Homélie de la solennité du Christ-Roi de l’Univers

23 novembre 2020

“Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait.”

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie :

Elle fait date, l’homélie de l’archevêque de Paris qui a commencé par appeler « Majestés » les membres de l’assemblée présents devant lui en ce jour de fête. Car en cette solennité, c’est bien de cela dont il s’agit : Jésus n’est pas venu pour être honoré comme un roi de la terre. La théologie nous dit d’ailleurs que tout ce qu’Il a vécu c’est pour nous et pour notre Salut, pour que nous puissions être rois. Et d’où le tenons-nous ? c’est tout simplement dans l’enseignement de la Bible, de l’Église.
Depuis le pied du Sinaï, et conjointement par la bouche de Dieu et de Moïse, nous avons reçu la Loi - les dix paroles de vie - et nous avons été fait rois. Le texte dit :

« Vous avez vu vous-même ce que j’ai fait à l’Égypte, comment je vous ai portés sur des ailes d’aigle et je vous ai portés jusqu’à moi. Et maintenant, si vous entendez ma voix et que vous gardez mon alliance, vous serez la part personnelle parmi tous les peuples, parce que c’est à toi qu’appartient toute la terre.
Et vous serez un peuple de rois, un peuple de prêtres, un peuple qui m’est consacré.
Peuple de prêtres, peuple de rois, assemblée des saints. »

Les dix commandements, paroles de vie et d’alliance

Aussi, depuis notre baptême, avec l’onction du Saint Chrême, nous avons été constitués rois - prêtres, prophètes et rois – par la victoire du Christ sur la Croix, et Sa Résurrection.

Et le texte de la deuxième lecture reprend tout ce thème :

« Tous dans le Christ recevront la vie, alors tout sera achevé quand le Christ remettra le pouvoir royal à Dieu Son Père, après avoir anéanti tous les êtres célestes, toutes principautés, toutes souveraineté, toutes puissances.
Le Christ d’abord et tous ceux qui le suivent ensemble et comme un seul corps. »

Notre vocation est donc d’anéantir toute domination, toute autorité, toute puissance, tout ce qui nous rend esclaves. Au Sinaï, comme le rappelle le passage introductif des dix paroles dans le Deutéronome :

« Ce n’est pas avec vos pères que le Seigneur a conclu cette alliance, mais c’est avec vous qui êtes là aujourd’hui. »

Et au baptême, nous a été transmise, confiée la prière du Christ :

« Que ton règne vienne. »

Qu’il soit vivant, effectif en moi, ce règne, qu’il soit ma loi !

Et nous aimons à chanter ce chant : « Le Christ est victorieux, Il règne à jamais. ». Et l’on passe tout ce qui fait la réalité humaine. _Voici mon âme, voici mon cœur, voici ma liberté, voici mes pensées, mes affections, mes paroles, mes actions, mon travail, mon repos, et l’on reprend : « Règne à jamais, Seigneur ! »
Dieu s’est révélé à Son peuple en le sauvant de l’esclavage. C’est la Pâque, le centre de notre Foi.

Les dix commandements comme signe de perpétuelle libération

Mais, Dieu n’a pas fait simplement un acte un jour, Il nous a donné conjointement – et c’était le signe de la sortie de l’esclavage en Égypte - les dix paroles sur le Sinaï qui sont ce code pour la vie, pour que nous apprenions dans le quotidien à ne plus être esclaves, que nous soyons libérés de tout esclavage dans le quotidien, celui d’Adam et Eve pris par la convoitise et la domination.

Alors, ne nous laissons pas illusionner comme tous les auditeurs de Jésus, déjà de Son vivant – même les disciples, même les apôtres – en pensant à Jésus comme un roi-messie qui viendrait nous sauver, rétablir un royaume : nous n’aurions pas à changer… Il ne vient pas comme le feraient les rois en rétablissant l’ordre par la violence et la contrainte, tout en aimant rayonner par les honneurs et par la gloire, par une couronne…
Non, la seule couronne que le Seigneur a c’est une couronne d’épines et l’on pourrait dire que l’Esprit-Saint est le maître et l’inspirateur des caricaturistes les plus cruels au sujet de la royauté du Christ.

Le Christ est roi comme on le voit dans les lectures de l’Année C où on lit Saint Luc, ainsi que dans les prières d’aujourd’hui. Mais le signe, c’est cette croix avec ce roi caricaturé, et ce n’est pas pour défendre nos valeurs, ce royaume tel que nous l’imaginons dans notre manière de vivre aujourd’hui. Non, c’est Celui qui va nous rendre rois, possesseurs de cette liberté intérieure.

Les dix commandements, des paroles de vie pour devenir roi

Ces dix paroles nous sont données pour apprendre à être libres de toute autorité, de toute puissance, de tous les autres dieux que nous pouvons imaginer - d’image de Dieu que nous nous ferions – ne pas se confier aux étoiles ou aux superstitions et croyances magiques. C’est aussi cet infini respect pour le nom de Dieu, pour la parole donnée, ne pas inverser le mal et le bien.
Et par rapport à nos racines, à ce qui nous plante dans l’existence avec ce commandement :

« Tu honoreras ton père et ta mère. »

Quand ils deviennent faibles et ne sont plus légers, au point où ils n’ont plus la même autorité, leur donner du poids, aller même jusqu’à ce qu’a fait Judas quand Joseph - pas encore reconnu de ses frères et devenu premier ministre de Pharaon, au sujet de Benjamin – demandant au père d’assumer son chagrin et le poids de sa vie et de ne pas le faire porter à tout le monde…
Il y a aussi ces racines, ce sacrement du comportement de Dieu, le Shabbat : savoir s’arrêter un jour pour honorer, pour louer le Seigneur, parce que l’achèvement de la relation n’est que dans le repos, dans le fait de mettre une limite, pour nous retirer de cet esprit de toute puissance, de cette pensée d’être rois à la manière des hommes. Mais Dieu, lui, Sa toute puissance est déployée dans Sa création qui n’est achevée que quand Il s’arrête et se repose, quand Il laisse le monde exister et qu’Il peut se retirer.

Ensuite, par rapport au prochain, devenir roi, libre et maître de notre humanité signifie ne pas assujettir l’autre en s’en prenant à sa personne, en s’en prenant à ses biens…

« Tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne sera pas adultère… »

Il s’agit d’apprendre à servir.

Être roi pour servir…

Les lectures d’aujourd’hui sont très claires. Comment sommes-nous rois ? c’est en servant.
Dans la première lecture, nous avons au chapitre 34 la mention des bergers : le prophète Ézéchiel dénonce les mauvais bergers, ceux qui exploitent le troupeau pour leurs propres biens, mais n’ont cure du bien des brebis elles-mêmes. Ils sont uniquement intéressés par leur profit.
Ici, il montre comme il en prend soi : Jésus est notre roi, notre modèle, Celui qui nous entraîne et nous apprend comment vivre cette royauté en prenant soin de la brebis qui est perdue et malade.

C’est donc en revêtant cet amour et cette manière d’aimer que nous serons rois. De la même manière, Jésus le reprend dans cette parabole au sujet du jugement en le formulant ainsi :

« Qu’as tu fait de ton frère ? »

En es-tu le gardien ? veilles-tu sur lui ? est-ce que tu sais souffrir, est-ce que tu sais l’aimer ?

Il est raconté dans les récits hassidiques qu’un rabbin très brillant était adulé par ses disciples et ceux qui l’entouraient, mais lui n’en éprouvait aucune joie, mais plutôt tristesse et amertume, et les gens ne le comprenaient pas. Alors, quelque proches lui l’ont interrogé, demandant : « Pourquoi ? nous t’aimons ! », et lui de répondre : « Si vous ne savez pas ce dont je souffre, comment pouvez-vous dire que vous m’aimez ? »

C’est de cet amour que le Seigneur nous demande de revêtir. C’est ainsi, et c’est la seule royauté qui est digne de Dieu, car c’est pour incarner cette miséricorde qu’Il est venu. Et pour que nous nous revêtions de cet amour, de la charité du Christ, avec ces deux étais dans notre condition terrestre que sont la Foi et l’Espérance.
La Foi qui est cet engagement, cet assentiment de toute cette intelligence et de notre volonté à cet amour du Christ.
L’Espérance qui est comme l’encrage qui nous enracine, qui est comme l’appui dans cette charité.
Et c’est ainsi que le Christ désire que Son sang, que Sa vie coule en nous.

Alors, on entend mieux aussi tout ce que le pape François nous invite à vivre dans son encyclique « Tous frères ». Effectivement, si notre comportement ne diffère pas des autres gens, si nous ne rencontrons pas l’autre d’une autre manière, si ne sommes pas avec tout homme mais seulement avec nos amis, ceux qui nous louent et qui nous choient, comment pourrons-nous découvrir et dire que le Christ est roi ?

C’est remis entre nos mains. Apprenons à aimer chaque homme comme un frère, à l’estimer comme un frère, à ouvrir notre cœur, à prendre intérêt à chacun, dans la complexité du monde. Ce n’est pas pour autant que nous n’aurons pas d’ennemis, Jésus l’a bien dit : « Être chrétien, c’est aimer son ennemi. », n’allez pas penser qu’il s’agit d’être frère de tout le monde et n’avoir de problème avec personne, car si on n’a pas d’ennemi, on ne peut pas être chrétien, soyons tranquilles avec cela.
Mais tâchons d’adapter et de toujours garder cette espérance comme Jésus l’a gardée. A la Croix, Il n’est pas rentré dans la défiance mais S’est livré, Il a continué à avoir ce regard du Père et Il l’a fait pour qu’éclate la miséricorde, même quand Il était bafoué. Mais Son but, c’est qu’elle puisse éclater.

Pour cela, demandons au Seigneur avec instance de pouvoir aimer le Seigneur, aimer chaque homme à la manière du Seigneur, Lui le Bon Berger.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Ézéchiel 34,11-12.15-17.
  • Psaume 23(22),1-2ab.2c-3.4.5.6.
  • Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 15,20-26.28.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 25,31-46 :

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire.
Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs : il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche.
Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite :
— “Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde.
Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !”
Alors les justes lui répondront :
— “Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… ? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ? tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ? tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?”
Et le Roi leur répondra :
— “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.”

Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche :
— “Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges.
Car j’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’avais soif, et vous ne m’avez pas donné à boire ; j’étais un étranger, et vous ne m’avez pas accueilli ; j’étais nu, et vous ne m’avez pas habillé ; j’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité.”
Alors ils répondront, eux aussi :
— “Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, avoir soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service ?”
Il leur répondra :
— “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait.”
Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle. »