Homélie de la solennité de l’Epiphanie du Seigneur

6 janvier 2020

« Quand ils virent l’étoile, ils se réjouirent d’une très grande joie.
Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. »

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Texte de l’homélie :

Frères et sœurs,

A travers le récit des mages qui sont à la poursuite de cette étoile, nous avons un bel exemple de ce que peut-être la découverte du Seigneur et comment se mettre en route pour aller à Sa rencontre.
Si l’on en croit les écritures, il y a un signe, un signe qui est donné :

« Nous avons vu son étoile à l’Orient… »

C’est quelque chose qui attire leur attention. Vous rappelez peut-être que, dans la vocation de Moïse, il y a aussi un signe qui a été donné, celui du buisson ardent, qui brûlait sans se consumer, et l’écriture nous dit que Moïse a fait un détour pour l’observer car ce phénomène a attiré son attention
Dans toute rencontre avec le Seigneur, dans tout chemin de conversion, il y a comme l’irruption d’une nouveauté dans notre vie ordinaire.

On dit que ces mages sont des savants venus d’Orient qui, comme bien souvent dans l’Antiquité, scrutaient les étoiles, en ont distingué une parmi les autres et l’on interprété ainsi : il s’agit de l’étoile de celui qui devait être le roi d’Israël.

Dans notre vie, nous avons aussi des signes. Mais, pour que cela puisse être considéré comme un signe du Seigneur, il y a plusieurs conditions. Il faut tout d’abord que le signe soit parlant pour la personne qui le voit, la mette en mouvement, la touche intérieurement.
Par exemple, lors d’une ordination sacerdotale, il y a eu un arc en ciel. On le sait bien, dans la Bible, l’arc en ciel est le signe de l’alliance. Ainsi, pour celles et ceux qui assistaient à la célébration, c’était un signe que le Seigneur venait bénir le nouveau prêtre. Mais pour les personnes qui étaient à des centaines de kilomètres de là, c’était juste un phénomène de décomposition de la lumière du soleil par l’eau donnant un beau prisme de couleurs, mais il n’y avait pas de signe à proprement parler… c’est joli, mais c’est tout !
Pour que ce soit un signe, il faut que ça me fasse bouger intérieurement, comme les mages qui se sont mis en route, comme Moïse qui a fait un détour, comme tant et tant d’hommes et de femmes au cours de l’histoire de l’humanité qui ont découvert un signe du Seigneur et sont passés du connu à l’inconnu.

Le signe a cette vertu de nous mettre en route pour passer du connu à l’inconnu.
Ces mages étaient des savants, des personnes connues et reconnues, et ils sont sortis de leur zone de confort - comme on le dit aujourd’hui – pour suivre comme une intuition.
Le signe n’est pas la réalité : c’est l’avant goût de la réalité. Il nous invite à creuser plus loin, car il y a quelque chose d’inhabituel qui se présente.

Dans notre vie, il peut aussi y avoir des signes. Je crois que le Seigneur intervient dans nos histoires : dans l’Histoire de l’Humanité, ainsi que nos histoires, l’histoire de nos vies. A nous de repérer ces signes.

Comme je le disais, pour que ce signe soit reconnu comme tel, il faut qu’il me soit donné pour moi, qu’il me rejoigne et m’invite à me mettre en route.
Il faut aussi que ce soit validé d’une certaine manière. Mais qui peut le faire ? On peut très bien se faire des illusions : par exemple, il y a peut-être beaucoup de signes pour ne pas tout mettre sur sa feuille d’impôts… mais le fisc serait-il d’accord pour que l’on mette quelques petites choses de côté. Mais il assez clair que c’est le fruit de notre imagination qui nous pousserait qui nous pousserait à faire ça, car ce serait pour nous arranger. Pour que ce soit un signe, il faut qu’il me parle et qu’il soit validé par une autre personne.
Pour Moïse, Dieu lui parle à travers le buisson ardent :

« Enlève tes sandales car cette terre est sacrée . »

Et il reçoit cette mission.
Pour les mages, il suivent leur intuition, à l’écoute de ce pressentiment. C’est l’Espérance qui les motive, représentée par cette étoile : elle n’est pas seulement la vision, mais elle permet de déjà posséder les choses qui sont en attente.
L’Espérance dans la vie éternelle nous met en mouvement.

Le texte parle de leur très grande joie : non pas à la vue de l’enfant, mais à la vue de l’étoile.

« Quand ils virent l’étoile, ils se réjouirent d’une très grande joie. »

Nous pouvons ainsi remarquer que dans le signe, il y a l’avant goût du but : « ça y est ! on y est presque ! » Toute cette quête tous ces kilomètres parcourus à pieds, à dos de chameau… ça y est ! on l’entrevoit !
Et cette joie du signe va être validée ensuite par la rencontre avec le Seigneur. Pour nous aussi c’est pareil même si nous ne sommes plus au temps de la vie terrestre du Christ : nous sommes dans le temps de la Foi. Ainsi, pour nous, les signes devront être validés par quelqu’un qui est aîné dans la Foi. Vous pouvez aller soumettre un signe en demandant nu éclairage : « Une étoile est apparue dans ma vie, telle chose est apparue : vous qui êtes aîné dans la Foi, qu’en pensez-vous ? Est-ce un signe ? »
Si c’est un signe, il nous met en mouvement, il nous emmène plus loin. En d’autres termes, on ne rentre pas chez soi comme avant. De fait, après avoir rencontré le Christ, les mages ne reprirent pas la même route :

« Ils regagnèrent leur pays par un autre chemin. »

La découverte du Seigneur change nos plans. La rencontre avec le Seigneur – à travers ce signe de l’étoile – fait qu’ils sont retournés dans leur pays par un autre chemin non seulement au plan géographique - une autre route – mais aussi dans le sens qu’ils ont fait un cheminement intérieur. Ainsi, ils ne retournent pas comme ils sont arrivés : c’est tout à fait différent.
Et c’est en ça que le signe est un vrai signe : il opère un changement dans ma vie. Il y a comme l’irruption du sacré, quelque chose de l’anticipation du Ciel, une vraie joie. Ce n’est pas encore le Ciel, mais on se dit que l’on a raison d’y croire.
Ces savant ayant fait tout ce voyage ne peuvent pas repartir comme ils sont venus.

Et pour nous, il y a certainement des signes qui nous sont donnés au quotidien. Et l’on peut se faire accompagner pour valider ces signes : « Est-ce bien le Seigneur qui intervient dans mon histoire ? qu’est-ce qu’Il me demande ? »

De façon habituelle, nous célébrons les signes tous les dimanches, tous les jours. Comme vous le savez, les sacrements sont des signes : ce n’est pas la réalité elle-même, ce n’est pas Jésus dans Sa gloire auquel nous allons communier. Il s’agit bien d’une réalité présente, avec la présence réelle du Christ dans la Foi, signe de l’au-delà.
Notre étoile à nous, c’est l’Eucharistie. Chaque sacrement dans lequel Dieu se manifeste de façon certaine nous assure de Sa présence. Non pas que Dieu ne soit présent qu’à travers les sacrements, car Il est par définition en tout temps et en tout lieu, et Il peut se manifester par quelque canal qu’il choisisse.
Ce qui est intéressant, c’est que de façon certaine, nous avons un lieu de rencontre avec le Seigneur dans les sacrements. Et ce lieu de rencontre nous met en chemin, il nous sort de l’ordinaire et fait de nous des pèlerins.

Alors, quand on célèbre quotidiennement l’Eucharistie ou que l’on participe à la cérémonie dominicale, il y a toujours le risque d’une certaine accoutumance. Pourtant, c’est une invitation à aller plus loin.

Ainsi, le Seigneur nous demande à travers cette fête de l’Épiphanie de revêtir une grande humilité par rapport au chemin de chacun vers le Seigneur. Qu’est-ce qui met en route quelqu’un vers Lui ? c’est très mystérieux… c’est une expérience, c’est une pressentiment, une intuition, bien souvent à tâtons. Ces sages venus d’Orient ont certainement eu leurs moments de doute et on pu se demander : « Est-ce bien raisonnable de parcourir des centaines de milliers de kilomètres, ne sommes-nous pas à la poursuite d’une chimère ? »
Soyons donc très humbles par rapport à la manière dont les uns et les autres découvrent le Seigneur. Quand on entend des parcours de vie, des conversions, des personnes baptisés qui s’étaient éloignés de l’Église catholique et qui reprennent conscience et se tournent à nouveau vers le Seigneur. Quelque chose s’est passé qui fait qu’il y a un avant et un après, comme pour ces mages : ce n’est plus pareil.

Si nous sommes un peu aînés dans la Foi et plus habitués des « choses de Dieu », de la pratique religieuse, soyons attentifs à celles et ceux qui se mettent en chemin, parfois à travers la Foi populaire, à travers la dévotion : ils ont la soif de la transcendance et du Salut, d’une espérance.

Demandons l’intercession de la Vierge Marie, qu’Elle nous aide à être attentifs au passage du Seigneur dans nos vies, dans la vie des personnes que nous côtoyons. Puissions-nous les encourager, les soutenir. Que nous soyons aussi témoins : « Nous avons vu Son étoile et nous sommes allés nous prosterner devant Lui. » N’est-ce pas ce que nous faisons chaque dimanche ? Nous pouvons en témoigner.
Au fond, l’Évangile est fait de témoignages, et de témoignage en témoignage, nous sommes rendus là où nous en sommes aujourd’hui. Les signes ont été rapporté jusqu’à nous. Si les sacrements ont une dimension analogique – comme on le dit en philosophie : ils ont plusieurs significations - le grand signe par excellence, c’est le Christ.
Ce témoignage nous est venu des Apôtres, de ceux qui fait l’expérience de la présence du Christ et qui nous est transmis jusqu’à nos jours. Nous sommes alors invités à passer le témoin :

« Nous avons vu Son étoile et nous sommes venus nous prosterner. »

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Isaïe 60,1-6.
  • Psaume 72(71),1-2.7-8.10-11.12-13.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Éphésiens 3,2-3a.5-6.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 2,1-12 :

Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui. »
En apprenant cela, le roi Hérode fut bouleversé, et tout Jérusalem avec lui.
Il réunit tous les grands prêtres et les scribes du peuple, pour leur demander où devait naître le Christ.
Ils lui répondirent : « À Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète :
‘Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Juda, car de toi sortira un chef, qui sera le berger de mon peuple Israël.’ »

Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue ; puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : « Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, venez me l’annoncer pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui. »
Après avoir entendu le roi, ils partirent. Et voici que l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient les précédait, jusqu’à ce qu’elle vienne s’arrêter au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant.

Quand ils virent l’étoile, ils se réjouirent d’une très grande joie.
Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
Mais, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.