Texte de l’homélie
Chers frères et sœurs, sans doute connaissez-vous des gens qui ne sont jamais contents. Ils trouvent toujours quelque chose à redire. Si vous allez à droite, ils pensent que vous auriez dû aller à gauche ; si vous allez à gauche, ils vous reprochent de ne pas être allé à droite. Cela correspond aux gens que décrit Jésus :
« Cette génération ressemble à des gamins assis sur les places, qui en interpellent d’autres en disant : “Nous vous avons joué de la flûte, et vous n’avez pas dansé. Nous avons chanté des lamentations, et vous ne vous êtes pas frappé la poitrine.” » (Mt 11)
C’est ce que nous retrouvons dans la première lecture. Les gens disent : « La conduite du Seigneur n’est pas la bonne ». Pourquoi ? Sans doute parce qu’ils ne voudraient pas que Dieu oublie leurs bonnes actions (même si ensuite ils tournent mal). Et en même temps, ils trouvent que Dieu pardonne un peu vite aux autres.
Nous aimerions que Dieu soit un peu plus sévère avec les autres et un peu plus cool avec nous !
Les lectures de ce jour sont belles :
- D’abord, elles nous invitent à nous mettre en mouvement pour mieux aimer, à avoir un amour vivant.
- Ensuite, elles nous rappellent qu’aimer suppose d’écouter l’autre et de savoir reconnaître ses torts.
- Et enfin, elles nous rappellent que nous pouvons compter sur la miséricorde de Dieu qui nous libère de nos péchés du passé.
Un amour vivant
Un amour vivant, c’est un amour en mouvement
Dans l’amour, il n’y a pas de place de parking. Si on arrête de respirer, on meurt. Il n’y a pas de position neutre. Il n’y a pas de point mort entre la marche arrière et la marche avant : ce serait le lieu de l’indifférence. C’est comme en vélo : on ne peut pas rester sur place. Il faut avancer (cf. Madeleine Delbrêl (Alcide p 69). La course n’est pas finie.
Pour prendre une comparaison qui nous est coutumière, c’est comme pour le chant. Pour ne pas baisser, il faut un effort continu. Sinon, on a du mal à chanter les derniers couplets.
L’amour, c’est comme un feu, une flamme, un « foyer » (très beau mot) : soit on l’alimente, soit on le laisse mourir. Jésus nous invite à ne pas laisser se refroidir notre amour pour Dieu, notre amour aussi pour le prochain (et notamment pour les couples qui sont ici, pour leur conjoint). Un amour endormi, cela n’existe pas.
Quand le cœur est endormi, nous sommes la proie facile des tentations.
Un amour qui ne calcule pas
Dans l’amour, on n’est pas dans une logique de calcul. On vit dans le présent. Notre vie chrétienne n’est pas un exercice de mathématiques où l’on comptabilise les bonnes et les mauvaises actions en regardant où penche la balance.
L’accent n’est pas tant sur les bonnes actions que sur l’état de notre cœur.
L’important, c’est d’être sur la bonne pente
Il s’agit d’être dans une dynamique de progrès. Dans une relation avec quelqu’un, rien n’est acquis de manière définitive. L’amour n’est pas au passé mais au présent.
Dans notre vie consacrée, l’essentiel est de rester toujours dans une dynamique de conversion.
Aimer suppose d’être dans une relation vivante
Écoute
Une relation vivante implique d’être disposé à écouter. Ce que Jésus reproche aux grands prêtres et aux anciens du peuple de l’évangile de ce jour, c’est de ne pas avoir cru à la parole de Jean-Baptiste. Il est impossible d’écouter si on est enfermé en soi-même, si l’on est imperméable. L’écoute suppose une ouverture.
Comme le dit la boutade : certains veulent faire la volonté de Dieu, qu’il le veuille ou non !
Souplesse
La relation suppose aussi de ne pas être trop rigide. Le rigide est fidèle à ses idées et à son idéal mais il n’est pas dans la relation. Cela suppose un minimum d’humilité. L’humilité nous permet de reconnaître qu’on a pu se tromper. Elle nous ouvre au repentir.
Être disponible au changement
Nous avons des résistances au changement. Le changement fait peur. Il nous fait sortir de notre zone de confort. On entre dans une posture où on laisse Dieu disposer de soi (cf. les paroles de la prière de consécration à Marie). On se rend disponible.
Cela rejoint l’esprit d’enfance où l’on accepte d’être vulnérable et de ne pas tout maîtriser.
Grâce à la miséricorde, nous ne sommes pas enfermés dans notre passé
La miséricorde de Dieu nous ouvre une grande espérance
La prière d’ouverture de cette messe est l’une des plus belles de l’année liturgique :
Ce qui nous permet de nous hâter vers le Ciel, c’est précisément parce que Dieu pardonne. Comme le dit le magnifique Psaume 102 :
« Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour ; il n’est pas pour toujours en procès, ne maintient pas sans fin ses reproches ; il n’agit pas envers nous selon nos fautes, ne nous rend pas selon nos offenses. »
C’est parce que nous croyons en la miséricorde de Dieu que nous pouvons sans cesse nous remettre en route. Sinon, nous pouvons tomber dans le découragement comme Élie au désert :
« Maintenant, Seigneur … Reprends ma vie : je ne vaux pas mieux que mes pères. » (1 R 19, 4)
Grâce à Dieu et à sa miséricorde, nous ne sommes pas enfermés dans notre passé. Sinon, à quoi bon se mettre en route.
Le pardon des autres est limité
David en avait bien conscience. C’est pourquoi, après le péché du recensement, il a choisi la peste plutôt que les deux autres châtiments :
« Tombons plutôt entre les mains du Seigneur, car sa compassion est grande, mais que je ne tombe pas entre les mains des hommes ! » (2 Samuel 24, 14)
Nous voyons bien que la société n’est pas miséricordieuse ; elle n’oublie pas.
Le juge le plus implacable c’est peut-être nous-mêmes
Nous pouvons quelquefois être tenté par le découragement, la mésestime de nous-mêmes. Nous avons quelquefois bien du mal à nous pardonner à nous-mêmes !
Nous sommes invités à porter notre regard vers Dieu qui est plus grand que notre cœur :
« Si notre cœur nous condamne, Dieu est plus grand que notre cœur. » (1 Jn 3, 20)
Le regard de Dieu peut nous aider à nous aimer nous-même en vérité, à nous pardonner comme, Lui, nous pardonne. Dieu nous aide à laisser en arrière les ruminations qui ne font aucun bien.
Conclusion :
Alors « avanti ! » comme on dit en italien. N’hésitons pas à aller de l’avant, sachant que nous pouvons compter sur l’amour de Dieu qui est de toujours à toujours.
Croyons aussi à cette miséricorde de Dieu, non pas seulement pour nous-mêmes mais pour les autres. Sans doute ont-ils besoin d’être encouragés sur leur chemin. La miséricorde, on l’accueille d’autant mieux qu’on l’exerce à l’égard des autres. Alors « avanti » !
Que Marie, dont le cœur est le refuge des pécheurs, vous soutienne sur ce chemin !
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre d’Ézéchiel 18,25-28.
- Psaume 25(24),4-5ab.6-7.8-9.
- Lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens 2,1-11.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 21,28-32 :
En ce temps-là, Jésus disait aux grands prêtres et aux anciens du peuple :
« Quel est votre avis ? Un homme avait deux fils. Il vint trouver le premier et lui dit : “Mon enfant, va travailler aujourd’hui à la vigne.”
Celui-ci répondit : “Je ne veux pas.” Mais ensuite, s’étant repenti, il y alla.
Puis le père alla trouver le second et lui parla de la même manière. Celui-ci répondit : “Oui, Seigneur !” et il n’y alla pas.
Lequel des deux a fait la volonté du père ? »
Ils lui répondent :
— « Le premier. »
Jésus leur dit :
— « Amen, je vous le déclare : les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu. Car Jean le Baptiste est venu à vous sur le chemin de la justice, et vous n’avez pas cru à sa parole ; mais les publicains et les prostituées y ont cru. Tandis que vous, après avoir vu cela, vous ne vous êtes même pas repentis plus tard pour croire à sa parole. »