Homélie du deuxième dimanche de l’Avent

9 décembre 2019

« Moi, je vous baptise dans l’eau, en vue de la conversion.
Mais celui qui vient derrière moi est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. »

Écouter l’homélie

Chers frères et sœurs, l’Avent est le temps par excellence de l’espérance. Voici tout d’abord l’une des formulations de l’acte d’espérance :

« Mon Dieu, j’espère avec une ferme confiance que tu me donneras, par les mérites de Jésus Christ, ta grâce en ce monde et, si j’observe tes commandements, le bonheur éternel dans l’autre, parce que tu l’as promis et que tu tiens toujours tes promesses. »

À partir des lectures de ce jour, je voudrais m’arrêter sur trois des éléments caractéristiques de l’espérance : promesse, Jésus, conversion.

La promesse

L’une des différences essentielles entre un espoir humain et l’espérance concerne la promesse. Dans l’espoir humain, on projette ses désirs en espérant qu’ils vont se réaliser ; dans l’espérance, on s’attache aux promesses de Dieu en croyant qu’elles vont se réaliser. C’est très différent. Dans le premier cas, on reste centré sur soi-même et ses désirs ; dans le deuxième cas, on se décentre de soi-même pour découvrir ce que Dieu a promis.

Nous sommes invités à scruter les Écritures et à y trouver persévérance et réconfort comme le dit saint Paul dans la deuxième lecture. Notre espérance se nourrit de la méditation de la Parole de Dieu. Mais il ne s’agit pas d’une lecture pour ainsi dire déconnectée de notre vie. Nous sommes invités à regarder d’un côté la sainte Écriture et de l’autre les événements de notre vie. Les événements que nous vivons nous incitent à interroger la Parole de Dieu pour en découvrir le sens.

Notre espérance s’appuie sur le fait que Dieu est fidèle : Il tient ses promesses comme saint Paul le rappelle aux juifs de Rome. Ce n’est pas si simple de comprendre ce que Dieu a promis car il y a souvent un décalage entre ce que nous imaginons et ce que Dieu va nous donner.
Quel est ce rameau qui va sortir de la souche de Jessé dont nous parle l’Ecriture ? La première lecture en donne quelques traits essentiels. Le psaume aussi nous en donne un aperçu. La promesse est bien là mais les modalités de sa réalisation concrète gardent une grande part de mystère.

Jean-Baptiste, qui est l’un des personnages majeurs de ce temps de l’avent, nous présente Jésus. Et en même temps il y a un certain décalage entre l’image qu’il s’en fait et la réalité :

« Celui qui vient derrière moi (…) tient dans sa main la pelle à vanner, il va nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera son grain dans le grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. »

Jean-Baptiste lui-même sera perplexe. Il fera demander à Jésus :

« Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » (Mt 11, 3)

C’est toujours le cas pour nous : nous sommes appelés à laisser purifier les images que nous avons des promesses de Dieu. Notre grande tentation est de projeter nos désirs en attendant que Dieu les réalise.

Jésus

Dans l’acte d’espérance, il nous est bien dit que la grâce et le bonheur éternel nous sont données « par les mérites de Jésus-Christ ».
Au centre de notre espérance chrétienne, il y a Jésus. Pendant l’Avent, nous nous concentrons sur Jésus qui est au cœur de notre espérance. Comme l’écrit saint Paul à Tite, nous attendons :

« En attendant que se réalise la bienheureuse espérance : la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ. » (Tite 2, 13)

Notre espérance nous tourne vers le Christ. Elle nous amène à connaître « ce qui dépasse toute connaissance : l’amour du Christ. » (Ep 3, 19) C’est par lui que le Père des miséricordes « a le pouvoir de réaliser en nous, par sa puissance, infiniment plus que nous ne pouvons demander ou même imaginer. » (Ep 3,20).

Pour illustrer ce mouvement de l’espérance, j’aimerais reprendre une page de Thérèse de l’Enfant-Jésus. Il est beau de voir comment elle scrute l’Écriture et comment cela la conduit à Jésus : [( « Nous sommes dans un siècle d’inventions ; maintenant, ce n’est plus la peine de gravir les marches d’un escalier ; un ascenseur le remplace avantageusement.
Moi, je voudrais trouver un ascenseur pour m’élever jusqu’à Jésus, car je suis trop petite pour monter le rude escalier de la perfection. Alors j’ai recherché dans les Livres Saints l’indication de l’ascenseur ; et j’ai lu ces mots :
« Si quelqu’un est tout petit, qu’il vienne à moi » (Proverbes 9, 4)
Alors je suis venue, devinant que j’avais trouvé ce que je cherchais. Et voulant savoir, ô mon Dieu, ce que Vous feriez au tout-petit qui répondrait à votre Appel, j’ai continué mes recherches et voici ce que j’ai trouvé :
« Comme une mère caresse son enfant, ainsi je vous consolerai, je vous porterai sur mon sein, je vous balancerai sur mes genoux » (Isaïe 66, 13).
Ah, jamais paroles plus tendres, plus mélodieuses ne sont venues réjouir mon âme ; l’ascenseur qui doit m’élever jusqu’au ciel, ce sont vos Bras, ô Jésus ! Pour cela, je n’ai pas besoin de grandir, au contraire, il faut que je reste petite, que je le devienne de plus en plus.
Ô mon Dieu, Vous avez dépassé mon attente ! Je veux « chanter vos Miséricordes » ! (Psaumes 88, 2). »

Thérèse de Lisieux était à l’école de Thérèse d’Avila qui était très attachée à la sainte humanité de Jésus. Ce temps de l’Avent peut être pour nous une bonne occasion pour nous approcher et nous laisser toucher par Jésus dans sa sainte humanité puisque c’est par Lui que nous recevons tant de bienfaits.

Conversion

Dans certaines versions de l’acte d’espérance, il y a une petite incise qui a toute son importance : « si j’observe tes commandements ». Ce qui est premier, c’est Jésus, ce n’est pas l’observation des commandements.
Cependant l’évangile et la deuxième lecture de ce jour attirent notre attention sur la conversion. L’espérance ne fait pas bon ménage avec l’immobilisme. Elle suppose que nous soyons prêts à bouger. Il y a tout un dynamisme dans l’espérance.

Dans l’évangile, Jean-Baptiste a des paroles fortes :

« Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. (…)
Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. (…)
Produisez donc un fruit digne de la conversion. »

Lorsqu’il écrit à Tite, saint Paul dit que la grâce « nous apprend à renoncer à l’impiété et aux convoitises de ce monde, et à vivre dans le temps présent de manière raisonnable, avec justice et piété, attendant que se réalise la bienheureuse espérance. » (Tite 2, 12-13).

Si nous pouvons légitimement espérer le bonheur éternel dans l’autre, c’est d’abord et avant tout « par les mérites de Jésus-Christ » mais cela suppose aussi d’essayer de conformer notre vie à l’évangile en observant ce que nous demande Jésus.
L’espérance nourrit notre motivation pour aller de l’avant. Mais elle ne nous démobilise jamais pour la vie présente. Bien au contraire, l’espérance nous conduit à « ordonner la vie présente » comme le dit Benoît XVI (Spe Salvi n° 41) : [( « Dans la structure des édifices sacrés chrétiens, (…) il devint habituel de représenter sur le côté oriental le Seigneur qui revient comme roi – l’image de l’espérance –, sur le côté occidental, par contre, le jugement final comme image de la responsabilité pour notre existence, une représentation qui regardait et accompagnait les fidèles sur le chemin de leur vie quotidienne. » (Id).

Tout espérer de Jésus ne nous déresponsabilise pas, bien au contraire.

Cela apparaît encore dans la deuxième lecture de ce jour où saint Paul l’exprime très bien :

« Que le Dieu de la persévérance et du réconfort vous donne d’être d’accord les uns avec les autres selon le Christ Jésus.
Ainsi, d’un même cœur, d’une seule voix, vous rendrez gloire à Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ.
Accueillez-vous donc les uns les autres, comme le Christ vous a accueillis pour la gloire de Dieu. »

Visiblement, dans la communauté de Rome à qui il s’adresse, il y avait des tensions. Avoir part à l’espérance qui nous est donnée en Jésus n’annule pas notre propre responsabilité mais nous incite à faire ce que nous pouvons.

Conclusion :

En ce temps de l’Avent, je ne peux que vous inciter à prendre exemple sur la petite Thérèse qui avait à cœur de chercher dans la Parole de Dieu la réponse à ses questions. Et ainsi à renouveler et approfondir votre relation avec Jésus.
Que la Vierge Marie, dont nous fêterons l’Immaculée Conception demain, vous soutienne dans ce chemin de l’espérance !

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Isaïe 11,1-10.
  • Psaume 72(71),1-2.7-8.12-13.17.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 15,4-9.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 3,1-12 :

En ces jours-là, paraît Jean le Baptiste, qui proclame dans le désert de Judée : « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. »
Jean est celui que désignait la parole prononcée par le prophète Isaïe : ‘Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers.’
Lui, Jean, portait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins ; il avait pour nourriture des sauterelles et du miel sauvage.

Alors Jérusalem, toute la Judée et toute la région du Jourdain se rendaient auprès de lui, et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain en reconnaissant leurs péchés.
Voyant beaucoup de pharisiens et de sadducéens se présenter à son baptême, il leur dit :
« Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ?
Produisez donc un fruit digne de la conversion.
N’allez pas dire en vous-mêmes : “Nous avons Abraham pour père” ; car, je vous le dis : des pierres que voici, Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham.
Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu.
Moi, je vous baptise dans l’eau, en vue de la conversion. Mais celui qui vient derrière moi est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu.
Il tient dans sa main la pelle à vanner, il va nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera son grain dans le grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. »