Homélie de la vigile pascale

11 avril 2023

Vite, elles quittèrent le tombeau, remplies à la fois de crainte et d’une grande joie, et elles coururent porter la nouvelle à ses disciples. Et voici que Jésus vint à leur rencontre et leur dit : « Je vous salue. »
Elles s’approchèrent, lui saisirent les pieds et se prosternèrent devant lui. Alors Jésus leur dit : « Soyez sans crainte, allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée : c’est là qu’ils me verront. »

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Texte de l’homélie :

Frères et sœurs, ce matin, quand je suis passé par l’oratoire de notre communauté qui est dans la grande maison, il était complètement dépouillé comme il se doit, sans fleurs ni statue, le tabernacle étant vide et ouvert. Je me suis alors redit que nous étions vraiment en deuil. Et qu’est-ce que le deuil si ce n’est la fin d’une relation ?

L’immense majorité d’entre nous ont vécu des deuils de leurs grands-parents, voire de leurs parents, et quand la personne est là et qu’on peut la veiller, on a encore le corps qui fait encore un lien. Dans notre liturgie catholique, il est devant l’autel avec le cercueil pendant la célébration. Mais, quand la personne est mise au tombeau, nous n’avons plus de lien.
Nous avons des souvenirs, nous pouvons nous rappeler de ce qu’était la personnes pour nous, cette relation qui n’est plus.

Et en méditant sur la parole de Dieu de cette vigile, je me suis dit que Pâques est la fête de la relation retrouvée. La vie a triomphé sur la mort. Et on le verra tout au long de ce temps pascal qui explore le mystère de Pâques, les rencontres retrouvent la vie, à commencer par ces femmes tristes et désespérées. On verra ensuite la rencontre avec les disciples d’Emmaüs mais aussi à travers de rencontres qui ont été difficiles comme celle de Jésus et de Pierre après la trahison. Par Son mystère pascal, Jésus veut revivifier des relations que nous perdues, leur redonner la vie.

D’abord, la relation avec Dieu. Évidemment, le mystère pascal, c’est notre Foi, tisse des liens avec Dieu absolument extraordinaires par le baptême. C’est un lien encore bien supérieur à celui que nous avions au moment de la Création du monde., c’est ce que nous avons entendu dans les paroles qui nous ont été lues.

Mais aussi, vivre comme ressuscité c’est choisir d’habiter les relations même si elles sont parfois difficiles, de ne pas y renoncer, d’y mettre la vie. Chaque personne est un monde et une relation c’est comme un pont jeté entre deux rive.
Vous le savez, les ponts sont soumis à des tentions et à des mouvements, car la terre bouge sur chaque rive d’un fleuve : il y a le vent, il y a des tentions dures aux intempéries et à la sécheresse pare exemple.

Vivre à l’exemple de Jésus ressuscité c’est habiter la relation, sortir de sa zone de confort même si parfois, cela va nous soumettre à des tentions et à des difficultés. C’est faire le pont, devenir « pontife ».
Le pontife est celui qui fait le pont et celui qui le fait par excellence, c’est le Christ. C’est Lui qui est le médiateur.

Savez-vous faire la différence entre le médiateur et l’intermédiaire ? Un médiateur n’est pas un intermédiaire et un intermédiaire n’est pas un médiateur. Par exemple, dans un conflit commercial entre un client et un fournisseur, l’intermédiaire n’est ni l’un ni l’autre. A l’inverse, dans un autre type de conflit, le médiateur est à la fois l’un et à la fois l’autre, il est sur les deux rives du fleuve, sur les deux mondes à la fois.
Jésus vrai Dieu et vrai homme est l’un et l’autre : Il contemple le Père de toute éternité et Il est à la fois venu habiter parmi nous, vrai Dieu vrai homme.

Selon l’expression peut-être un peu complexe, Il est appelé à être le médiateur dans le médiateur, c’est à dire à jeter des ponts, à les construire.

À l’heure où l’on voit que des murs s’élèvent, alors que l’on voit que d’autres pensées viennent à frapper à notre porte, nous, comme disciples de Jésus, nous montrons que choisir la relation, retisser le liens, mettre la vie là où une qualité de liens semblaient tellement ténus, et être témoin du Ressuscité.

Que Jésus vient-Il faire tout au long de ce temps pascal ? Selon ce que nous avons entendu dans les lectures de cette célébration, Il vient redonner vie ! Il vient faire que ce souffle de vie qui a habité le cœur de l’homme dès le commencement par Son Saint Esprit puisse se répandre et que Ses disciples, par la qualité des liens qui les unissent soient des témoins

« Voyez comme ils s’aiment… »

C’est notre désir, mais en même temps, nous sentons en nous des réticences. Il faut parfois du courage pour aller à la rencontre de personnes au caractère difficile et à la personnalité complexe. Lors de la messe des Rameaux, nous avons médité sur ce point : il a fallu du courage à Jésus pour s’avancer volontairement vers Sa Passion.
Mais, vous le savez, la vertu de force et de courage consiste en deux choses :

  • Aller à la rencontre de réalités difficiles ; ô combien la Passion du Christ l’a été
  • Tenir dans l’adversité ; ce que le Christ a fait.

Et vivre comme ressuscité, c’est faire le choix du lien malgré tout, faire le lien avec ceux de nos proches avec lesquels c’est complexe, ne pas se décourager, cultiver la qualité de relation, ne pas renoncer à une certaine présence. Voilà ce que la Résurrection vient apporter dans nos vies. Alors que l’on constatait une absence, alors que le tabernacle est vide, que le souvenir de cet être cher nous habite même si nous ne voyons plus son sourire, son visage, la Résurrection vient remettre, redresser, relever ce qui était mort et sans espérance. Elle vient nous redonner courage pour que nous soyons vraiment des témoins.

Et c’est cette grâce que l’on demande, celle dont notre monde a besoin : vivre comme ressuscité, avoir une « gueule de ressuscité », comme dit l’expression. Ce n’est pas pour autant avoir le sourire vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce n’est pas forcément la réalité de nos vies. Mais c’est parier sur le fait que tout lien peut être source de vie, même si aujourd’hui, cela nous paraît impossible comme la pierre devant le tombeau. Si cette ancienne amitié, ce lien familial, ecclésial ou communautaire nous semblent inaccessibles parce que fermés par la pierre, demandons au Seigneur de rouvrir notre cœur de pierre et d’en faire un cœur de chair.

C’est cela, vivre comme ressuscité : enlever les pierres, rendre une communication et un regard possibles alors qu’ils ne l’étaient pas auparavant, voir l’autre à nouveau comme une personne…

Oui, frères et sœurs, bien-aimés, je trouve que cette réalité de la Pâque du Seigneur demande du courage, le courage de se saisir de ce qui est à notre disposition pour rouvrir des liens, pour jeter des ponts. Qu’y a-t-il à notre disposition ? Les sacrements, la parole de Dieu, la présence de Jésus dans la communauté à travers la présence des frères et des sœurs. La grâce d’être en Église, c’est que l’on n’est jamais seul.

Saisissons-nous de ce qui est à notre disposition pour faire mémoire du lien grâce des personnes qui jouent un rôle de relais et d’aide à la relecture. Nous avons parfois besoin d’aide pour rouvrir notre cœur parce qu’on n’y arrive parfois pas seul. Nos familles sont parfois secouées, voire même disloquées… Mais nous, comme disciple de Jésus, nous choisissons d’enlever les pierres.

Puissions-nous, par l’intercession de la Vierge-Marie, être de vrais bâtisseurs d’unité, de le demander vraiment dans notre cœur même si nous sommes limités de mille manières pour qu’au moins, en cette nuit de Pâques, nous recevions cette grâce d’être des témoins d’un Dieu qui nous appelle des ténèbres à Son admirable lumière,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de l’Exode 14,15-31.15,1a.
  • Livre de l’Exode 15,1b.2.3-4.5-6.17-18.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 6,3b-11.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 28,1-10 :

Après le sabbat, à l’heure où commençait à poindre le premier jour de la semaine, Marie Madeleine et l’autre Marie vinrent pour regarder le sépulcre.
Et voilà qu’il y eut un grand tremblement de terre ; l’ange du Seigneur descendit du ciel, vint rouler la pierre et s’assit dessus. Il avait l’aspect de l’éclair, et son vêtement était blanc comme neige.
Les gardes, dans la crainte qu’ils éprouvèrent, se mirent à trembler et devinrent comme morts.
L’ange prit la parole et dit aux femmes : « Vous, soyez sans crainte ! Je sais que vous cherchez Jésus le Crucifié. Il n’est pas ici, car il est ressuscité, comme il l’avait dit.
Venez voir l’endroit où il reposait. Puis, vite, allez dire à ses disciples : “Il est ressuscité d’entre les morts, et voici qu’il vous précède en Galilée ; là, vous le verrez.” Voilà ce que j’avais à vous dire. »

Vite, elles quittèrent le tombeau, remplies à la fois de crainte et d’une grande joie, et elles coururent porter la nouvelle à ses disciples.
Et voici que Jésus vint à leur rencontre et leur dit : « Je vous salue. »
Elles s’approchèrent, lui saisirent les pieds et se prosternèrent devant lui.
Alors Jésus leur dit : « Soyez sans crainte, allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée : c’est là qu’ils me verront. »