Homélie du deuxième dimanche de l’Avent

6 décembre 2022

« Moi, je vous baptise dans l’eau, en vue de la conversion. Mais celui qui vient derrière moi est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. »

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Texte de l’homélie

Chers frères et sœurs, pour venir jusqu’à la chapelle, vous avez du faire un petit détour. Sans doutes vous rappelez-vous qu’auparavant, on passait au milieu des ruines. A présent, il y a des panneaux pour avertir du danger : pourquoi ? c’est parce que ce sont des ruines, et que la tendance des ruines, c’est de tomber ! Et ça n’a pas manqué : il y a quelques temps, un moellon de 70 kg de pierre est tombé. Heureusement, grâce à la providence, il n’y a pas eu de blessé…

En effet, il vaut mieux éviter être dessous quand cela arrive. Sinon, cela reste un événement isolé avec des conséquences uniquement liées à l’architecture. Mais, cela nous rappelle une des grandes lois de notre univers : la désagrégation. Un symptôme que tout le monde peut remarquer est que les choses se désorganisent, des désagrègent avec le temps. Les physiciens ont nommé cela la grande loi de l’entropie. Finalement, c’est la loi de la mort qui fait que les choses se décomposent.

C’est tout à fait juste : il n’y a qu’à regarder autour de soi pour être confirmé dans cette opinion. Mais, il y a aussi une autre grande énigme pour les scientifiques : c’est qu’à mesure que le monde avance, il y a comme une très puissance force d’organisation. Plus nous avançons dans l’histoire du vivant, plus nous voyons que les formes sont complexes : de l’unicellulaire aux êtres aquatiques, puis aux vertébrés pour aller jusqu’à l’homme et au surgissement de l’esprit. Quelque chose a conduit à ce surgissement de l’esprit.

Chers frères et sœurs, ce qui est vrai à propos de l’histoire du vivant, c’est vrai aussi à propos de l’histoire de l’humanité. L’histoire de l’humanité est un vrai « capharnaüm », un chaos perpétuel, ce sont des empires qui se détruisent les uns les autres – un empire plus faible laisse la place à un autre - mais au milieu de tout cela, des ruines, des destructions…
Hier, nous étions à Noyon, une ville détruite à 80% après la guerre mondiale. Et si vous regardons l’histoire biblique, c’est la même chose. Mais, que se passe-t-il ?

Notre Foi nous dit que ce mouvement vers la mort n’est cependant pas le seul qui anime l’Histoire. Et l’Écriture a cette très belle image de la souche.
Lors de mes vacances d’été dans les Alpes maritimes, j’ai du participer à l’extinction d’un incendie. Il y en a malheureusement souvent, et de plus en plus, on le sait bien. Et ce qui est frappant, c’est que le feu passe, détruit, mais parfois, un arbre plus robuste résiste - c’est le cas de oliviers - et l’année d’après, on voit des surgeons robustes.
C’est l’image que reprend Isaïe pour évoquer ces deux lois de l’histoire : cette loi de la destruction, et cette loi du surgissement de la vie également.

Mais, si nous sommes honnêtes avec nous-même, nous admettrons que cette loi du surgissement de la vie n’est pas du tout évidente. C’est quelque chose qui nous est caché.
Et nous pouvons nous demander de quoi nous avons besoin pour lire l’histoire de cette manière-là ? L’Écriture est bien le grand décodeur qui peut nous aider à le faire. Elle va nous permettre de regarder l’histoire de l’humanité d’une autre façon.

Selon ce que dit Saint Paul dans la deuxième lecture :

« Frères, tout ce qui a été écrit à l’avance dans les livres saints l’a été pour nous instruire, afin que nous ayons l’Espérance. »

Oui, si nous regardons l’histoire du monde, nous sommes plongés dans la désespérance. A l’inverse, si nous nous laissons éduquer par l’Écriture, notre regard change et nous pouvons être dans l’Espérance. Il y a une force dans l’Histoire qui laisse sa marque. Dieu conduit tout cela et tout cela tend à faire en sorte que l’Homme puisse un jour accueillir son sauveur, son Messie.

C’est très bien, certes, mais cela reste lointain. Mais qu’en est-il de nos vies ? N’est-ce pas un peu la même chose ? Nos vies sont entraînées vers la mort et nous le savons bien, nous allons un jour nous décomposer. Saint Paul le dit avec ces mots : « Notre être extérieur va vers la ruine »… Le phénomène d’entropie va s’appliquer à nous. Mais admettons qu’il y a quelque chose de plus grave encore : c’est que ce phénomène de déperdition et de désorganisation semble s’appliquer à notre vie morale. Si je laisse aller, je vais aller vers le vide, vers la mort spirituelle. Et, comme le dit très justement l’oraison :

« Si je m’abandonne au péché -si je n’y résiste pas - il aura part sur moi, et il me conduira au néant. »

Il y a aussi comme un fleuve de boue qui peut m’entraîner, à la manière de ces torrents extrêmement puissants que l’on a vu lors de la tempête Alex, et qui emportent tout sur leur passage, on se souvient des effets et des séquelles de ce terrible cataclysme. On appelle cela la loud dans la Cordillère des Andes… Nous pouvons tous noues laisser entraîner par cela.

Autrement dit, qui reste passif est entraîné vers la mal. Et j’aime cette belle devise d’un grand Maréchal pendant la deuxième guerre mondiale :

Subir serait s’abandonner à ses passions, à toutes les facilité et les malhonnêtetés que propose notre monde, et peut-être, plus encore le péché le plus grave serait le péché par omission, celui de ne rien faire. Le grand péché, disait une philosophe, serait de ne pas vouloir.
Mais il ne faut pas s’arrêter là. Résister au péché, résister au mal ne suffit pas et n’est pas très intéressant.

Prenons une autre image pour illustrer cela. J’ai eu la chance de faire l’ascension d’un sommet dans les Alpes il y a quelques temps. Et le guide avec lequel j’étais avait été employé par l’armée. Il habitait du côté de Chamonix et il était envoyé dans les montagnes de l’Everest pour tester le nouveau matériel de l’armée. Il devait se jeter de sommets de 7000 m pour vérifier la fiabilité de parapentes. Et il disait que le plus important était d’attraper la thermique. Il s’agit de la colonne d’air plus chaude qui permet au parapente de monter et de franchir les cols, et ne pas s’écraser contre les parois.

Ainsi, chers frères et sœurs, il ne suffit pas de résister dans notre vie spirituelle, mais il faut attraper les thermiques, cet élan de l’Esprit qui nous pousse vers le haut et qui nous évite de nous écraser. C’est bien là la beauté de notre vie chrétienne : choisir entre la loud, entre le torrent de boue, et la thermique. Il faut s’abandonner, mais en choisissant bien son abandon… Ce n’est pas n’importe quel abandon qui est bon.

Mais, cela nécessite une conversion. Voyez, les personnes qui viennent auprès de Jean cherchent à être baptisés par lui dans l’eau, afin de purifier leur cœur. Tu ne peut pas être plongé dans ce torrent de feu qui amène le Christ si auparavant tu n’es pas passé par l’eau, si avant tu n’as pas enlevé tous les obstacles – ou du moins quelques uns – sinon l’Esprit Saint ne pourra pas te bouger parce que tu es trop paralysé par le péché…

Alors oui, il faut passer par cette étape là. Certes, ces paroles sont dures, mais il est bon que nous les entendions : où en es-tu de ton orgueil ? Et, comme il dit aux Pharisiens :

« Engeance de vipères… »

Où en es-tu de ta sensualité, où en es-tu de ta paresse ? Enlève donc tous ces obstacles qui t’empêchent de te plonger dans le torrent de feu.

Frères et sœurs, il est bon que le baptême se passe dans un torrent, dans ce fleuve qui s’appelle le Jourdain, dont l’étymologie veut dire « ce qui descend », « ce qui t’emporte »…

Voici la conversion que nous pouvons opérer pendant ce temps de l’Avent : cultiver ce regard de foi et d’espérance, pour voir ces torrents de feu qui passent dans nos vies et dans le monde. Cultiver cette espérance qui est le propre des jeunes et de nous, les adultes, à travers un regard lucide sur ce monde mais parfois désabusé et tellement inquiet, nous pouvons abîmer leur espérance…
Il faut que nous recevions d’eux cette faculté à voir le monde comme aussi mu par ces forces positives. C’est ce que nous allons demander à la Vierge-Marie, plus jeune que le péché,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Isaïe 11,1-10.
  • Psaume 72(71),1-2.7-8.12-13.17.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 15,4-9.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 3,1-12 :

En ces jours-là, paraît Jean le Baptiste, qui proclame dans le désert de Judée :
« Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. »
Jean est celui que désignait la parole prononcée par le prophète Isaïe : ‘Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers.’
Lui, Jean, portait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins ; il avait pour nourriture des sauterelles et du miel sauvage.
Alors Jérusalem, toute la Judée et toute la région du Jourdain se rendaient auprès de lui, et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain en reconnaissant leurs péchés.
Voyant beaucoup de Pharisiens et de Sadducéens se présenter à son baptême, il leur dit :
« Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ?
Produisez donc un fruit digne de la conversion. N’allez pas dire en vous-mêmes : “Nous avons Abraham pour père” ; car, je vous le dis : des pierres que voici, Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham.
Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu.
Moi, je vous baptise dans l’eau, en vue de la conversion. Mais celui qui vient derrière moi est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. Il tient dans sa main la pelle à vanner, il va nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera son grain dans le grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. »