Texte de l’homélie :
Frères et sœurs bien-aimés, quelle est la première grande fête chrétienne qu’ont célébrée les premiers chrétiens ?
De la fête de Pâques à celle de Noël
Vous savez que c’est la fête de Pâques.
En effet, la résurrection du Christ a vraiment représenté un avant et un après dans la vie des apôtres. Eux si timorés avant la mort de Jésus connaissent un bouleversement total. A partir de la résurrection et la Pentecôte, ils considèrent comme un honneur d’être maltraités pour le nom de Jésus. Ils ne se lassent pas d’annoncer la mort et la résurrection du Christ. C’est là le premier embryon de l’évangile qui sera proclamé partout. De fait, la fête de Pâques est la première fête dans le calendrier chrétien.
Assez vite, les apôtres élargissent leur prédication : ils ne parlent pas seulement de sa mort et de sa résurrection mais aussi de toute sa vie publique. En effet toutes les paroles du Christ reçoivent une lumière et une confirmation nouvelles par sa mort et sa résurrection.
Dans un troisième temps, leur attention se porte sur la naissance et l’enfance du Christ. En effet, comment le Christ aurait-il pu mourir et ressusciter s’il n’avait auparavant reçu une chair humaine dans le sein de Marie.
Ce qui s’est passé assez rapidement pour la rédaction de l’évangile a mis plus de temps à s’imposer dans la liturgie et plus encore dans la spiritualité. C’est au IVe siècle que la fête de Noël a pris une forme définie. Mais il faudra attendre le Moyen Âge pour que se développe l’atmosphère spirituelle particulière et intense qui entoure Noël (cf. Benoît XVI, catéchèse du 23 décembre 2009 et homélie du 24 déc 2011).
Au retour de son séjour en Terre Sainte, François d’Assise a voulu rendre tangible, palpable, le mystère de l’incarnation du Seigneur. C’est ainsi que lui est venue l’idée – en 1223 – d’organiser la première crèche vivante de l’histoire. Il a choisi pour cela le site de Greccio. Il ne s’agissait plus tellement de célébrer une vérité hautement théologique mais de toucher du doigt la proximité de Dieu, l’humanité de Dieu avec tout ce que cela comporte de tendresse, d’humilité et de joie toute simple.
Comme le dit saint Paul à Tite :
« Dieu, notre Sauveur, a manifesté sa bonté et son amour pour les hommes. » (Tite 3, 4)
C’est ce qui avait bouleversé François d’Assise et qu’il a voulu transmettre :
Du Dieu vainqueur au Dieu humble
Bien entendu, cette découverte du mystère de Noël n’enlève rien à la grandeur de la fête de Pâques qui reste la plus grande fête des chrétiens.
La fête de Pâques nous assure de la victoire de l’amour de Dieu sur la mort et le péché. Par la mort et la résurrection du Seigneur, nous sommes sauvés. Cela nous ouvre une grande espérance comme l’écrit magnifiquement saint Paul aux Romains :
Qui pourra condamner ? Le Christ Jésus est mort ; bien plus, Il est ressuscité, Il est à la droite de Dieu, Il intercède pour nous : alors, qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? la détresse ? l’angoisse ? la persécution ? la faim ? le dénuement ? le danger ? le glaive ? (…)
« En tout cela nous sommes les grands vainqueurs grâce à celui qui nous a aimés. J’en ai la certitude : ni la mort ni la vie, ni les anges ni les Principautés célestes, ni le présent ni l’avenir, ni les Puissances, ni les hauteurs, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur. » (Rm 8, 34-39)
La fête de Pâques nous permet de dire comme Saint Paul :
« Je sais en qui j’ai mis ma foi. » (2 Tm 1, 12)
Cela nous donne une véritable assurance dans le combat.
La fête de Noël nous permet de nous approcher du mystère de Dieu par un autre chemin. Ce n’est pas le Dieu vainqueur de la mort et du péché, mais le Dieu tout vulnérable qui se présente à nous sous les traits d’un enfant.
« Avec saint François et sa crèche, ce qui était mis en évidence, c’était l’amour désarmé de Dieu, son humilité et sa bonté, qui se manifestent aux hommes dans l’incarnation du Verbe. (…)
Grâce à saint François, le peuple chrétien a pu percevoir qu’à Noël Dieu est vraiment devenu l’"Emmanuel", le Dieu-avec-nous, dont nous ne sommes séparés par aucune barrière et aucune distance. En cet Enfant, Dieu est devenu si proche de chacun de nous, que nous pouvons le tutoyer et avoir avec lui un rapport de confiance et de profonde tendresse, comme avec un nouveau-né. En effet Dieu-Amour se manifeste en cet Enfant : Dieu vient sans armes, sans force, parce qu’il ne veut pas conquérir de l’extérieur, pour ainsi dire, mais être accueilli par l’homme dans la liberté ; Dieu se fait Enfant désarmé pour vaincre l’orgueil, la violence, la soif de possession de l’homme. En Jésus, Dieu s’est fait pauvre et désarmant pour nous vaincre par l’amour et nous conduire à notre véritable identité. » (Benoît XVI 23 déc 2009)
Notre grâce de Noël ?
Dieu se plaît à accorder des grâces à l’occasion de la fête de Noël. Thérèse de Lisieux et Paul Claudel ont reçu une grande grâce un jour de Noël. Mais plus largement, la contemplation de la crèche nous enseigne une nouvelle façon de vivre et d’aimer.
Voici trois choses que nous pouvons apprendre de l’enfant de la crèche :
Attention aux autres
Si le Verbe de Dieu s’est fait chair, si Jésus s’est fait petit bébé, ce n’est pas pour lui, c’est pour nous. Il ne lui manquait rien dans le Ciel. Il aurait pu rester indifférent à notre sort. Mais Dieu ne sait pas être indifférent. Voilà une première chose que l’enfant de la crèche peut nous accorder : briser notre indifférence, sortir de notre narcissisme, nous apprendre l’attention à l’égard de ceux qui souffrent, … selon la parole de Saint Paul :
« Que chacun de vous ne soit pas préoccupé de lui-même, mais plutôt des autres. » (Ph 2, 4)
Tendresse
L’enfant de la crèche ne se situe pas dans un rapport de force avec nous. Il est tout désarmé. Il n’a rien pour nous impressionner. Ce n’est pas compliqué d’entrer en rapport avec Lui car Il est humble. Il nous oblige à un chemin de simplification pour nous ramener à l’essentiel, à plus de tendresse, plus d’humanité, … Devant Lui, nous sommes invités à relativiser nos grands projets (tour de Babel), nos grandes théories, qui nous éloignent souvent des personnes concrètes.
« Revêtez-vous de tendresse et de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience. » (Col 3, 12c)
Bienveillance
Personne ne se sent jugé par un bébé. Comme Jésus l’a répété à diverses reprises, il n’est pas venu pour juger mais pour sauver. Voilà une chose que Jésus veut peut-être nous enseigner par sa crèche : ne pas porter un regard jugeant sur les personnes qui s’adressent à nous car le jugement abîme la relation et engendre des conflits. À l’inverse la bienveillance permet aux personnes d’être elles-mêmes, et de donner le meilleur d’elles-mêmes sans crainte d’être jugées, critiquées ou moquées.
Comme le dit le pape François, la maladie de ce monde est « la cardiosclérose », c’est-à-dire « l’incapacité de ressentir de la tendresse ». La contemplation de l’enfant de la crèche est un bon remède à cette maladie.
Qui est plus proche de la crèche que Marie ! Elle sait mieux que quiconque que Jésus n’est pas une idée. Elle sait mieux que quiconque que l’amour de Dieu est une réalité bien tangible et non pas une déduction spéculative. La première, Elle a non seulement contemplé la bonté de Dieu mais a pu avoir avec Lui une relation de confiance et de profonde tendresse.
Que la bonté et la tendresse qui émanent de l’enfant de la crèche, coulent en nous comme un fleuve pour irriguer ce monde si bouleversé et malade, qui a tant besoin de faire l’expérience de la bonté et de la tendresse de Dieu.
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre d’Isaïe 9,1-6.
- Psaume 96(95),1-2a.2b-3.11-12a.12b-13.
- Lettre de saint Paul Apôtre à Tite 2,11-14.
- Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 2,1-14 :
En ces jours-là, parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre- ce premier recensement eut lieu lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie.
Et tous allaient se faire recenser, chacun dans sa ville d’origine.
Joseph, lui aussi, monta de Galilée, depuis la ville de Nazareth, vers la Judée, jusqu’à la ville de David appelée Bethléem. Il était en effet de la maison et de la lignée de David.
Il venait se faire recenser avec Marie, qui lui avait été accordée en mariage et qui était enceinte.
Or, pendant qu’ils étaient là, le temps où elle devait enfanter fut accompli.
Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune.
Dans la même région, il y avait des bergers qui vivaient dehors et passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux.
L’ange du Seigneur se présenta devant eux, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d’une grande crainte.
Alors l’ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple :
Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur.
Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. »
Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant :
« Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime. »