Homélie de la fête patronale de la Congrégation

17 janvier 2022

Les lectures choisies pour ce jour sont celles de la fête du Cœur Immaculé de Marie, Refuge des pécheurs.

« Voici que la vierge concevra et elle mettra au monde un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel, qui se traduit : « Dieu avec nous »

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Texte de l’homélie :

Comme je vous le disais au commencement de cette célébration, ce n’est pas la liturgie du deuxième dimanche du Temps Ordinaire que nous allons célébrer, mais la fête patronale de la Congrégation, le Cœur Immaculé de Marie, Refuge des pécheurs.
Et, dans le titre même de cette fête, il peut apparaître une sorte d’incohérence : cœur immaculé / pêcheurs. Et l’on se demande en quoi Marie, comme elle est immaculée, n’aurait à voir avec les pêcheurs ?

Mais, cela nous invite à tordre le cou aux idées toutes faites, c’est tout l’inverse ! Plus on est proche de Dieu, plus on se sent solidaire des autres. Plus on est pécheur, plus on est dans la division. Plus on est dans l’isolement, plus on est dans le rejet des autres.

Et donc, Marie est Refuge des pécheurs parce qu’Elle est immaculée, parce qu’il n’y a pas de trace de la faute originelle dans son cœur ni dans sa manière d’agir ? C’est l’expérience de la miséricorde de Dieu.

La miséricorde de Dieu ce n’est pas un encouragement au mal. Ce n’est pas l’idée de faire le mal car je serai pardonné de toutes les façons. Non, la miséricorde de Dieu agit comme un terme, une fin qui est mis au mal. Le péché ne passe pas : « Tu n’iras pas plus loin ! tu ne passeras pas ! »
En Marie, le mal ne passe pas parce que, par la grâce de Dieu, par la grâce du Saint-Esprit, parce qu’Elle est comblée de grâce dès Sa conception, le péché n’a pas prise. Elle est donc un refuge

Il est d’ailleurs intéressant de relever la mention aux refuges dans la bible. Tout d’abord, il en est souvent question dans les psaume, comme vous savez bien. On parle ainsi de Dieu :

« Tu es est notre refuge ! »

On voir ce mot « refuge » apparaître régulièrement dans les psaumes à propos de Dieu.

Mais, il y avait aussi ce que l’on appelle des « villes refuges », comme c’est le cas d’Hébron ou Sichem. Quand quelqu’un avait commis un crime ou un délit et qu’il était poursuivi pour une vengeance, s’il rentrait dans une de ces villes refuges - qui était bien indiquées - il n’y avait pas de vengeance de sang, c’est-à-dire qu’il n’était pas châtié immédiatement pour son crime ou son délit. Il pouvait alors reprendre force. En revanche, ces villes étaient aussi appelée des villes lévitiques, c’est-à-dire qu’elles étaient régies par la loi juive. Elles étaient donc soumises à la justice exercées par des hommes religieux qui siégeaient et qui rendaient la justice au tribunal, un tribunal religieux.

C’est donc intéressant de dire que l’on voit Marie comme un refuge. Cela signifie qu’auprès d’Elle, on peut reprendre force reprendre force. Auprès du Seigneur, on peut refaire ses forces quand on se décourage de nous-mêmes.

C’était le cas de l’Abbé Desgenettes - comme je vous l’ai dit en introduction de cette eucharistie - qui, en mille huit cent seize, a confié sa paroisse Notre-Dame-des-Victoires au Cœur Immaculé de Marie tellement il était désespéré de ne pas voir de fidèles à ses offices.
Il a pris refuge en Marie, il a repris forces.

Et nous qui parfois n’avons pas confiance dans la miséricorde parce que nous pensons que nous ne sommes pas suffisamment aimables, que nous ne sommes pas suffisamment appréciables, nous nous trouvons des défauts par manque de confiance en nous, par dévalorisation nous-mêmes ou encore par les fautes que nous avons commises, nous trouvons là une halte, un refus en Marie quand nous nous mettons à Son école.

Et je trouve que c’est beau que le Père Lamy ait donné cette fête patronale à la Congrégation, parce que ça dit aussi le charisme d’une communauté. Une fête patronale, ce n’est pas juste une date dans un calendrier, même si cela compte en soi, mais c’est l’expression d’un charisme.
Ainsi, nous pouvons nous demander ce que cela dit de notre communauté des Serviteurs de Jésus et de Marie ? qu’est-ce que ça dit de son charisme et de sa mission ?

Et, si l’on prend cette notion de refuge, je trouve justement que nos maisons - qu’elles soient ici en Picardie, en Alsace ou en Argentine - sont des refuges des refuges spirituels, des endroits où l’on peut reprendre pied dans un monde qui ignore Dieu.

Comme nous le savons bien, un sondage qui a été fait récemment révèle plus de cinquante pour cent de nos concitoyens affirme ne pas croire de ne pas croire en Dieu. Dans notre société, avec la sacro-sainte laïcité, parler de la foi est mal vu, ou bien on se moque. Évoquer les questions religieuses est difficile, ce qui fait que quand on est croyant, on peut se sentir seul et abandonné, voire découragé d’être dans un monde comme celui-ci.
Modestement, nos communautés se veulent être, à l’image de Marie, un refuge pour toutes celles et tous ceux qui viennent et qui frappent à leur porte, que ce soit pour recevoir un accompagnement que ce soit pour vivre une communion de prière, recevoir un enseignement, mais aussi bénéficier de soutien de la part des frères à l’extérieur de la communauté.

L’aspect marial de la congrégation est très important parce que justement, c’est ce contact avec les âmes, cette grâce qui nous est donnée de s’approcher les uns des autres en envoyant d’abord l’image de Dieu, en ayant cette conscience que le Seigneur habite le cœur de cette personne qui vient nous solliciter ou à la rencontre de laquelle nous allons dans les missions de rue, dans les patronages, dans les différentes aumôneries que nous accompagnons.
Nous avons fait nous-mêmes cette expérience spirituelle d’avoir été accueillis dans un refuge parce qu’être religieux, ce n’est pas être meilleur que les autres. Être religieux, c’est avoir fait l’expérience d’une miséricorde.

L’appel, c’est une miséricorde qui a été faite pour notre vie, c’est une grâce qui a été faite pour notre vie. Et parce que nous sommes nous-mêmes les premiers bénéficiaires de la miséricorde de Dieu par l’appel que nous avons reçu, malgré nos défauts, malgré nos péchés, malgré nos défaillances, nous avons trouvé en Marie un refuge. Et, comme communauté, nous voulons témoigner de cela aussi auprès du monde, de dire : « Ne désespérait pas de vous-même, ne désespérez pas du monde dans lequel nous sommes. Tournez votre regard vers Dieu ! »

Et il est intéressant de voir que l’évangile commence ainsi :

« Voici quelle fut l’origine de Jésus-Christ »

Ainsi, au tout début de l’évangile, Saint Matthieu nous invite à tourner notre regard vers l’origine, et l origine c’est Dieu évidemment.

« Tournez votre regard vers le Seigneur et vous serez sauvés. »
« Qui regarde vers Lui resplendira sans ombre ni trouble au visage. »

C’est cette invitation qui nous est faite à travers cette célébration, cette fête patronale, de tourner notre regard vers Celui qui à l’origine de toutes choses et qui, comme le dit de façon admirable la première lecture dans le livre de la Sagesse, a pitié de tous les hommes :

« Tu as pitié de tous les hommes parce que tu peux tout.
Tu fermes les yeux sur leurs péchés pour qu’ils se convertissent. »

C’est très beau de savoir que si nous désespérons parfois de nous-mêmes, de nos manques, de nos défaillances et de nos fragilités, de notre caractère, nous n’y arriverons jamais. Si nous nous décourageons de nous-même, Marie, elle ne se décourage pas de nous parce qu’Elle a, comme personne humaine, expérimenté cet amour miséricordieux de Dieu, cette puissance de la miséricorde sur le mal.
C’est pour cela que toute personne humaine peut trouver en Elle son refuge.

Ce sont des choses que nous savons, mais il est juste d’en reprendre conscience, de revisiter ces réalités spirituelles. C’est aussi l’occasion pour nous, comme religieux, d’entendre résonner à nouveau l’appel que nous avons reçus et de la grâce de notre communauté, de son charisme qui a à voir justement avec cette expérience de miséricorde, de compassion et d’accueil de l’autre dans la situation dans laquelle il se trouve.
Qu’elle que soit la situation de la personne, même si parfois elle se trouve très loin du Seigneur, nous allons, comme le Père Lamy le faisait dans ses paroisses au moyen de ses patronages, à la recherche de la brebis égarée Nous allons à la recherche de l’âme qui s’est parfois perdue pour pouvoir la rapprocher de son origine, c’est à dire de cette image et de cette ressemblance.

Alors oui, c’est une très belle une très belle fête que celle du Cœur Immaculé de Marie, car elle nous redonne confiance à un moment donné où l’Église est bien bousculée. Le temps où l’Abbé Desgnettes était différent mais il avait aussi ses combats et l’on peut faire la comparaison de ces deux mondes. Quels sont les temps où l’Église n’a pas été bousculée ? L’époque la plus grandiose a sans doutes été celle de la construction de cet édifice et encore il y a eu des difficultés particulières liées à l’expansion du Christianisme et à l’apparition de la vie monastique.
A ce sujet, j’aime bien cette phrase de Saint Augustin :

« Soyez saints et les temps seront saints !
Soyez bons et les temps seront bons ! »

Il y a un danger regarder en arrière et à dire « c’était mieux avant ». Ce n’est absolument pas c’est pas un regard marial, cette sorte de nostalgie d’une forme de paradis terrestre qui n’est plus, de ce qui n’est pas une réalité. Nous ne croyons pas au paradis terrestre non plus, c’est même une notion qui s’oppose à la foi Chrétienne. Nous le savons car cela a été proposé dans des idéologies et des bains de sangs extraordinaires…

Non, nous croyons que, dans la fragilité de nos existences, dans ce monde qui est blessé par le péché, il y a une femme qui a bénéficié d’une grâce extraordinaire d’être la mère du Christ. Elle l’a reçue par anticipation, et vivre à la suite de Marie, c’est vivre par anticipation. Elle a bénéficié de cette grâce d’être sauvée, c’est la première des sauvés, vous connaissez bien ce chant « La première en chemin ». C’est vraiment ce que cela signifie : c’est la première des sauvés.
De même, « Sous ton voile de tendresse nous nous réfugions », comme nous avons chanté au début de cet office.

Donc, pour que nous ne désespérions pas de la nature humaine, Marie nous a été donnée comme refuge. Alors, nous allons demander avec vous que de nombreux hommes nous rejoignent dans cette vocation dans cette belle vocation de témoigner de la miséricorde en Marie et de conduire à Dieu par Marie. Nous nous confions à vos prières pour que le Seigneur en appelle d’autres, à nous rejoindre. Et nous vous assurons également de notre prière. Cette communion de prière offre un précieux soutien spirituel, elle est là au rendez-vous.
C’est précisément cette vocation qui nous a été donnée d’être des témoins ici, modestement, là où nous sommes, avec le petit troupeau que nous formons. Nous voulons être des témoins d’un Dieu qui nous appelle des ténèbres à Son admirable lumière,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de la Sagesse 11, 23 - 12, 2.
  • Psaume 1 Sam 2.
  • Première lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 5,12. 17 à 19.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 1, 18-25 :

Voici quelle fut l’origine de Jésus-Christ : Marie, la mère de Jésus, avait été accordée en mariage à Joseph.
Or, avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l’action de l’Esprit-Saint.

Joseph, son époux, qui était un homme juste, ne voulait pas la dénoncer publiquement. Il décida de la répudier en secret.

Il avait formé ce projet lorsque l’Ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie ton épouse. L’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit-Saint. Elle mettra au monde un fils auquel tu donnera le nom de Jésus, c’est à dire, « Le Seigneur sauve ». Car, c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés.

Tout cela arriva pour que s’accomplit la parole du Seigneur prononcée par le prophète : « Voici que la vierge concevra et elle mettra au monde un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel, qui se traduit : « Dieu avec nous ».

Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’Ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse.