Homélie du 28e dimanche du Temps Ordinaire

11 octobre 2022

« Tous les dix n’ont-ils pas été purifiés ? Les neuf autres, où sont-ils ? Il ne s’est trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu ! »

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Texte de l’homélie

Chers frères et sœurs, j’ai envie de tous vous remercier ce matin : c’est une joie pour un prêtre de voir une aussi belle assemblée dominicale dans toutes sa diversité. Jésus adresse encore aujourd’hui cette parole qu’il a dite au lépreux : « Relève-toi !N’aie pas peur, va, ta Foi te sauve ! »

Entrer dans l’action de grâce

Il vous est certainement apparu que le phare de l’Évangile de ce jour est l’action de grâce. Il y aurait beaucoup de choses à dire et c’est un vaste sujet que je vais essayer de développer pour vous aider à en vivre un peu plus. Jésus vient de guérir dix lépreux, mais un seul est revenu auprès de Lui pour le remercier… Et nous voyons que l’ingratitude des neuf autres a profondément blessé Jésus.

« Où sont-ils donc ? »

Qui d’entre nous, frères et sœurs, n’a jamais été soit l’acteur soit la victime d’ingratitude ?
Dans nos églises, dans nos paroisses et dans nos communautés, trop de Chrétiens, au lieu d’être heureux, ont un cœur amer… Cela se voit, et c’est souvent parce qu’ils n’ont pas été remerciés ni reconnus avec justesse dans leur travail, j’entends souvent cela dans les confessions. Ce sentiment d’ingratitude génère beaucoup d’amertume, et cela m’arrive aussi.

C’est un beau sujet de combat, surtout dans un monde où tout est dû. Et pour garder cette joie communicative entre nous comme ce matin, encourageons-nous à exprimer d’avantage de vrais mercis, humainement, en couple, en famille, entre frères, car cela manque. Il ne s’agit pas seulement de remerciements entre amis, et c’est une première grâce à demander en ce dimanche.

Soigner notre rapport à Dieu

Cet évangile soulève aussi la question de notre rapport à Dieu. Quand tout va mal, nous supplions le Seigneur comme ces lépreux : « Pitié, aide-moi ! Viens à mon secours, j’ai besoin de toi ! »

Et dans nos sanctuaires, il y a plein de bougies… Si nous avons un problème ou une intention à confier, nous savons bien comment prier.

Mais, quand ça va bien, nous oublions Dieu la plupart du temps. Pourquoi donc ? C’est parce que nous sommes mal positionnés par rapport à Dieu, par rapport à Jésus. Je m’explique : reconnaissons-le, confessons-le car nous sommes tous pareils, nous considérons le Seigneur comme un simple prestataire de services, qui devrait répondre comme un distributeur automatique. Et non, Jésus n’est pas comme cela.

Certes, dans un autre passage, le Seigneur nous conseille de demander pour recevoir, quitte à lui « casser les pieds », vous vous en souvenez certainement.

Mais ce matin, Jésus veut nous purifier de cette attitude de ne pas nous tourner vers Dieu que quand ça va mal. Mais quand ça vient bien, tourne-toi vers Dieu aussi, et demande-lui plein de choses. Il y a tellement de choses qu’Il peut nous donner, et bien plus grandes qu’une bonne santé, même si c’est très important.

Relisons Saint Paul et demandons-lui cette confiance en cette parole de Dieu. Lui qui a connu tant de difficultés est resté dans la louange. Ce n’est pas évident, mais c’est une grâce possible, et celui qui y entre y trouve un bonheur extraordinaire. C’est une deuxième grâce à demander en ce dimanche.

La joie de la guérison ferait-elle oublier qui l’a accordée ?

Dans cette parole, on voit que Jésus a guéri les dix lépreux, mais à un seul il a pu dire :

« Ta Foi t’a sauvé ! »

Ce qui est étonnant dans cette parole des dix lépreux, frères et sœurs, c’est que Jésus les a guéris en chemin, ensemble. Cela ne s’est pas passé devant Lui, et ils ont du accomplir un acte de Foi et repartir en marchant. Et j’imagine leurs échanges : « Regarde ta main : elle a repoussé ! c’est fou ! » « As-tu vu ton visage ? plus de trous ! ça a disparu ! »
Quelle fête cela a du être pour eux ! Et vite, ils obéissent à Jésus qui leur a demandé d’aller se montrer aux prêtres. Certainement, ils courent pleins de joie et dans l’action de grâce pour obtenir ce fameux certificat sanitaire, car c’étaient les prêtres qui faisaient le contrôle. C’était un « pass » qui leur permettait d’embrasser leur femme, leurs enfants et leurs amis à nouveau, d’aller goûter des bons plats au restaurant. Et Jésus s’en réjouissait car c’était un grand événement !

Tout semble parfait, mais Jésus se montre tout de même triste :

« Les neuf autres, où sont-ils donc ? »

C’est parce qu’Il se sent empêché de leur offrir le cadeau par excellence, bien plus grand qu’un certificat, si immense soit-il. Un seul a cette intuition de lui-même, sans doutes grâce à l’Esprit-Saint, s’arrête, réfléchit et retourne se prosterner devant le Seigneur pour lui exprimer son remerciement, dans l’action de grâce. Voyez ce geste de gratitude… il lui permet de recevoir le « bonus XXL nec plus ultra » : le Salut !

Il ne s’est pas arrêté à la guérison, cadeau si immense soit-il. Si vous me pardonnez cette expression, il n’est pas « tombé amoureux du certificat », même s’il est important… Ce qui fait la grandeur de ce lépreux, c’est qu’il a reconnu l’auteur de toutes les bénédictions. Il a établi une relation d’amitié avec Jésus en se prosternant devant Lui, reconnaissant Sa grandeur et Sa divinité. Il a permis que Jésus inscrive son nom pour toujours dans les Cieux, pour la Vie Éternelle, où il n’y a plus de morts. Sans doutes cela le dépasse un petit peu, mais c’est la réalité.

Quelle est la raison de l’ingratitude ?

Et les neuf autres ? il est important de réfléchir à cette forme d’ingratitude. On peut le comprendre, mais elle limite l’œuvre du Salut en eux. Il leur faudra un autre chemin pour retrouver et rencontrer Jésus

Cela peut nous arriver, frère et sœurs, de nous arrêter à des cadeaux terrestres que Dieu nous donne. C’est peut-être le cas pour les choses qui vont très bien dans nos vies, et l’on oublie d’aller plus loin jusqu’à nous prosterner devant le Seigneur.

C’est la différence entre un Chrétien qui s’attache toujours à demander – cela m’arrive aussi – d’être comme des consommateurs à nourrir sans cesse, et de s’émerveiller en reprenant ces mots :

« Mon Seigneur et mon Dieu ! »

N’oublions pas de redire ces mots dans un « toi et moi », de remarquer que tout va bien.

Comme les dix lépreux, Jésus entend bien sûr toutes nos plaintes. Il a guéri, certes, mais c’est à nous aussi de décider de sortir de la spirale, de la lèpre que sont nos lamentations, comme nous savons si bien le faire dans notre société où nous pointons si souvent ce qui ne va pas.

Il nous faut arriver à poser librement et de temps en temps, des actes de gratitude, entre nous et envers le Seigneur.

Pour aller plus loin au sujet de cet Évangile, éviter de se bloquer sur ce qui ne va pas ou sur ce qui va, et de porter notre regard sur les résultats. Il faut revenir vers Jésus. Nous ne sommes pas parfaits, il nous arrive de chuter, mais il nous faut revenir vite vers Lui sans s’attarder en chemin, marcher avec Lui et s’émerveiller de plus en plus des moindres progrès du bien dans notre vie, dans celle de nos enfants, de nos conjoints… N’hésitons pas à le mettre en valeur, à mettre en lumière et à encourager les progrès de chacun : « Tu as été sage, tu es en train de grandir » « Tu as fait une belle prière ce soir, bravo ! » et rendons grâce à Dieu !

Il nous faut percevoir, comme Naaman dans la première lecture, les actions merveilleuses et la victoire de Dieu dans notre vie sur le mal. Et, de gratitude en gratitude – c’est une expérience de vie – Dieu pourra alors progressivement restaurer notre pauvre image défigurée par nos malheurs et nos difficultés, nos péchés, pour que nous devenions à Sa bienheureuse et divine ressemblance. C’est ce à quoi nous sommes déjà appelés jusqu’à devenir pleinement fils de Dieu. C’est ce cadeau que Dieu ne cesse de nous donner chaque jour, et nous pouvons nous l’approprier par la Parole de Dieu et par des actes.

Pour terminer, sur cette voie royale par excellence, nous allons demander à la Sainte Vierge Marie d’être en chemin avec Elle, chacun avec nos moyens, nos difficultés et nos soucis. Ce n’est pas facile, mais nous ne sommes pas esclaves mais libres. On peut s’encourager mutuellement à dire « merci », et on en revient à notre première grâce, rendant gloire à Dieu pour les petits progrès que l’on remarque chez soi, chez les autres…

Ayons ce réflexe de revenir à Jésus, que ce soit dans nos difficultés et nos réussites, quand nous avons enfin réussi à surmonter nos peurs, pour témoigner de notre Foi, par exemple…

Pour toutes ces merveilles, frères et sœurs, que le Seigneur soit loué en chacun de nous ;

Amen.


Références des lectures du jour :

  • Deuxième livre des Rois 5,14-17.
  • Psaume 98(97),1.2.3ab.3cd-4.
  • Deuxième lettre de saint Paul Apôtre à Timothée 2,8-13.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 17,11-19 :

En ce temps-là, Jésus, marchant vers Jérusalem, traversait la région située entre la Samarie et la Galilée.
Comme il entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre. Ils s’arrêtèrent à distance et lui crièrent : « Jésus, maître, prends pitié de nous. »
À cette vue, Jésus leur dit : « Allez vous montrer aux prêtres. »

En cours de route, ils furent purifiés.
L’un d’eux, voyant qu’il était guéri, revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix. Il se jeta face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce. Or, c’était un Samaritain.
Alors Jésus prit la parole en disant : « Tous les dix n’ont-ils pas été purifiés ? Les neuf autres, où sont-ils ? Il ne s’est trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu ! »
Jésus lui dit : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé. »