L’année écoulée nous a donné l’occasion de rendre grâce pour nos prêtres. P. Éric et Fr. Jean-Pierre se sont rendus à Rome pour la clôture de l’année sacerdotale afin de vivre ce moment de fête et de réflexion avec le Saint-Père. En communauté, nous avons eu la joie de participer à l’ordination de notre frère Raphaël ainsi qu’à sa première messe à Notre-Dame des Bois. Et bien entendu, nous nous sommes rendus en pèlerinage chez le patron des curés à Ars.
À la lumière de tous ces événements, j’aimerais ébaucher avec vous une réflexion sur le sacerdoce dans la vie religieuse, et singulièrement dans notre Congrégation.
Le sacerdoce vécu dans la vie religieuse invite celui qui le reçoit à regarder la fécondité, non pas en terme de rentabilité, mais de grâce. Je suis prêtre non pas pour présider des assemblées, faire tant de baptême par semaine ou prêcher deux heures par jour… Je suis prêtre pour rendre présent l’unique sacerdoce du Christ dans son Église. Le sacrement de l’ordre est tout à fait en consonance avec la vie religieuse. Notre père Jean (qui était prêtre diocésain avant d’entrer chez nous) me partageait dans ce sens :
Devenir religieux suppose une volonté d’intériorité : il faut que Jésus y gagne. Ce qui a changé au début [de ma vie religieuse] c’est l’exigence de la prière et de la vie commune. Avant j’étais maître de mon temps, c’était le ministère qui était au centre. Avec le temps, le changement le plus important me semble être l’intériorisation. »
Ce que père Jean nous dit là de son expérience rejoint ce que le Magistère de l’Église attend des religieux prêtres : « Quant aux prêtres qui font profession des conseils évangéliques, l’expérience montre que le sacrement de l’Ordre reçoit une fécondité particulière de cette consécration, du fait qu’elle est une exigence et un appui pour un lien plus étroit avec le Seigneur. » (1)
Notre sacerdoce s’éclaire à la lumière de notre charisme. Ce charisme s’exprime notamment par notre nom de Serviteur. Le mot ’ministre’ ne signifie-t-il pas précisément service ? Souvent les gens imaginent dans notre communauté des échelons à grimper : au début postulant, ensuite ’simple’ frère, ensuite prêtre, ensuite supérieur, ensuite évêque… enfin pape ?!
La logique du Christ ne va pas dans ce sens ! S’il y a un avancement, ce doit être dans le sens d’un abaissement, en suivant Jésus ’lui qui de condition divine… s’est fait serviteur’ (2).
Comment s’exprime ce charisme du service ? En nous mettant au service de la vie théologale de ceux vers qui nous sommes envoyés. Permettez-moi un exemple plus personnel : chaque mois, j’ai la joie d’aller célébrer la messe pour quelques personnes âgées atteintes de la lèpre. Je n’ai jamais mieux compris mon rôle de prêtre qu’auprès de ces personnes. Ou plutôt, ce sont elles qui m’ont révélé ma mission de prêtre : serviteur de leur Espérance. Vivre ce charisme du service, cela veut dire ne pas oublier les gestes simples de la vie, car je sais qu’ils portent du fruit si je les offre avec foi : « Je suis prêtre même quand j’épluche les pommes de terre », m’écrivait un frère. On pourrait croire que le sacerdoce députe à des tâches suréminentes. Le sacerdoce dans la vie religieuse montre que rien n’est étranger au sacrifice de Jésus sur la croix. Vivre notre charisme de service suppose de suivre l’exemple de Celui qui nous a laissé l’exemple du lavement des pieds (3).
A la suite de Père Lamy, nous voulons être prêtres de la Mère de Dieu. Dans notre prédication nous tâchons d’être serviteurs du Règne de Marie. Voici quelques recommandations de notre fondateur à cet égard :
Ils auront grand soin de son honneur et de son culte, priant chaque jour pour que ses privilèges et son rôle médiateur soient reconnus et prêchés avec plus d’éclat et avec plus de fruit pour les âmes. »
Là encore, servir la mère de Dieu comme prêtre n’est pas à réaliser seulement par des actes extérieurs (prédication, prière du chapelet…) mais par des actes intérieurs. Il s’agit de grandir dans l’intimité de Marie, de vivre les vertus mêmes de la Mère de Dieu que sont les vertus évangéliques : pureté, douceur, humilité, pauvreté…
Enfin, évoquons un dernier élément du sacerdoce dans la vie religieuse : la dimension fraternelle. Nous, religieux conventuels, vivons en communauté. Nous connaissons donc l’usure possible des rapports humains, les tâches quotidiennes répétitives, la joie de la fête et la nécessaire réconciliation dans le cercle d’une vie partagée continûment. Les gens que nous fréquentons sentent cette fibre fraternelle. Père Étienne (notre doyen en vie religieuse) me faisait part : « Les religieuses chez qui je célèbre, préfèrent que ce soit un religieux prêtre qui célèbre pour elles : pour la manière de célébrer. » Notre frère veut parler bien sûr du soin pour la liturgie mais je crois que nous pouvons élargir : notre expérience de la vie fraternelle (avec ses bons et mauvais côtés !) transparaît dans notre sacerdoce. Dans notre vie quotidienne, le sacerdoce manifeste et nourrit notre vie commune chaque fois que nous sommes réunis autour de l’Unique Nécessaire (4).
Les circonstances du décès de notre frère Michel furent un exemple significatif de cette centralité du sacerdoce et de l’eucharistie dans notre vie fraternelle. Nous étions tous réunis pour célébrer la messe du lundi de Pâque 2002. Et c’est durant la prière eucharistique que notre frère a éprouvé sa dernière attaque. Devant la gravité de son état, nous l’avions porté jusqu’à la sacristie tandis que la communauté continuait la célébration de la messe. Tous nous étions unis autour de lui pour l’assister dans ce moment décisif : ceux qui célébraient l’eucharistie et ceux qui lui prodiguaient les derniers soins.
Il y aurait encore beaucoup à dire. Retenons et poursuivons notre prière pour la sanctification des prêtres afin qu’ils manifestent l’amour du cœur de Jésus.
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(1) Vita Consecrata n° 30 (2) Philipiens 2, 5 (3) Jn 13, 1 + (4) Lc 10, 39