Enracinement dans la vocation
Pour saint Paul, comme pour beaucoup de saints, c’est d’abord l’enracinement dans sa propre vocation qui va être le moteur de l’évangélisation.
Faire mémoire du don de Dieu va nous remettre face à notre finalité.
C’est ainsi que Paul s’adresse à Timothée :
« C’est pourquoi je t’invite à raviver le don spirituel que Dieu a déposé en toi par l’imposition de mes mains. Car ce n’est pas un esprit de crainte que Dieu nous a donné, mais un Esprit de force, d’amour et de maîtrise de soi.
Ne rougis donc pas du témoignage à rendre à notre Seigneur, ni de moi son prisonnier, mais souffre plutôt avec moi pour l’Évangile, soutenu par la force de Dieu, qui nous a sauvés et nous a appelés d’un saint appel, non en considération de nos œuvres, mais conformément à son propre dessein et à sa grâce. » (2 Tim 1, 6-9)
Lui-même fera mention de sa propre vocation pour encourager ses auditeurs dans l’annonce de l’Évangile.
Disproportion de la vocation
Un écueil qui guette l’évangélisateur c’est le découragement : se sentir indigne de sa mission et incapable de l’accomplir…
Lorsqu’il s’adresse aux Corinthiens, Paul rappelle que le don vient de Dieu et non pas de qualités humaines.
« Aussi bien, frères, considérez votre appel : il n’y a pas beaucoup de sages selon la chair, pas beaucoup de puissants, pas beaucoup de gens bien nés.
Mais ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les sages ; ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre ce qui est fort ; ce qui dans le monde est sans naissance et ce que l’on méprise, voilà ce que Dieu a choisi ; ce qui n’est pas, pour réduire à rien ce qui est, afin qu’aucune chair n’aille se glorifier devant Dieu. » (1 Co 1, 26-29)
Fécondité apostolique des difficultés du ministère
Nous le savons, l’Apôtre de Nations a connu de très nombreuses difficultés dans son ministère. Il en témoigne à plusieurs reprises particulièrement aux chrétiens de Corinthe :
« Nous sommes pressés de toute part, mais non pas écrasés ; ne sachant qu’espérer, mais non désespérés ; persécutés, mais non abandonnés ; terrassés, mais non annihilés. Nous portons partout et toujours en notre corps les souffrances de mort de Jésus, pour que la vie de Jésus soit, elle aussi, manifestée dans notre corps. Quoique vivants en effet, nous sommes continuellement livrés à la mort à cause de Jésus, pour que la vie de Jésus soit, elle aussi, manifestée dans notre chair mortelle.
Ainsi donc, la mort fait son œuvre en nous, et la vie en vous. Car tout cela arrive à cause de vous, pour que la grâce, se multipliant, fasse abonder l’action de grâces chez un plus grand nombre, à la gloire de Dieu. » (2 Co 4, 8-14)
Pour Paul les difficultés sont vécues pour d’autres. Elles sont offertes pour que d’autres puissent naître à la vie de Dieu. Nous sommes prêtres ou diacres pour les autres. Pour eux je me consacre.
Cela veut dire que nous sommes appelés à traverser les épreuves sachant qu’elles porteront du fruit si nous vivons dans un esprit de foi.
La Croix au cœur de la prédication
« L’apôtre du Christ crucifié ». C’est ainsi aussi que l’on pourrait définir Saint Paul. Pour Lui la prédication de la Croix est au cœur du mystère chrétien. Écoutons-le à nouveau prononcer des mots d’une force inouïe.
« Car le Christ ne m’a pas envoyé baptiser, mais annoncer l’Évangile, et cela sans la sagesse du langage, pour que ne soit pas réduite à néant la croix du Christ.
Le langage de la croix, en effet, est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui se sauvent, pour nous, il est puissance de Dieu. Car il est écrit : Je détruirai la sagesse des sages, et l’intelligence des intelligents je la rejetterai.
Où est-il, le sage ? Où est-il, l’homme cultivé ? Où est-il, le raisonneur de ce siècle ? Dieu n’a-t-il pas frappé de folie la sagesse du monde ? » (1 Co 1, 17-20)
Dans un monde basé sur le plaisir et le culte de l’épanouissement personnel, nous avons bien du mal à annoncer un Messie crucifié. Pourtant enlever la Croix c’est aussi enlever l’espérance pour les plus éprouvés d’entre nous. Les lieux de souffrance sont des lieux théologiques qui disent quelque chose sur Dieu. Notre temps connaît de nouvelles formes de souffrance. Je pense aux divorcés remariés face auxquels on peut, soit esquiver en ne répondant pas à leurs questions, soit brader en bénissant des unions illicites.
Je pense aussi aux personnes fragiles psychologiquement qui, de plus en plus nombreuses, viennent dans nos communautés et nos paroisses pour trouver un soutien.
Avons-nous, face à ces nouvelles souffrances, l’audace de Paul qui reconnaît dans la Croix la puissance de Dieu ?
Nécessité de s’identifier pour annoncer l’Évangile
L’évangélisation ne se fait pas sans une dimension d’incarnation.
Se faire tout à tous pour en sauver à tout prix quelques-uns (cf. 1 Co 9, 15-22). C’est l’axe que Paul a pris pour annoncer l’Évangile.
S’identifier à la manière de Charles de Foucauld, des prêtres ouvriers… en rentrant le plus possible dans la pâte humaine.
Mais cette dimension horizontale s’accompagne d’une vraie transcendance : « pour en sauver quelques-uns ». L’Église oscille souvent entre ces deux pôles. Tantôt la proximité au risque de perdre la verticalité, tantôt l’absolu de Dieu dans la beauté de la liturgie et l’annonce explicite au détriment d’une dimension plus sociale et humaine.
C’est l’Esprit Saint qui nous donnera de trouver la bonne mesure. Cet Esprit qui fait de nous des fils et nous permet d’appeler Dieu « Père ».