – pour ce qui est de notre temps, de notre joie, de la transmission de la Foi à nos contemporains.
Alors que l’on a un talent, on peut avoir peur, et ne pas reconnaître que le don de Dieu sera fécond en moi dans la mesure où je rentre dans un logique de dés-appropriation, et c’est là tout le drame d’Israël. Dans ce texte, c’est bien d’Israël dont il s’agit : quand le Seigneur parle de la vigne, c’est Israël, les dons c’est la loi et les prophètes, et le don suprême c’est le Christ, et ils ne l’ont pas reconnu, car ils ont eu peur et n’ont pas lâché prise pour rentrer dans une autre logique d’amour, une logique de confiance.

Il nous faut vraiment être attentif à cela, car cela nous guette tous autant que nous sommes. Que l’on ait beaucoup d’argent ou pas, beaucoup de dons, de talents ou pas de nature ou de grâce, nous sommes tous guettés par l’avarice, car s’en préserver demande de se reconnaître non comme la source, mais comme devant à un autre les dons reçus – et c’est là tout le contraire de l’orgueil, par la même occasion.

Vous, jeunes, qui êtes venus avec l’aumônerie du Doyenné de Luzarches pour vous préparer à la Confirmation, vous allez recevoir un don qui imprime un sceau dans votre cœur, un don qui fait de vous des chrétiens adultes, comme le Seigneur le fait par chaque sacrement : celui qui les reçoit revêt un don particulier. Ayez alors à cœur de faire fructifier ce don que vous allez recevoir, à commencer par le don du baptême que vous avez déjà reçu. Comment le faire fructifier ? N’y a-t-il pas en mois cette tendance aux doigts crochus pour retenir en moi la grâce de Dieu, ou de la retourner en gloire propre à nous-mêmes – la vaine gloire, la vanité – et de s’autocélébrer avec les dons de Dieu. Il faut s’interroger s’il y a pas ce réflexe en nous.

La fécondité de nos vies sera à la mesure où nous dénonçons en nous l’avarice, tout comme les autres péchés capitaux, et en particulier l’orgueil, lui qui est à l’origine de tous les péchés.

Ainsi, frères et sœurs bien-aimés, il est bon de reprendre conscience de ce que nous dit Saint Paul :

« Ne soyez inquiets de rien, en toute circonstance, dans l’action de grâce, priez, suppliez, et faites connaître à Dieu vos demandes. »

L’avarice est une force d’angoisse du lendemain en nous : « je veux tout contrôler ; je refuse de faire confiance ; ces dons du Seigneur, je me les approprie, je les verrouille, pour que rien ne m’échappe. »
Mais, on ne se rend pas compte qu’en voulant tout contrôler, on risque de tout perdre ! Car, dans la logique de l’Évangile, on est riche de ce que l’on donne et non pas de ce que l’on possède. Et si le Seigneur Lui-même s’est révélé à nous, c’est pour que nous puissions sortir de cette avarice, de ce replis sur nous-mêmes, de cette appropriation indue des dons de Dieu. Il veut nous redonner une chance de rentrer dans un logique de don et une logique d’amour.

Oui, frères et sœurs, nous pouvons demander au Seigneur les uns pour les autres cette conversion du cœur, en commençant par faire mémoire de tous les dons de Dieu, comme Saint Paul le dit de façon admirable :

« Que n’as-tu que tu n’aies reçu ? »

Bien souvent, on est tenté de remarquer nos dons - je suis doué en classe, bricoleur, je suis adroit de mes mains, je suis musicien - en perdant de vue qu’au début, il y a eu une grâce, un don, un charisme qui nous a été donné, à commencer par la vie elle-même qui est un don.
Demandons aussi au Seigneur de faire mémoire de tous Ses dons, et posons-nous la question si nous avons été tentés de nous y accrocher par peur, par orgueil ou vanité, vaine gloire, nous auto-célébrant, te perdant cette capacité de fécondité.
Le don de Dieu, c’est Dieu Lui-même, et Dieu Lui-même, c’est le Dieu de la Vie : c’est un Dieu qui est vivant et qui veut que cette vie se répande à travers nous. On voit bien que les vignerons ont peur, et rentrent dans cette logique, tout comme les docteurs de la loi interpellés par Jésus qui vont être dés-appropriés de leur propre autorité et de tout le pouvoir spirituel qu’ils avaient. Cette peur, cette angoisse les amène à penser que cet homme les menace : Jésus Lui-même, l’Amour aux mains nus comme une menace…

Demandons au Seigneur de dénoncer en nous ces replis, ces retours sur nous-mêmes, et rendons grâce aussi pour tous ces dons que nous avons reçus pour les faire fructifier pour le Salut du Monde et pour notre propre sanctification.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Isaïe 5,1-7.
  • Psaume 80(79),9-10.13-14.15-16a.19-20.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens 4,6-9.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 21,33-43 :

Jésus disait aux chefs des prêtres et aux pharisiens : « Écoutez cette parabole :
Un homme était propriétaire d’un domaine ; il planta une vigne, l’entoura d’une clôture, y creusa un pressoir et y bâtit une tour de garde. Puis il la donna en fermage à des vignerons, et partit en voyage.
Quand arriva le moment de la vendange, il envoya ses serviteurs auprès des vignerons pour se faire remettre le produit de la vigne. Mais les vignerons se saisirent des serviteurs, frappèrent l’un, tuèrent l’autre, lapidèrent le troisième.
De nouveau, le propriétaire envoya d’autres serviteurs plus nombreux que les premiers ; mais ils furent traités de la même façon.
Finalement, il leur envoya son fils, en se disant : ’Ils respecteront mon fils. ’
Mais, voyant le fils, les vignerons se dirent entre eux : ’Voici l’héritier : allons-y ! tuons-le, nous aurons l’héritage ! ’
Ils se saisirent de lui, le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent.
Eh bien, quand le maître de la vigne viendra, que fera-t-il à ces vignerons ? »
On lui répond :
— « Ces misérables, il les fera périr misérablement. Il donnera la vigne en fermage à d’autres vignerons, qui en remettront le produit en temps voulu. »
Jésus leur dit :
— « N’avez-vous jamais lu dans les Écritures : La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre angulaire. C’est là l’œuvre du Seigneur, une merveille sous nos yeux !
Aussi, je vous le dis : Le royaume de Dieu vous sera enlevé pour être donné à un peuple qui lui fera produire son fruit.