Texte de l’homélie
Jérusalem surprise dans la joie : tout le monde accourt vers elle…
Chers frères et sœurs, nous avons écouté cette extraordinaire première lecture :
« Debout, Jérusalem, resplendis ! Elle est venue, ta lumière, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi. Voici que les ténèbres couvrent la terre, et la nuée obscure couvre les peuples. Mais sur toi se lève le Seigneur, sur toi sa gloire apparaît. »
Après le retour d’exil… on attend la libération, la renaissance, mais Jérusalem est trompée dans ses attentes. Le Temple tarde à se reconstruire, on rencontre des hostilités parmi ceux qui sont restés sur place… cet avenir radieux, est plus terne et plus gris que prévu… Et que vient dire le prophète à Jérusalem ? un peu d’énergie, tiens bon, sois dans la joie… ? rien de tout cela ! il lui enseigne non à regarder vers le Ciel, mais vers la Terre. Jérusalem regarde au loin et que voit elle ? les nations viennent à toi !
« Les nations marchent vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore. Regarde : tous, ils se rassemblent, ils viennent vers toi. »
Pourquoi cela ? car tu es porteuse d’une lumière ! Au moment même où tu te penses définitivement reléguée à la grisaille, voilà que, que tu attires ! car dans cette immense nuit tu éclaires…
Du coup Jérusalem tu ressuscites : « Jerusalem surge ! » chante-t-on en latin, « Jerushalaim kumi » en Hébreux, le même mot que Jésus utilise pour dire à la jeune fille défunte de se relever du sommeil de la mort !
J’aimerais noter ceci : Jérusalem ne savait plus qui elle était, « Jérusalem ce lieu que Dieu a choisi pour y faire habiter son nom » comme le répète l’Écriture… Jérusalem ignorait sa vocation profonde… ce sont donc les nations, les païens qui lui révèlent qui elle est ! qui lui redonnent accès au secret de sa propre identité, et cela c’est magnifique. Elles lui révèlent qu’elle est un étendard, ce qui signifie : C’est toi Jérusalem qui prendras la tête dans les ultimes combats contre le mal…
C’est exactement le même cas de figure dans l’évangile
« Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : “Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui.” »
Des mages des nations accourent vers Jérusalem, parce qu’ils ont décelé en elle une lumière…
« nous avons vu son étoile. »
La Jérusalem des mages est dans la même situation que celle d’Isaïe, les nations viennent vers elle… car elle recèle la lumière… Mais voilà que ce rayonnement elle n’en veut pas… elle veut l’étouffer.
»En apprenant cela, le roi Hérode fut bouleversé, et tout Jérusalem avec lui. »
Le Signe de ces mages devient inopportun… Jérusalem en vient à craindre la lumière qui émane d’elle et que Dieu lui a donné de faire rayonner… elle veut à tout prix par la voix d’Hérode éteindre cette lumière.
Chers frères et sœurs, ces deux Jérusalem ne sont-elles pas comme deux paraboles pour illustrer l’attitude que notre Église pourrait prendre. ? Des nations accourent vers elle… elle rayonne mais que fait-elle de ce rayonnement.
Quelle est la nouvelle Jérusalem ?
Constatons d’abord ceci : cette nouvelle Jérusalem qu’est notre Église continue d’attirer. Et parfois nous sommes surpris de l’enthousiasme que la découverte de la lumière du Christ peut susciter : des familles entières entrevoient la beauté de notre foi, se mettent en route vers les sacrements…
Nous avons besoin d’en prendre conscience. Car nous le savons l’Église a bien terni la gloire du Christ à travers les nombreux péchés de ses membres ; elle ne peut donc plus se recommander elle-même… Mais malgré tout ! on vient à elle, on demande le baptême.
Alors l’Église se laisse surprendre, émerveillée : elle a un trésor qui n’est pas à elle, dont elle n’est pas digne, et qu’elle peut finir par oublier. Et nos vieilles nations chrétiennes se laissent parfois comme interpeller par la lumière dont elles sont porteuses et par le rayonnement qu’elle produit ; regardons Notre Dame de Paris : du monde entier, des dons, des soutiens, les trésors des mers, pourrait-on dire ont afflué vers elle,. Mais tous ces trésors révélaient ce trésor incommensurable que cette cathédrale recelait. La présence du Dieu vivant, prié, adoré par les foules pendant des siècles. Notre Dame cristallisait la foi de tout un peuple, cette ouverture à Dieu, ce chemin que notre nation a tracé vers le Ciel par sa culture et par sa foi…
Quand un serviteur de l’État disait il y cinq ans avec sans doute maladresse : « Notre-Dame de Paris n’est pas une cathédrale », tout dans l’inauguration disait le contraire : Notre-Dame est la foi rendue visible, lumière dont le monde a soif.
Alors la gloire de Dieu à nouveau se lève sur l’Église comme elle se levait sur la Jérusalem d’Isaïe. Mais cette gloire que je peux aussi être tenté de l’étouffer… comme si nous ne voulions pas assumer cette gloire qui nous dépasse. Laissons la parole à un athée, qui attendait beaucoup de l’Église. Comme le disait Albert Camus en s’adressant aux Dominicains à Paris en 1948 :
L’autre jour, à la Sorbonne, s’adressant à un conférencier marxiste, un prêtre catholique disait en public que, lui aussi, était anticlérical. Eh bien ! je n’aime pas les prêtres qui sont anticléricaux pas plus que les philosophies qui ont honte d’elles-mêmes. »
Camus voulait voir cette gloire, il n’attendait pas que l’Église s’excuse d’exister…, il ne voulait pas retrouver en elle l’insignifiance du monde, sa tristesse, sa grisaille, ses complaisances…
Assumons la lumière que nous portons… concrètement réjouissons nous des conversions, des demandes de baptêmes… de nos frères musulmans notamment : si nous en connaissons, accompagnons-les sur leur chemin de conversion, offrons-leur notre fraternité, soyons attentifs à eux dans nos paroisses. Osons dire avec délicatesse, certes, mais fermeté que le Christ est l’unique chemin, mais sachons accueillir les nouveaux venus jusqu’à ce qu’ils s’enracinent dans la foi… Ne cédons jamais à la tentation de nous voir comme insignifiant ou inutile, tentations contre la foi et l’espérance.
Mais Choisissons de quelle Jérusalem nous voulons être, de celle qui veut étouffer le Christ, ou de celle qui comme Marie, veut le donner au monde,
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre d’Isaïe 60,1-6.
- Psaume 72(71),1-2.7-8.10-11.12-13.
- Lettre de saint Paul Apôtre aux Éphésiens 3,2-3a.5-6.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 2,1-12 :
Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui. »
En apprenant cela, le roi Hérode fut bouleversé, et tout Jérusalem avec lui. Il réunit tous les grands prêtres et les scribes du peuple, pour leur demander où devait naître le Christ.
Ils lui répondirent : « À Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète : ‘Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Juda, car de toi sortira un chef, qui sera le berger de mon peuple Israël.’ »
Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue ; puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : « Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, venez me l’annoncer pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui. »
Après avoir entendu le roi, ils partirent. Et voici que l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient les précédait, jusqu’à ce qu’elle vienne s’arrêter au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant.
Quand ils virent l’étoile, ils se réjouirent d’une très grande joie. Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
Mais, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.