Homélie du 12e dimanche du Temps Ordinaire

27 juin 2023

« Soyez donc sans crainte : vous valez bien plus qu’une multitude de moineaux.
Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux. »

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Texte de l’homélie

Chers frères et sœurs,

Pour commencer cette homélie, j’ai pensé à un symbole : ce sera un peu le fil conducteur – ou le contre fil conducteur – de mon propos.

Imaginez un transat au bord d’une piscine ou sur la plage… cette vision est un peu éloignée de la vie chrétienne, et les lectures du jour attirent notre attention à ce sujet. Dans la première lecture, il est question de mal et de persécution, puis la deuxième lecture est celle par excellence qui nous parle du péché originel, on y voit que le mal ne vient pas seulement de l’extérieur, mais il vient aussi de l’intérieur par un inclination naturelle. Ce seront mes deux premières parties.
Mais heureusement, Jésus nous offre Sa présence et nous donne des moyens pour combattre car c’est ce à quoi nous sommes appelés, loin d’être assis sur un transat… Ce sera l’objet de ma troisième partie.

En effet, les lectures de ce jour nous mettent dans l’ambiance si je puis dire. L’évangile et la première lecture nous parlent du mal qui vient de l’extérieur, de la persécution. Ce sera la première partie. La deuxième lecture nous parlent du mal qui vient de l’intérieur, de cette inclination au péché que nous avons tous. Dans ma troisième partie, je vous parlerai de l’aide que Dieu nous offre pour affronter ces combats.

Le mal qui nous assaille de l’extérieur, la persécution

Ne pas généraliser

Tout d’abord, il ne faut pas généraliser. Il ne faut pas tomber dans une sorte de paranoïa : il ne faut pas voir tous les gens comme des ennemis. Il y a beaucoup de personnes de bonne volonté qui ont le cœur sur la main.
J’aime bien ce que dit le pape Paul VI à ce sujet :

« La joie naît toujours d’un certain regard sur l’homme et sur Dieu. (…) Puissiez-vous rejoindre ce meilleur qui est dans l’âme de votre frère et cette présence divine si proche du cœur humain ! »

De plus certaines fois, il y a des chrétiens qui se font haïr du monde, mais ils l’ont bien mérité. Les médias s’attendent à ce que les chrétiens et les prêtres en particulier vivent selon l’évangile et soient intègres. Et hélas ce n’est pas toujours le cas. Quelquefois nous avons bien mérité que les gens se moquent de nous !

En outre, il n’est pas défendu d’être prudent. Vous connaissez sans doute l’épisode des franciscains qui ont trouvé la mort au Maroc du vivant de saint François d’Assise. Cela se passe en 1220. Cinq frères mineurs vont à Séville, entrent dans la mosquée principale, et insultent Mahomet et le Coran. On les emmène ensuite à Marrakech et là encore ils multiplient les insultes contre l’islam. Résultat : on leur coupe la tête. Il faut bien avouer qu’ils l’ont un peu cherché !

Ils étaient loin de la recommandation de saint Pierre :

« Soyez prêts à tout moment à présenter une défense devant quiconque vous demande de rendre raison de l’espérance qui est en vous ; mais faites-le avec douceur et respect. Ayez une conscience droite, afin que vos adversaires soient pris de honte sur le point même où ils disent du mal de vous pour la bonne conduite que vous avez dans le Christ. Car mieux vaudrait souffrir en faisant le bien, si c’était la volonté de Dieu, plutôt qu’en faisant le mal. » (1 P 3)

Un discernement est donc à faire, à mi-chemin entre un pessimisme sans nuances et un optimisme naïf (cf. Paul VI, Ecclesiam suam n° 61). Dans la lettre que le pape Paul VI a écrite sur la joie, il nous invite à rejeter tout esprit de critique :

« Les excès de la critique systématique et annihilante ! Sans se départir d’une vue réaliste, que les communautés chrétiennes deviennent des lieux d’optimisme, où tous les membres s’entraînent résolument à discerner la face positive des personnes et des événements ! » (Paul VI, Gaudete in Domino)

Diverses formes de persécution

La persécution en France n’est pas aussi violente que dans de nombreux pays où la persécution est vraiment sanglante. Cependant, nous voyons de plus en plus qu’aux actes de profanations et de vandalisme s’ajoutent des agressions physiques.

Il y a aussi la menace de sanctions juridiques, notamment vis-à-vis du personnel du secteur médical où la clause de conscience est de plus en plus remise en cause.

Le plus souvent, c’est une pression sociale, une persécution « polie », selon les termes employés fréquemment par le pape François depuis le début de son pontificat. Dans une homélie du 12 avril 2016, le Pape dénonçait déjà des « persécutions en gants blancs, des persécutions culturelles, celles qui te confinent dans un recoin de la société, qui en viennent à te faire perdre ton travail si tu n’adhères pas aux lois qui vont contre Dieu Créateur ». Sur les questions relatives à l’identité de genre, à la famille ou encore à la bioéthique, il devient de plus en plus difficile d’affirmer ses croyances religieuses.

Nous sentons bien qu’il y a des points très sensibles liés à notre culture qui refuse la souffrance. Des personnes qui ont par ailleurs un grand cœur ne comprennent pas que l’on puisse s’opposer par exemple à l’avortement. De vraies structures de péché ont été mises en place notamment par des lois iniques.

Vous connaissez le syndrome de la grenouille. Imaginez une marmite remplie d’eau froide dans laquelle nage tranquillement une grenouille. Le feu est allumé sous la marmite, l’eau chauffe doucement. Cela devient de plus en plus désagréable cependant la grenouille finit par s’affaiblir et n’a plus la force de réagir. Elle finit par cuire et mourir. Si la même grenouille avait été plongée directement dans l’eau à 50 degrés, elle aurait immédiatement donné le coup de patte adéquat qui l’aurait éjectée aussitôt de la marmite.

De même dans notre société, la dérive s’accentue progressivement. Les consciences s’assoupissent peu à peu et nous ne voyons plus le mal auquel il faudrait résister.

À quel moment nous faut-il réagir ? C’est une question de prudence pas forcément facile à évaluer.

Le sel s’est-il affadi ?

Si tout le monde nous aime, nous devons nous poser la question : mon sel s’est-il affadi ? Jésus nous a pourtant prévenus dans l’évangile :

« Malheur à vous quand tous les hommes diront du bien de vous ; car c’est ainsi que leurs pères traitaient les faux prophètes. » (Lc 6, 26)

C’est peut-être le signe que nous avons élimé le tranchant de l’évangile.
C’est normal qu’il y ait une résistance à l’évangile. Sinon, Jésus ne serait pas mort sur la croix.

« Le disciple n’est pas au-dessus du maître. S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi ».

Nous sommes les disciples de Jésus crucifié ! La Lettre à Diognète décrit bien combien ce paradoxe des chrétiens :

« Ils aiment tout le monde, et tout le monde les persécute. (…) Le monde déteste les chrétiens, sans que ceux-ci lui aient fait de tort, mais parce qu’ils s’opposent à ses plaisirs. »

Le mal qui nous assaille de l’intérieur : l’inclination au péché

Au mal qui vient de l’extérieur vient s’ajouter le mal qui vient de l’intérieur. Car il y a des complices dans la place ! Sinon, ce serait trop simple, un peu manichéen : la méchanceté à l’extérieur ; la bonté en moi.

Le péché originel

Dans la deuxième lecture, saint Paul nous parle du péché originel. Qu’on le veuille ou non nous portons une inclination au péché qui nous vient du péché originel. « Par un seul homme, le péché est entré dans le monde, et par le péché est venue la mort ; et ainsi, la mort est passée en tous les hommes, étant donné que tous ont péché ». Cela peut nous sembler injuste mais c’est comme ça !

« Par le péché des premiers parents, le diable a acquis une certaine domination sur l’homme, bien que ce dernier demeure libre. » (CEC 407)

Saint Paul décrit bien cette pression intérieure du mal :

« Moi, je suis un homme charnel, vendu au péché. En effet, ma façon d’agir, je ne la comprends pas, car ce que je voudrais, cela, je ne le réalise pas ; mais ce que je déteste, c’est cela que je fais. (…) Ce qui est à ma portée, c’est de vouloir le bien, mais pas de l’accomplir. Je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas. (…) Au plus profond de moi-même, je prends plaisir à la loi de Dieu.
Mais, dans les membres de mon corps, je découvre une autre loi, qui combat contre la loi que suit ma raison et me rend prisonnier de la loi du péché présente dans mon corps. Malheureux homme que je suis ! Qui donc me délivrera de ce corps qui m’entraîne à la mort ?
Mais grâce soit rendue à Dieu par Jésus Christ notre Seigneur ! Ainsi, moi, par ma raison, je suis au service de la loi de Dieu, et, par ma nature charnelle, au service de la loi du péché. » (Rm 7)

Tout ne se réduit pas à des erreurs, à des faiblesses psychologiques, … Hélas, la volonté de l’homme est touchée. On ne peut tout excuser. Dans certaines personnes on peut percevoir une vraie méchanceté qui reflète aussi celle du diable.

Là aussi, il ne faut pas noircir le tableau

Tout n’est pas mauvais en nous : la nature humaine est blessée par le péché mais elle n’est pas corrompue. Dans son encyclique sur l’Église, Paul VI nous invite à nous situer en les deux extrêmes d’un optimisme naïf et un pessimisme sans nuances :

« L’Évangile, qui connaît et dénoue les misères humaines avec une pénétrante et parfois déchirante sincérité, qui compatit à la faiblesse et qui la guérit, ne cède pas pour autant à l’illusion de la bonté naturelle de l’homme qui se suffirait à lui-même et n’aurait d’autre besoin que d’être laissé libre de s’épanouir à son gré ; ni à la résignation découragée devant une corruption incurable de la nature humaine. » (Paul VI, Ecclesiam suam n° 61)

Et surtout, nous savons que Jésus vient nous sauver et qu’en lui la victoire est déjà acquise.

Attention à une forme de naïveté

Il ne faut pas minimiser nos tendances mauvaises, nos inclinations au mal. Comme le dit le catéchisme de l’Église catholique, « Ignorer que l’homme a une nature blessée, inclinée au mal, donne lieu à de graves erreurs dans le domaine de l’éducation, de la politique, de l’action sociale et des mœurs » (CEC n° 407). On le voit avec des personnes comme Jean-Jacques Rousseau, qui imaginait que l’enfant est un être totalement bon par nature que la société corrompt. C’est bien le contraire qui se passe : l’éducation est essentielle pour avoir un comportement selon l’évangile.

Il y a une forme d’orgueil qui nous fait présumer de nos forces. On joue quelquefois avec le feu. J’aime beaucoup le réalisme de notre Règle de vie qui, à propos de la chasteté, nous invite aux « efforts nécessaires d’humilité, de prudence et de prière ».

On ne peut pas se permettre n’importe quoi ; on ne peut pas s’habiller n’importe comment ; on ne doit pas jouer avec le feu. Car nous sommes faibles et pécheurs !

Oui vraiment, la vie chrétienne n’est pas la vie sur un transat !

Dieu nous donne les instruments de la victoire

Tout ne s’arrête pas à ce constat qui peut s’avérer un peu décourageant :

« Il n’en va pas du don gratuit comme de la faute. » … « combien plus la grâce de Dieu s’est-elle répandue en abondance sur la multitude » !

Il y a une forme d’optimisme dans la Parole de Dieu. En fait, il s’agit plutôt d’espérance. Certes la vie chrétienne est un combat mais Dieu ne nous laisse pas seuls. On a besoin de l’aide de Dieu et des autres.

Choisir Jésus

Nous sommes d’abord appelés à choisir Jésus. Il faut choisir son camp. Se faire baptiser, c’est renoncer à Satan et choisir Jésus. Le choix fait un jour dans le baptême doit se confirmer tous les jours de notre vie. Il s’agit de se déclarer publiquement et en actes, solidaires du Christ ; ne faire qu’un avec lui.

« Celui qui se prononcera pour moi devant les hommes, moi aussi je me prononcerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux ». Pour saint Paul, c’était parfaitement clair : « Je sais en qui j’ai mis ma foi. »

La grâce de Dieu nous aide à faire un choix délibéré de Jésus.

Grandir dans la foi en la vie éternelle et maintenir vivante la perspective du ciel.

Si on peut légitimement penser que les premiers franciscains martyrs au Maroc l’avaient un peu cherché tant ils étaient provocateurs. Il faut cependant reconnaître qu’ils avaient un vrai amour Jésus et une grande foi en la vie éternelle ! Ils prenaient au sérieux la parole de Jésus : « Ne craignez pas les hommes ». Pourquoi ? Parce que Dieu s’occupe de nous plus que des moineaux. Cela ne signifie pas que nous serons préservés des coups et des dangers mais que nous serons sauvés.

S’appuyer sur la grâce de Dieu qui nous est communiquée par la prière, les sacrements, la lecture de la Parole de Dieu

La prière nous aide notamment à nous laisser pénétrer de l’amour de Dieu :

« Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Il n’a pas épargné son propre Fils, mais il l’a livré pour nous tous : comment pourrait-il, avec lui, ne pas nous donner tout ? (…) Qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? la détresse ? l’angoisse ? la persécution ? la faim ? le dénuement ? le danger ? le glaive ? (…) En tout cela nous sommes les grands vainqueurs grâce à celui qui nous a aimés. J’en ai la certitude : ni la mort ni la vie, ni les anges ni les Principautés célestes, ni le présent ni l’avenir, ni les Puissances, ni les hauteurs, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur. » (Rm 8)

C’est notamment dans la prière que se fortifie notre conviction que Dieu est fidèle à son amour.

S’appuyer sur les autres : un chrétien seul est un chrétien en danger

Il ne faut pas sous-estimer le soutien fraternel. Tout le monde n’a pas la grâce d’être un héros solitaire. Le plus souvent, il y a une belle émulation qui nous entraîne à mieux aimer Jésus et à accepter des choses difficiles par amour pour lui. L’exemple de nombreux martyrs d’hier et d’aujourd’hui est toujours précieux.

La Vierge Marie est bien la première à le savoir. Du fait de son immaculée conception, elle n’avait aucune inclination au péché. Mais vous savez que les épreuves ne lui ont pas été épargnées, notamment lorsque Jésus est mort sur la Croix sous ses yeux. Demandons-lui de nous prendre par la main : notre but n’est pas de vivre sur un transat mais de vivre avec Jésus, mort et ressuscité.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de Jérémie 20,10-13.
  • Psaume 69(68),8-10.14.17.33-35.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 5,12-15.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 10,26-33 :

En ce temps-là, Jésus disait à ses Apôtres : « Ne craignez pas les hommes ; rien n’est voilé qui ne sera dévoilé, rien n’est caché qui ne sera connu. Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le en pleine lumière ; ce que vous entendez au creux de l’oreille, proclamez-le sur les toits.
Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps.
Deux moineaux ne sont-ils pas vendus pour un sou ? Or, pas un seul ne tombe à terre sans que votre Père le veuille.
Quant à vous, même les cheveux de votre tête sont tous comptés.
Soyez donc sans crainte : vous valez bien plus qu’une multitude de moineaux.
Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux.
Mais celui qui me reniera devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est aux cieux. »