Texte de l’homélie
Frères et sœurs, je vous propose une petite méditation sur l’Évangile. Comme la plupart d’entre vous êtes des habitués de la messe dominicale, je me permets de me référer à l’évangile de dimanche dernier. Jean-Baptiste nous y est présenté un peu différemment d’aujourd’hui, un peu comme un excellent VRP, ces Voyageurs Représentants Placiers. On le voyait aller à la rencontre de toutes les personnes, là où elles étaient pour les inviter à préparer les chemins du Seigneur, vraiment partout. Visiblement, sa communication a été très efficace car nous constatons ses fruits jusqu’à aujourd’hui !
« Tout le monde venait à lui ! »
On peut cependant se demander en quoi Jean-Baptiste était si attirant, avec son manteau en poils de chameau et sa nourriture si peu appétissante… ce n’est certainement pas pour son apparence qu’il était si attirant ! Plus encore, sa prédication n’allait pas « dans le sens du poil », elle était sans détour, sans séduction, tout en liberté, avec une parole qui était dans une grande cohérence avec sa vie.
Il est bien possible que ce soit cela qui attirait ces foules si différentes qui venaient de loin : Juifs, païens, soldats, des publicains…
« Que devons-nous faire ? »
Cette demande faite à Jean-Baptiste aujourd’hui de la part des foules, des publicains et des soldats revient avec insistance à trois reprises…
Ainsi, il est important de laisser cette parole retentir en nous.
Naturellement, nous n’aimons pas qu’on nous dise ce que nous devons faire, à commencer par moi ! Déjà, avant d’être adulte, nous préférons décider par nous-mêmes - et ce n’est pas un mal – plutôt que quelqu’un d’autre nous dise ce que nous devons faire.
Et pourtant, frères et sœurs, cette question est posée : "Que devons-nous faire ? ». Et c’est magnifique de voir ces hommes et ces femmes aller vers Jean, à moitié nus, se plonger dans l’eau dans un attitude de totale vulnérabilité. Pourtant, ce sont des publicains et des soldats qui demandent : "Que devons-nous faire ?"
Je me suis alors demandé ce qu’il y a à trouver pour nous, à comprendre dans cette parole. Peut-être qu’il faut apprendre, pour préparer les chemins du Seigneur, à trouver une joie dans notre cœur, à nous dépouiller chacun à notre façon. On le sait, nous avons chacun quelque chose à dépouiller humblement dans notre vie. Ça peut être des attitudes que nous adoptons pour prendre de la hauteur, de personnes que nous pouvons jouer. Et si nous acceptons de nous laisser un petit peu nous dépouiller comme ces soldats, peut-être cette question jaillira-t-elle aussi de notre cœur, ce question vitale : « Que faire Seigneur pour vivre pleinement de notre baptême, mais aussi pleinement humainement ? » « Quel vêtement de tristesse faut-il quitter ? Quel vêtement faut-il que je revête ? » Celui du Christ, pour que ce dimanche soit vraiment dans la joie, la vraie joie.
La question porte donc ici sur ce qu’il faut faire. Certains mystiques disent que l’être est plus important que le faire. Si la vie ne consiste pas à s’épuiser à faire des choses pour le Bon Dieu, ni pour autant à les fuir, Saint Jacques a une parole très claire sur ce sujet :
« Montre-moi ta foi qui n’agit pas, et moi c’est par mes actes que je montrerai ma Foi. »
Il s’agit donc bien de faire et d’agir. Cependant, frères et sœurs, il y a des choses à méditer dans cet évangile : il y a des pièges dans le "faire".
Notons aujourd’hui, tout ce que Jean-Baptiste demande de faire, lui qui est très exigeant avec lui-même et ascétique, avec une parole de conversion tranchante, et le voici dans un simplicité désarmante. A ces personnes qui viennent le voir pour l’interroger, il demande les choses les plus simples qui soient. Il s’agit de partager un petit peu, agir de façon juste, de se contenter d’une solde selon ce qui a été fixé, ni plus ni moins.
C’est comme pour nous encourager à la simplicité au quotidien, à vivre déjà pleinement notre humanité, se convertir pas des petits actes au quotidien, c’est déjà bien. C’est comme si Jésus nous disait avant Noël : « Essaye de parler un peu plus avec bonté à ton conjoint ou avec ton frère », « Essaye de moins rouspéter avec ton voisin qui est pénible », "Gère un peu plus chrétiennement ton argent en partageant plus… »
_Ce sont des petites choses qui libèrent notre cœur et permettent à Dieu de nous donner un joie qui vient de lui et qui dure, qui n’est pas éphémère.
Et si tout le monde appliquait ces petites choses simples, il s’en trouverait changé, il serait déjà plus doux et plus joyeux. Nous pouvons le faire dans nos familles, ou simplement continuer à le faire : s’appliquer à bien faire ce que nous avons à faire, en suivant notre devoir d’état.
Une autre piste intéressante : ne pas faire quelque chose en prenant la place d’un autre, en se mettant au dessus de l’autre. C’est à prendre en compte au sujet du « faire ».
Voyez dans le texte aujourd’hui, Jean-Baptiste qui aurait pu très facilement être identifié pour le Messie :
« Or le peuple était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Christ. »
Quelle gloire pour lui ! et pourtant, humblement, il ne prend pas la place de Jésus, il ne se prend pas pour le Messie . Au contraire, il a tout fait pour inverser la tendance et prenant la parole à ce sujet :
« Vient un autre qui est plus grand et plus fort que moi. »
C’est magnifique, frères et sœurs ! Nous avons là, avant Noël, la nouveauté de l’Évangile : ne pas se contenter de seulement faire les choses, mais laisser dans la Foi le Christ faire avec nous.
Cela rejoint l’expérience de Saint Paul :
« Ce n’est plus moi qui vis mais c’est le Christ qui vit en moi. »
C’est déjà un peu Noël qu’annonce ici Jean-Baptiste. C’est un « faire » qui est bien au-delà du raisonnable, mais qui est possible et qui nous rend capables d’être transformés dans le Christ de façon bonne et profonde.
Quand on laisse vraiment le Christ faire dans notre vie, ce sera beaucoup et tellement mieux que ce que nous pourrions faire, même de meilleur, par nos propres forces. Frères et sœurs, si vous comprenez cette dimension, c’est un énorme point dans notre cheminement.
Il y a un secret à demander à Jésus en préparant Noël, c’est le secret de la vraie joie. Cette deuxième étape de l’Avent qui s’ouvre à partir de mardi, ce n’est pas seulement un temps pour installer nos crèches - comme c’est le cas ici au pied de l’autel, c’est magnifique ! - mais c’est aussi pour que nous nous décidions à ce que nos cœurs soient des crèches vivantes, où Dieu peut vraiment agir dans notre vie, où Jésus devient le centre et la source de nos activités. Il peut ainsi donner consistance à ce que nous faisons…
Cela a des valeurs d’éternité lorsque nous laissons Dieu agir et faire en nous.
Alors, en ce dimanche, frères et sœurs, chacun avec notre vocation et là où nous sommes, avec nos difficultés et nos soucis, demandons cette grâce à Jésus de nous laisser faire par Lui, Lui qui est le seul parfaitement plénitude en nous et qui vient vers nous, à nous, à chaque instant.
Davantage être et devenir ce que nous sommes frères et sœurs, c’est peut-être la clef d’une joie que nous pouvons déjà goûter !
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre de Sophonie 3,14-18a.
- Livre d’Isaïe 12,2-3.4bcde.5-6.
- Lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens 4,4-7.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 3,10-18 :
En ce temps-là, les foules qui venaient se faire baptiser par Jean lui demandaient :
— « Que devons-nous faire ? »
Jean leur répondait :
— « Celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même ! »
Des publicains (c’est-à-dire des collecteurs d’impôts) vinrent aussi pour être baptisés ; ils lui dirent :
— « Maître, que devons-nous faire ? »
Il leur répondit :
— « N’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé. »
Des soldats lui demandèrent à leur tour :
— « Et nous, que devons-nous faire ? »
Il leur répondit :
— « Ne faites violence à personne, n’accusez personne à tort ; et contentez-vous de votre solde. »
Or le peuple était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Christ. Jean s’adressa alors à tous :
— « Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus fort que moi. Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. Il tient à la main la pelle à vanner pour nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera le grain dans son grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. »
Par beaucoup d’autres exhortations encore, il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle.