Homélie du 7e dimanche de Pâques

9 mai 2016

« Qu’ils soient un pour que le monde croie que tu m’as envoyé. »

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Texte de l’homélie :

Il est bon de savoir, en écoutant ce passage de la Parole de Dieu, que le Seigneur a prié pour nous ! Comme il est rapporté par Saint Jean, dans la dernière cène, il est dit :

« Je ne prie pas seulement pour ceux qui sont-là ; je prie aussi pour tous ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi. » (Jn, 17)

C’est grâce à la parole d’autres personnes que nous sommes ici ce dimanche. Paroles de catéchistes, paroles de consacrés, de prêtres, paroles de parents, de grands-parents, d’amis…
Ainsi, c’est grâce à la parole des autres que l’on entre dans la Foi.

Aujourd’hui, le Seigneur nous invite à grandir dans la Foi en grandissant dans l’unité.

« Qu’ils soient un comme toi et moi nous sommes un. »

Il est important de méditer sur ce sens de l’unité.
Par exemple, il y a une fausse manière de concevoir l’œcuménisme – le fameux dialogue entre Chrétiens d’obédience différente. Face aux persécutions, on voit bien qu’il s’agit de se rassembler autour de ce qui fait corps, de ce qui est fondateur dans notre foi chrétienne. Mais, la mauvaise manière serait de « raboter » les différences, de confondre unité et uniformité. Du coup, les Catholiques n’évoquent pas trop la Vierge Marie ni les Saints, les autres ne parlent pas trop de leurs désaccords vis à vis du Pape, et chacun fait ainsi comme une sorte de négociation.
C’est l’unité à la manière du monde et de ses traités – on sait ce à quoi cela tient…
Mais, ce n’est pas de cela dont Jésus parle : l’unité n’est pas à construire à ce niveau-là.

Autrement dit, une manière de vivre l’œcuménisme serait que chacun dise à l’autre quelle est son expérience de Dieu : « En quoi peux-tu m’aider à grandir dans ma propre foi catholique, protestante ou orthodoxe ; quelle expérience de Dieu as-tu faite ? énonces-la et garde-la comme un trésor ».

Il n’y a pas qu’une seule manière d’être Chrétien. Pour commencer, il y a quatre évangiles !
Il est important d’éclairer cela d’une autre lumière, pour éviter ces vérités idolâtriques.
Lorsqu’en tant que prêtre, on est invité dans une famille et que l’on se présente comme étant une famille unie, on peut se demander si chacun a le droit de dire son opinion, à être en désaccord ? Finalement, qu’est-ce qu’une famille unie ? est-ce que le règle serait que l’on ne veut voir qu’une seule tête, et que celui qui aurait une attitude différente serait montré du doigt ? celui-ci serait-il le précurseur ou plutôt le révélateur de la désunion ?
Gardons-nous de cette fausse unité qui serait « fabriquée de l’extérieur », n’existant pas dans les personnes…

L’unité à laquelle Jésus nous appelle vient vraiment du Saint Esprit !
À cette veille de la Pentecôte, on sait que, dans la diversité des langues, on se comprend. Dans la singularité de chacun, on fait corps. Il n’y a que l’Esprit qui peut le faire en nous…
SI on veut le faire avec nos propres forces, ça nous échappe ! on va vite se transformer en dictateur !
Dans l’Évangile, on voit bien la grande diversité des personnes qui viennent à Jésus. Tout d’abord les apôtres, ceux qui ont tout quitté, puis les disciples, et les gens qui viennent au Christ car ils veulent être guéris, les rencontres imprévues, improbables comme celle de la Samaritaine…
Dans l’Église aujourd’hui, on voit ces grands groupes de croyants et pratiquants, de personnes qui sont consacrées, et celles qui viennent de temps en temps… Comment faire l’unité avec toutes ces personnes-là, entre ces différentes pratiques, ces différentes approches ? Je crois que c’est en respectant profondément le chemin de chacun.

A un journaliste un peu facétieux qui lui demandait combien il y avait de chemin pour aller vers Dieu, le pape Benoît XVI – appelé à tort le panzerkardinal sans compter sa fine intelligence et sa grande spiritualité - répondait :

« Il y a autant de chemins que de personnes pour aller à Dieu. »

Il ne s’agit pas pour autant d’une parole de quelqu’un qui relative et de dire que c’est chacun sa vérité. Pour aller vers Dieu, il y a autant de chemins que de personnes…
Si quelqu’un demande un accompagnement, comme prêtre, c’est un peu comme Moïse en face du buisson ardent : en tant que prêtre, il est nécessaire de mettre ses à-priori de côté autant faire se peut, surtout dans ce ministère.

Contrairement au nivellement, l’unité s’appuie sur la différence. Si l’on étudie la Trinité, ce qui est admirable, extraordinaire, c’est cette communion – comme aucunes personnes humaines ne pourraient être en communion – et à la fois cette diversité des personnes encore plus grande qu’aucunes personnes humaines ne peuvent l’être. Dans la Trinité, il y a la fois la communion et la différence. Qui plus est, cette différence est comme la condition de cette communion.

C’est un peu ce que vivent les jeunes qui sont venus en retraite dans le but de discernement dans leur vie de couple. Il est important de se rappeler que le couple est fondé sur une diversité : l’amour demande que l’autre soit différent de moi, et ne soit pas un clone de moi-même !
Homme / femme, voilà la première altérité. L’altérité des familles, des cultures, des pratiques… Ne prétextons pas la différence pour justifier nos désaccords, mais, au contraire, demandons au Seigneur qu’est-ce qui peut être source d’unité dans cette différence.
Mais cela suppose aussi que chacun ait le désir de se tourner vers l’autre. L’unité, la communion demande la transcendance. Ce n’est pas seulement l’accord de psychologies blessées. La transcendance…

« Regarder ensemble dans une même direction. »

Et avoir le désir de cheminer, avec nos défauts, avec nos péchés… C’est bien là l’œuvre du Saint Esprit : à la fois accueillir l’autre comme il est, avec ses différences, mais chercher aussi l’unité. Pas un désaccord, un chaos.
Pourtant, on voit bien comme ça nous échappe. Cela demande d’être des hommes et des femmes de prière, parfaitement humbles, « pour que le monde sache que tu m’as envoyé ». Il y a un enjeu considérable dans cette unité entre Chrétiens.

Et cette unité doit gagner la famille humaine. C’est ce que dit le concile Vatican II : l’Église est un signe d’unité de la famille humaine. Nous sommes créés comme famille et non comme juxtaposition d’individus ! On sent des raidissements identitaires dus aux différences, même dans l’Église, souvent sous forme de peur.
Mais nous sommes des disciples de Jésus et nous n’avons pas à avoir peur ! on sent bien que cela réveille chez nous parfois des inquiétudes. En effet, nous vivons un grand temps de transition et la parole de l’Église, la parole de l’Évangile est attendue, à plus forte raison.
Le Saint Père a pris part à l’assemblée de l’Europe.

Face à ces raidissements, cette unité est reçue. C’est un cadeau, quelque chose que l’on supplie. Il ne faut pas voir la différence comme une menace, car parfois, on le vit comme cela.
Ainsi, c’est avec humilité que l’on va se tourner vers le Seigneur pour le Lui demander. Demandons le aussi à la Vierge Marie de nous aider à cela, elle qui a vécu avec les apôtres dans ce temps d’attente de l’Esprit, priante et accueillante de la réalité de chacun, qu’Elle nous aide dans le chemin d’unité pour être témoin de Jésus,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre des Actes des Apôtres 7,55-60.
  • Psaume 97(96),1-2b.6.7c.9.
  • Livre de l’Apocalypse 22,12-14.16-17.20.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 17,20-26 :

En ce temps-là, les yeux levés au ciel, Jésus priait ainsi : « Père saint, je ne prie pas seulement pour ceux qui sont là, mais encore pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi.
Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé.
Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes UN : moi en eux, et toi en moi.
Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé.

Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi, et qu’ils contemplent ma gloire, celle que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde.
Père juste, le monde ne t’a pas connu, mais moi je t’ai connu, et ceux-ci ont reconnu que tu m’as envoyé.
Je leur ai fait connaître ton nom, et je le ferai connaître, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et que moi aussi, je sois en eux. »