Homélie du 4e dimanche du Temps Ordinaire

1er février 2022

Tous lui rendaient témoignage et s’étonnaient des paroles de grâce qui sortaient de sa bouche. Ils se disaient : « N’est-ce pas là le fils de Joseph ? »

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Texte de l’homélie :

Chers frères et sœurs,

Je crois qu’il y a quelque chose dont on ne mesure pas toujours l’importance dans notre foi chrétienne et qui en fait pourtant la valeur : c’est l’appel.
Dans la première lecture, nous avons Jérémie qui est appelé par le Seigneur :

« Avant même de te façonner dans le sein de ta mère, je te connaissais. Avant que tu viennes au jour, je t’ai consacré. Je fais de toi un prophète pour les nations. »

L’appel universel du Seigneur nous est adressé personnellement

Jérémie, Amos et les autres prophètes de l’Ancien Testament, les apôtres dans le Nouveau, sont comme arrachés à leur vie, une vie toute simple. Pour Amos, on va greffer les sycomores, pour les apôtres ce sera la pêche, et les uns et les autres vont se mettre en route vers une parole qui les a appelés.
C’est extraordinaire, parce que cette parole vient de Dieu. Et de ce fait, la vie prend une toute autre signification.

Si nous comparons avec d’autres religions, c’est la religion chrétienne est seule la où le Seigneur appelle personnellement. Cet appel est à la fois universel et personnel pour chacun d’entre nous. Ce qu’il produit c’est que notre vie prend une plénitude de sens que rien d’autre ne peut atteindre. Prenons l’exemple du métier : notre métier peut être passionnant, nous donner le sentiment de notre valeur et de notre utilité. Les relations humaines peuvent également être riches de sens et de consolation. Ou encore, la rectitude morale, notre propre droiture, tout cela est très bon, mais c’est si peu par rapport à cette parole de Dieu qui nous appelle et qui nous dit :

Si nous n’accédons pas à cette dimension, nous n’accéderons pas vraiment à notre humanité et à notre statut de personne.

Maurice Zindel, prédicateur fameux du XXe siècle, notamment auprès de Paul VI, disait ceci :

« Quand comprendrons-nous que nous sommes appelés à la grandeur… il n’y a personne, l’homme n’est pas encore né tant que nous n’avons pas considéré cette relation intime qui nous permet d’être les collaborateurs de Dieu, nous restons dans une certaine insignifiance. »

Notre vie chrétienne peu pêcher justement par ce manque de relations personnelles. Nous faisons ce que font nos amis, ce que fait notre famille en allant à la messe, en pratiquant. Ainsi, nous pouvons nous demander où est notre relation personnelle avec Dieu, où suis-je et quand suis-je ce collaborateur de Dieu absolument unique dont Il ne peut se passer pour étendre Son royaume.

Nous ne sommes pas que des rouages, nous ne sommes pas non plus que des célébrants, nous ne sommes pas simplement des hommes et des femmes de bien et qui tâchent de vivre selon leur conscience. Cela ne nous suffit pas.

Chers frères et sœurs, pour vous qui vous préparez au mariage, je me disais que la tentation est peut-être plus forte parce que, le mariage étant cette vocation naturelle, on peut dire que finalement, comme je j’aime ma femme et que j’aime mes enfants, que je les élève selon la droiture, tout est bien.
C’est vrai, mais ce n’est qu’une étape. Et je crois que les temps actuels sont favorables pour percevoir et reconsidérer la vocation du mariage comme une vocation à part entière. Une vocation, ce n’est pas simplement la nature qui nous pousse à nous marier mais c’est Dieu qui nous y appelle, et cela change tout.

Pourquoi cela changerait tout ? C’est parce que cela implique un haut degré d’intimité avec le Seigneur pour chacun, que nous soyons consacré ou marié. L’intimité avec le Seigneur ne doit pas suivre l’état de vie.

Le pape Jean-Paul II disait que :

« Nous sommes tous appelés à un haut degré de vie chrétienne. »

Et j’aime à rappeler ce qu’il s’est passé durant les temps communistes en Russie : le monachisme vous le savez avait été absolument interdit dans la plupart des cas et dans la plupart des endroits. Ce monachisme, vous vous souvenez, ce sont ces moines orthodoxes tout vêtus de noir qui avait ce sens immense d’une vie spirituelle et d’intimité avec le Seigneur et de la prière perpétuelle. C’était si fort chez eux.
Ainsi est né un mouvement qu’on a appelé le « monachisme blanc » par opposition à ce « monachisme noir » de ces frères vêtus de noir. C’était tous ces laïcs, tous ces pères et mères de famille, tous ces célibataires peut-être aussi qui se disaient : « si nous ne pouvons plus vivre la radicalité de la vie chrétienne dans cet état de vie qu’est la vie monastique, vivons-la dans notre état de vie là où nous sommes, avec la même exigence de don absolu à Dieu et de prière perpétuelle. »

Notre monde a plus que jamais besoin de ce type et de cette qualité de vie chrétienne. Soyons attentifs à cet appel qui nous fait échapper à l’insignifiance et qui colore notre vie d’une toute autre nature, une toute autre signification.

Le Seigneur nous donne les grâces nécessaires à cet appel

Quand le Seigneur appelle, Il consacre, c’est à dire qu’Il pose Sa main sur nous et nous donne les grâces dont nous avons besoin.

Chers frères et sœurs, vous qui êtes mariés, et pour ceux qui sont appelés aussi à ce vivre sacrement, n’oubliez pas que le concile Vatican II a redit que le mariage est une consécration, c’est-à-dire une mise à part pour une mission. Quand Dieu met à part, Il confère cette grâce qui nous tire du monde, d’une certaine manière, pour nous consacrer à Son royaume.

Dans la vocation, nous sommes comme confrontés à nos limites, on est saisi par cette disproportion : « le Seigneur m’appelle à collaborer à Son royaume et moi, je suis bien faible, bien pauvre, bien pécheur… »

Regardons Jérémie : il était doté d’une âme extrêmement sensible. Tout au long du livre de Jérémie, on a ce qu’on appelle les confessions de Jérémie, ces moments où son âme se répand en disant toute sa douleur, sa détresse. Et le Seigneur lui demande une mission terrible pour lui : d’être en contradiction avec son temps en annonçant la ruine de Jérusalem, et d’être taxé de « prophète de malheur », de personnes qui désespère. Le voilà honni, condamné à être rejeté, à être jeté dans cette citerne.
Ce cœur sensible, Dieu va l’habiliter pour cette mission. Il va lui promettre sa protection :

« Je fais de toi une ville fortifiée, une colonne de fer, un rempart de bronze. Je te donne cette fermeté absolue. Elle ne vient pas de toi, elle vient de moi pour que tu ailles jusqu’au bout de ta mission. »

C’est bien cette grâce du sacrement du mariage qui vous habite aussi parfois pour cette mission qui est la vôtre, la mission de pouvoir vous entendre comme couple. C’est parfois tellement difficile de dépasser nos impatiences, mais le magnifique hymne à la charité que nous avons entendu dans la deuxième lecture c’est cela : à chaque situation de combat, la grâce est donnée :

« L’amour prend patience, l’amour ne recherche pas son intérêt… »

Comme c’est concret ! on peut mettre sous chacune de ces qualifications de l’amour le cœur du quotidien de notre vie.
Peut-être une petite remarque par rapport à ça : il faudrait garder la charité :

« La charité prend patience… »

Nous avons trop souvent tendance à considérer que cette charité est le fruit de nos efforts : « soit gentil », c’est ce qu’on nous a dit quand on était petits, ou peut être un peu plus tard « sois sage » et alors on l’applique. Or, cette charité est un don, elle nous dépasse et nous permet de supporter nos adolescents difficiles, d’accueillir un mari peut-être exténué par son travail et de mauvaise humeur…
L’effort humain ne suffit pas. Il faut aller plonger dans la grâce de Dieu. Voici les fruits de la charité, cette vertu qui nous vient du ciel, c’est la raison laquelle on l’appelle vertu théologale. Prenons garde à ne pas être trop moraliste, car la première des attitudes par rapport à la charité, c’est de la supplier. Elle vient de cette qualité de vie intérieure.

Si nous n’avons pas de vie intérieure, nous n’aurons pas la charité, c’est très clair. Nous serons gentils un temps, puis nous en aurons assez. La charité permet de dépasser les limites parce qu’elle vient de Dieu qui est infini. Et cette charité justement, comme elle vient de Dieu, elle va faire en sorte que nous soyons témoins de cet autre monde, témoin du Ciel si je puis dire.

Quand on voit un couple, une famille ou une communauté religieuse qui s’entend qui s’entend, on se dit ça ne peut pas venir de la terre… Quand on voit les dix-sept « bons-hommes » que nous sommes, qui tâchent de se supporter voire de s’aimer vraiment, réellement - même si c’est difficile – voici un signe d’un autre monde, signe d’une force qui vient pas de nous.
Autrement dit, c’est prophétique.

Et la famille est « petite église », je vous rappelle que c’est une de ses définitions ecclesiola , c’est-à-dire qu’elle est la manifestation de Dieu au milieu des hommes comme l’est l’Église. Ainsi, la famille est prophétique elle aussi. Une famille qui s’entend montre que Dieu est au milieu d’elle. Et quand Dieu ne l’est plus, elle ne s’entend plus.
C’est pour cela que le Saint Père recommande que les familles prient le chapelet ensemble, pour que les relations soient transformées puisque elles viendront d’En Haut. Ce n’est pas une piété à deux sous, c’est très réaliste !

La belle mission de montrer le Ciel !

Enfin, toujours au sujet de ces aspects prophétiques, il s’agit d’ouvrir une fenêtre sur le Ciel. Que ce soit par les communautés religieuses ou les familles, le monde n’en veut pas. On le distingue très clairement, le monde ne veut pas entendre parler du Ciel.

Quand j’étais petit, ma mère me racontait son expérience de guerre. Durant, cette période, il fallait absolument qu’aucune trace de lumière ne puisse être perçue par les avions. Ainsi, on était invité à peindre ses carreaux en bleu pour que rien ne filtre, et dès qu’il y avait un tout petit rayon de lumière, les allemands montaient pour demander d’éteindre tout de suite. La lumière ne devait pas percer.
C’est le même phénomène dans notre monde : la lumière ne elle doit pas percer non plus, et qui la manifeste est mal vu. Pour ce qui est de Jérémie, on ne veut pas sa parole. Et pour le Christ, on voit bien aussi dans l’évangile qu’on en veut surtout pas ! On cherche plutôt à le lapider parce qu’Il est témoin dans notre monde. On veut bien être correct, mais on veut pas de dieu.

Ce refus de cette dimension prophétique est signe de refus de la dépendance de Dieu, un refus de cette invitation à devenir pleinement ce que nous sommes avec la grâce de Dieu. On en veut pas. L’homme veut se suffire à lui-même, on le voit bien avec le trans-humanisme : il peut se perfectionner, se « bricoler » tant qu’il le veut, ça ne pose aucun problème. Mais, de faire appel à la grâce, on ne veut pas de cette option là.

Alors, face à ces critiques d’une certaine médiocrité, nous sommes tous tentés de rentrer dans le moule, de ne plus faire mystère, de ne plus être en contradiction. Regardez par exemple la question de l’intégrité morale dans le travail : combien de personnes ont parfois perdu leur travail parce qu’elles voulaient justement rester intègre à leurs principes moraux ? Vous qui êtes dans le monde du travail, vous savez bien que ces difficultés là se posent très souvent.

Est-ce que j’accepte d’être en contradiction avec le monde sur ce point-là ? Le fait d’avoir des enfants passe pour un scandale aujourd’hui. Vous savez que certains politiques qui ont beaucoup d’enfants deviennent la risée de la classe politique, se faisant moquer avec leur famille nombreuse.
Vous êtes sans doutes vous-mêmes confrontés à ces critiques. Cela peut aussi venir du fait que vous croyez en la vie, que vous croyez que le Seigneur soutient notre monde.

Le Saint-Père le disait aux familles italiennes :

« Cet hiver démographique est le signe aussi d’un monde qui croit plus en l’avenir puisqu’il ne croit plus en Dieu. »

Et le fait de pouvoir à nouveau mettre des enfants au monde est un acte d’espérance, un acte de charité et de foi que l’on proclame à la face du monde, même s’il n’en veut pas.

Chers frères et sœurs, émerveillons-nous de toute cette beauté ! Et c’est ce que l’on peut demander aujourd’hui les uns pour les autres. Le fruit de tout cela a été repris dans le psaume qui nous a invité à entrer dans la louange. La louange nous fait entrer dans une dynamique de vie et permet à la joie de sortir de notre cœur.
Demandons à la sainte famille de Nazareth qu’elle nous aide à demeurer dans cet état de générosité et de louange,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de Jérémie 1,4-5.17-19.
  • Psaume 71(70),1-2.3.5-6ab.15ab.17.
  • Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 12,31.13,1-13.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 4,21-30 :

En ce temps-là, dans la synagogue de Nazareth, après la lecture du livre d’Isaïe, Jésus déclara : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. »
Tous lui rendaient témoignage et s’étonnaient des paroles de grâce qui sortaient de sa bouche. Ils se disaient : « N’est-ce pas là le fils de Joseph ? »
Mais il leur dit : « Sûrement vous allez me citer le dicton : “Médecin, guéris-toi toi-même”, et me dire : “Nous avons appris tout ce qui s’est passé à Capharnaüm ; fais donc de même ici dans ton lieu d’origine !” »
Puis il ajouta : « Amen, je vous le dis : aucun prophète ne trouve un accueil favorable dans son pays.
En vérité, je vous le dis : Au temps du prophète Élie, lorsque pendant trois ans et demi le ciel retint la pluie, et qu’une grande famine se produisit sur toute la terre, il y avait beaucoup de veuves en Israël ; pourtant Élie ne fut envoyé vers aucune d’entre elles, mais bien dans la ville de Sarepta, au pays de Sidon, chez une veuve étrangère. Au temps du prophète Élisée, il y avait beaucoup de lépreux en Israël ; et aucun d’eux n’a été purifié, mais bien Naaman le Syrien. »
À ces mots, dans la synagogue, tous devinrent furieux. Ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville, et le menèrent jusqu’à un escarpement de la colline où leur ville est construite, pour le précipiter en bas.
Mais lui, passant au milieu d’eux, allait son chemin.