Texte de l’homélie :
Sans doutes le savez-vous : la fête d’aujourd’hui représente trois fêtes chez les Chrétiens orthodoxes :
- La fête de l’Epiphanie,
- La fête du baptême du Seigneur, que nous célébrerons dimanche prochain,
- La fête de Cana, avec le premier miracle que Jésus accomplit.
On peut se demander pourquoi fêter ensemble ces trois événements de la vie du Christ ? quel est le lien entre elles, quel est le lien avec Noël. Il y a pourtant une similitude : c’est la question du signe. Vous vous souvenez certainement du récit de la Nativité dans Saint Luc, avec l’ange qui parle aux bergers :
« Vous verrez un signe : un nouveau né emmailloté et couché dans une mangeoire. »
Vous vous souvenez du miracle de Cana comme étant le commencement d’une multitude de signes que le Seigneur accomplit :
« Et beaucoup crurent en Lui. »
Il en est de même au baptême de Jésus, avec ce signe de la voix venue du Père - la colombe - ainsi que le signe de l’étoile qui guide les mages jusque vers le Seigneur.
La question des signes est importante, car, on le voit, certains demandent un signe du temps de Jésus et après : « Donne-nous des signes de Ta présence, que nous pouvons Te faire confiance… ». Ce à quoi Jésus répond :
« Il ne sera donné comme signe que celui de Jonas. »
Vous vous rappelez de Jonas, avalé par le monstre puis recraché sur le rivage… Le signe est toujours caché, même dans le cas où l’ange dit : « Vous verrez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire », ce n’est pas un signe qui donne la foi de manière instantanée.
Il y a certes beaucoup de nouveaux nés, et celui-ci en particulier est dans une étable, à Bethléem, la maison du pain… ce sont des indications précises, mais on ne peut pas y voir un signe éclatant.
Pour distinguer un signe, il faut deux choses importantes : il faut que le signe soit objectif et que je puisse le voir personnellement :
« Lorsqu’ils virent l’étoile, ils éprouvèrent une grande joie. »
C’est la vue du signe qui provoque cette joie personnelle. Evidemment, tout le monde voyait les étoiles, surtout ce peuple de bergers qu’était le peuple d’Israël, habitué à guetter le ciel, mais cela n’avait pas cet effet joyeux signalé dans les Ecritures.
Ainsi, le signe doit me parler personnellement : il doit me permettre de faire le lien entre deux choses qui ne sont normalement pas unies.
Par exemple, lors d’un mariage, il y a eu un arc en ciel. Si on analyse d’arc en ciel de manière scientifique, c’est un rayon de soleil qui traverse des gouttelettes d’eau qui décomposent la lumière et en font cette jolie palette variée.
Mais dans la Bible, le rôle de l’arc en ciel est le signe de l’alliance. Ainsi, s’il se produit le jour d’un mariage, il peut être vu comme un signe.
Un signe concerne toujours la foi : une étoile est visible de tous, mais pour eux c’est une grande joie. Un nouveau né couché dans une mangeoire annoncé par les anges fait tomber les bergers dans l’adoration.
Il en va de même pour le signe de l’eau changée en vin : le maître de maison n’en connaît pas la raison ; il fait la remarque qu’habituellement, on sert de meilleur vin au début du repas. Seuls les serviteurs sont témoins du signe. Cela reste caché.
Dans le baptême aussi, il y a cet aspect caché. Il faut une démarche intérieure pour savoir lire dans ces événements.
C’est la même chose pour les sacrements, qui sont des signes donnés pour notre route : du pain et du vin font signe pour nous. C’est le signe visible d’une grâce invisible : définition même du sacrement. C’est la Foi qui nous fait reconnaître, dans ce pain et ce vin consacré, le corps et le sang du Seigneur.
Il y a aussi une deuxième condition pour que ce soit un signe donné : il faut qu’il soit objectivé par quelqu’un qui soit un aîné dans la Foi.
Nous savons qu’il y a des personnes qui voient des signes partout, manifestation de leur imaginaire fécond qui trottine. Le signe doit être présenté à quelqu’un habitué au discernement, soumis à une démarche générale de discernement.
Ainsi, cette étoile nous invite à découvrir les manifestations du Seigneur, et à nous laisser éclairer, tant par la tradition de l’Église, dans les sacrements valides s’appuyant sur la Parole du Seigneur – « Ceci est mon corps, ceci est mon sang », ce sont vraiment le corps et le sang du Seigneur parce qu’Il l’a dit – ce n’est pas le fruit unique de mon imaginaire.
Le Seigneur fait signe dans notre vie, j’en suis persuadé : Dieu est un dieu qui intervient dans l’Histoire, dans nos histoires personnelles, mais aussi dans la grande Histoire de l’Humanité. C’est un dieu qui se manifeste, on le voit à plusieurs reprises dans l’histoire d’Israël.
Ainsi, cette épiphanie, cette manifestation du Seigneur, nous en sommes témoins.
Autant il y a un risque de voir des signes partout, autant il y a un risque de faire une lecture complètement horizontale de notre quotidien et de ne pas discerner les signes que le Seigneur nous donne. Or, Il nous en donne, à commencer par le sept sacrements, par Sa parole, par l’existence de la communauté de croyants…
Et il y a des signes particuliers qui nous touchent car ils concernent notre histoire, et que ce ne sera pas le cas pour notre voisin…
Relisons le récit de l’Épiphanie à la lumière des signes et de cette étoile, et voyons les conséquences :
« Et, avertis en songe, ils rentrèrent par un autre chemin. »
Ils repartent sans avertir Hérode du lieu où est l’enfant, et s’en suit le martyr des Saints Innocents.
Il y a la rencontre de cette objectivité et de cette subjectivité, et cela change quelque chose : on rentre par un autre chemin. Autrement dit, on change sa manière de faire.
Et c’est aussi cela qui montre que c’est un signe : cela change la vie des gens. Admirer un arc en ciel est une chose, mais de se rappeler, de prendre conscience que c’est un signe d’alliance du Seigneur avec les hommes manifesté en Jésus-Christ, voilà vraiment le signe.
Vous connaissez sans doutes cette histoire de Zola avec ce croyant qui demande un miracle et qui affirme que s’il en voit un, il se convertira. Il se rend donc à Lourdes, et il assiste en effet à un miracle. Mais, il ne s’est pas converti pour autant, car il a considéré cela comme un effet de groupe. Et il cherche des explications, il rationalise, la science expliquera…
Le miracle de Cana est un signe. C’est un miracle pour qui veut découvrir un signe.
Notre volonté, notre liberté sont sollicitées par ce signe : il ne s’impose pas à nous.
Soyons dons attentifs à cela. Cette année, demandons au Seigneur qu’Il nous soutienne, car Il le fait par des rencontres, par des événements, par des signes qui nous appellent à un changement, à nous mettre en route pour être les témoins d’un dieu qui nous appelle des ténèbres à son admirable lumière,
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre d’Isaïe 60,1-6.
- Psaume 72(71),1-2.7-8.10-11.12-13.
- Lettre de saint Paul Apôtre aux Éphésiens 3,2-3a.5-6.
- Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 2,1-12 :
Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent :
« Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui. »
En apprenant cela, le roi Hérode fut bouleversé, et tout Jérusalem avec lui. Il réunit tous les grands prêtres et les scribes du peuple, pour leur demander où devait naître le Christ.
Ils lui répondirent : « À Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète :
‘Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Juda, car de toi sortira un chef, qui sera le berger de mon peuple Israël.’ »Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue ; puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : « Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, venez me l’annoncer pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui. »
Après avoir entendu le roi, ils partirent. Et voici que l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient les précédait, jusqu’à ce qu’elle vienne s’arrêter au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant.
Quand ils virent l’étoile, ils se réjouirent d’une très grande joie.
Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe.Mais, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.