Homélie du 26e dimanche du Temps Ordinaire

28 septembre 2020

« Un homme avait deux fils. Il vint trouver le premier et lui dit :
“Mon enfant, va travailler aujourd’hui à la vigne.”
Celui-ci répondit : “Je ne veux pas.” Mais ensuite, s’étant repenti, il y alla. »

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Texte de l’homélie :

Vous le savez, lorsque l’on médite sur un texte d’évangile, il est bon de le resituer : dans quel passage, dans quel partie il se situe. Et le chapitre 21e de Saint Matthieu relate ce qu’il se déroule au début de la Passion. Juste avant, il y a eu le passage des marchands du Temple, et juste avant, il y a cette question des grands prêtres et des anciens : « Par quelle autorité dis-tu cela ? »
Ce à quoi Jésus répond : « Par quelle autorité Jean-Baptiste a fait ce qu’il a fait ? »
Et Il n’a pas répondu et eux non plus. Et tout de suite après, arrive ce passage des deux fils face à la volonté du Père, à envisager dans le contexte du début de la Passion.

Lorsque Jésus commence par « Un père avait deux fils », je pense immédiatement à la parabole du Fils prodigue, car elle commence exactement comme celle-ci :

« Un Père avait deux fils… »

Si ce n’est que dans ce cas, on ne sait pas lequel est l’aîné et lequel est le cadet. Parmi ces deux fils, il y a celui qui dit : « je n’irai pas à la vigne du Seigneur », et finalement, il y va, et celui qui dit : « j’irai à la vigne du Seigneur », et finalement il n’y va pas.
Ainsi, j’ai envisagé cette parabole dans le contexte de la Passion en me posant la question : qu’est-ce qui fait que l’on ne va pas à la vigne du Seigneur…

Le travail de la vigne représente quelque chose de difficile. Nous y sommes sans doutes moins sensible dans notre région, mais il faut imaginer le labeur par grosse chaleur et sur terrain caillouteux… C’est en Terre Sainte que coulent le lait et le miel, mais il faut travailler dur pour récolter le produit de la vigne, et cette image est prise pour parler du Royaume.

Ce qui fait que l’on ne veuille pas travailler au Royaume, c’est certainement à cause de la pénibilité. On voit bien le niveau de difficulté rencontrée, et cela explique l’on renâcle face à l’effort. Et quand on pense à ce que le Seigneur a subi, mettre ses pas dans les Siens et Le suivre, devenir son disciple peut être rebutant, et on peut le comprendre.

« Celui qui veut être mon disciple, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ! »

Mais dans ce cas, analysons le passage : qu’est-ce qui fait que l’on va accepter d’y aller.

Pourquoi aller travailler à la vigne alors qu’on ne voulait pas ?

Certainement, ce sont des personnes qui ont l’habitude de râler, qui maugréent devant l’effort, qui se demandent pourquoi le maître n’a pas demandé à un autre. Et c’est sans doutes parce que c’est le Seigneur Lui-même qui va travailler à la vigne, prend de la peine et ne regarde pas à la dépense que mon cœur s’ouvre, et que je me dis que je pourrai être parmi ses ouvriers et Lui apporter mon aide pour annoncer le Royaume.

C’est la grandeur d’âme qui se réveille en nous, alors qu’au début, c’était une certaine raideur, une certaine révolte face à l’effort, à la pénibilité et à la difficulté de l’annonce du Royaume. Et finalement, c’est le cœur qui s’ouvre, parce que je vous Jésus qui Se donne, jusqu’au bout, qui rentre dans Sa Passion. Et cela me soutient, cela m’inspire, cela ouvre mon cœur à la magnanimité, c’est à dire à la grandeur d’âme – du Latin magna anima.
La grandeur d’âme se manifeste quand on ne regarde pas à la dépense. C’est ce qui se produit quand on contemple Jésus Lui-même qui Se donne sans compter.

En revanche, on peut se poser la question : qu’est-ce qui fait que celui qui a dit qu’il y allait n’y va finalement pas…

Pourquoi dire que l’on va travailler à la vigne et que l’on n’y va finalement pas ?

Peut-être a-t-il dit oui pour plaire au père, pour lui faire plaisir. Mais c’est dommage car il lui déplait finalement en n’y allant pas. C’est le péché par omission. C’est avoir conscience que travailler à cette vigne est une bonne chose, quand on voit les fruits de cette vigne, la peine que son père s’y donne ; ensuite cela lui reviendra puisqu’il est l’héritier. Mais, il n’y va pas…
Le péché par omission n’est pas parce que l’on oublie de faire quelque chose. C’est plutôt dans le cas où l’on voit le bien à faire, mais que cela me demandant trop d’effort, je renonce. On appelle ça aussi la pusillanimité.

Alors que c’est la magnanimité qui caractérise le premier fils et le pousse à se mettre en route, c’est le pusillanimité qui retient l’autre.

Par exemple, je vois cette dame chargée avec son cabas et elle aurait peut-être besoin d’aide mais, après tout, elle n’a qu’à se débrouiller toute seule. C’est comme un enfermement sur soi-même. Je n’ouvre pas mon cœur, je me recroqueville, préférant rester dans mon petit coin pour ne pas trop me dépenser, pour ne pas trop sortir de ma zone de confort.

Voici ce qu’il s’est passé. Et le cœur de ce deuxième fils – aîné ou cadet – s’est refermé sur lui-même, alors que le premier qui avait dit non dans un mouvement de colère ne s’est pas regardé, mais a regardé l’amour du Père, celui qui Se donne et cela a ouvert son cœur.

L’attitude de ces deux fils nous concerne tous

Ces deux attitudes sont intéressantes, et ces deux fils sont en nous. Parfois nous sommes le premier, parfois nous sommes le deuxième, selon les étapes de notre vie. Il y a des moments où on se laisser toucher par la grâce, et l’on répond aux appels de l’Eglise, et l’on répond aux appels du frère à côté de nous, et l’on a une grandeur d’âme, sans compter la dépense, dans la générosité qui vient de l’amour.
Au contraire, dans notre vie, il y a des moments où l’on commet le péché par omission, comme nous l’avons confessé tout à l’heure :

« J’ai péché en pensée, en paroles, par action et par omission… »

Oui, j’ai vu le bien à faire, mais j’ai préféré rester dans ma zone de confort, dans mon égoïsme, dans ma tranquillité, et surtout ne pas me lancer vers l’autre et ouvrir mon cœur.

La conclusion que Jésus donne est intéressante, on ne s’y attend pas du tout. C’est un mode rabbinique car Il pose une question demandant :

« Quel est votre avis ?… »

Et les autres de répondre : « C’est le premier, celui qui a dit non et qui y est finalement allé ». Et voici ce que déclare Jésus :

« Les prostituées et les publicains vous précéderont dans le Royaume de Cieux… »

Il répond ainsi aux grands prêtres et aux anciens du peuple.
Autrement dit, quand on est dans une situation de pauvreté et que l’on contemple Jésus qui s’engage pour nous et pour notre salut, cela nous fait évidemment bouger à l’intérieur.
Cela nous fait bouger à l’intérieur de voir Dieu qui est patient avec nous, ce Dieu qui patiente et prend pitié.

Rentrer en nous-même et choisir le bien

C’est une invitation à rentrer en nous-même - comme c’est dit dans le fils prodigue qui est rentré en lui-même – et de voir combien le Seigneur patiente, comment Il a travaillé à notre place et S’est donné de la peine pour nous. Nous le savons, d’autres l’ont fait : nos parents, nos catéchistes, des prêtres rencontrés dans notre jeunesse, des aînés dans la Foi qui nous ont accompagnés, et qui n’ont pas ménagé leur peine pour que nous soyons ici aujourd’hui dans cette chapelle.
C’est grâce à d’autres que nous avons été appelés ici aujourd’hui. Alors oui, quand je rentre en moi-même et que je prends conscience de ma fragilité, et que combien d’autres se sont donné de la peine, mon cœur s’ouvre. Voici une attitude de pauvre : c’est une attitude de reconnaissance, d’action de grâce, de gratitude pour les dons de Dieu.

Et quand Jésus parle des prostituées et des publicains, il faut allusions à celles et ceux qui sont rejetés et dont Jésus se fait proche, ceux-là même qui peuvent être appelés à travailler à la vigne à la dernière heure du jour, comme on l’a vu dimanche dernier.

« Personne ne nous a appelés à travailler à la vigne… »

Eux qui étaient rejetés et mis de côté, les voici appelés par le Christ :

« Voulez-vous aussi travailler à ma vigne ? »

Oui, c’est une très belle parabole et elle peut nous aider lorsque nous nous confessons. C’est toujours difficile car nous confessons des actes libres, c’est à dire des actes que nous avons engagés alors que nous avions le choix. Et entre celui qui dit oui et celui qui dit non, nous voyons qu’il y a un choix. Cela parle aussi des situations de combat intérieur que nous avons à vivre, et c’est important de faire mémoire et d’examiner ces péchés par omission, c’est actes manqués.

Ce bien que l’on aurait pu faire, ce monde que l’on aurait pu rendre plus juste et plus fraternel, et parce que l’on a eu peur – peur de l’autre, de ses réactions, que l’on a voulu rester avec nos habitudes, ces désirs de bonheur qui n’ont pas atteint leur cible

Demandons au Seigneur ce courage de faire le bien, demandons d’être attentifs pour voir le bien qu’il y a à faire. Dans une journée, il y a mille occasions toutes simples !
Et quand l’occasion se présente, faisons mémoire de cette parabole des deux fils, faisons mémoire de cette prière du Notre-Père :

« Que ta volonté soit faite. »

C’est certainement cette volonté d’amour à laquelle nous sommes appelés, cette volonté qui a à voir avec la grandeur d’âme,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre Livre d’Ézéchiel 18,25-28.
  • Psaume 25(24),4-5ab.6-7.8-9.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens 2,1-11..
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 21,28-32 :

En ce temps-là, Jésus disait aux grands prêtres et aux anciens du peuple : « Quel est votre avis ?
Un homme avait deux fils. Il vint trouver le premier et lui dit :
“Mon enfant, va travailler aujourd’hui à la vigne.”
Celui-ci répondit : “Je ne veux pas.” Mais ensuite, s’étant repenti, il y alla.
Puis le père alla trouver le second et lui parla de la même manière.
Celui-ci répondit : “Oui, Seigneur !” et il n’y alla pas.
Lequel des deux a fait la volonté du père ? »
Ils lui répondent : « Le premier. »
Jésus leur dit : « Amen, je vous le déclare : les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu.
Car Jean le Baptiste est venu à vous sur le chemin de la justice, et vous n’avez pas cru à sa parole ; mais les publicains et les prostituées y ont cru. Tandis que vous, après avoir vu cela, vous ne vous êtes même pas repentis plus tard pour croire à sa parole. »