Texte de l’homélie :
L’année même où l’archevêque de Paris - Hyacinthe-Louis de Quélen - a autorisé la frappe de la Médaille Miraculeuse en 1832, un nouveau curé était nommé à Notre-Dame des Victoire, l’Abbé Desgenettes, qui se sentit vite accablé par l’incroyance du monde du négoce et de l’argent qui peuplait sa paroisse. Le 3 décembre, en célébrant la messe, il entendit une voix intérieure l’invitant à consacrer sa paroisse au Cœur Immaculé de Marie.
Aussi, les conversions se multiplièrent : la Toute Pure avait voulu Se révéler comme Refuge des pécheurs.
Si nous invoquons Marie sous le titre de Son Cœur Immaculé, c’est parce que nous sommes conscients et accueillants à la parole que l’ange dit à Joseph :
« C’est Lui qui sauvera Son peuple de ses péchés. »
Le livre de la Sagesse, un livre d’actualité
Sous nos difficultés, celles du monde, nous risquons bien souvent de nous trouver accablés - comme l’Abbé Desgenettes – devant ce monde qui vit dans le négoce, l’argent, la consommation, et par toutes les tribulations qui arrivent dans cette vie. La question est alors : « Comment reprendre espoir ? comment accueillir cette parole de Jésus sauveur ? »
Dans les lectures qui nous sont données d’aujourd’hui, nous avons ce livre de la Sagesse. On ne le prend pas si souvent dans la liturgie, mais c’est un livre intéressant, car il a été écrit à une période très proche de notre ère, soit une cinquantaine d’année avec la naissance de Jésus. C’est comme s’il contenait en condensé toute la théologie du visage de Dieu.
Ce visage nous est donné à travers une méditation sur la sagesse. Le livre contient trois parties :
- La première parle de la sagesse et de la destinée humaine
- La deuxième partie parle de son origine, de sa nature, de son action et comment l’acquérir,
- La troisième partie, d’où notre texte est tiré, c’est de l’œuvre de la sagesse et de Dieu dans l’histoire dont il s’agit.
Si l’on prend la lecture au début du chapitre 10, on voit qu’il reprend la Genèse d’une manière restreinte et regroupée. Puis, on passe à l’Exode qui va prendre toute la fin de cette partie, et qui va parler de toute l’histoire.
Ce qui est très étonnant, c’est que l’on ne va rapidement plus parler de l’œuvre de la sagesse, mais il est à la 2e personne : l’homme s’adresse à Dieu directement.
« Tu as pitié des hommes, tu fermes les yeux… »
« Tu aimes… »
Et toute l’histoire de la relation de Dieu avec Son peuple et qui le sauve, l’expérience de la vie d’Israël et de la vie chrétienne se passe dans l’Exode, avec la sortie d’Égypte, la sortie de l’esclavage.
Et nous avons une méditation qui va parler de l’œuvre et qui va sans doutes nous surprendre, à la manière d’une antithèse : l’eau, qui était l’instrument du châtiment pour les Égyptiens, devient œuvre du Salut avec la soif dans le désert et le rocher qui s’ouvre.
Il y a aussi une méditation qui nous amène à observer que Dieu châtie toujours avec modération, alors qu’Il aurait pu le faire très fortement sur les Egyptiens et Canaan. Mais pourquoi cette modération ?
Nous l’avons ici dans notre passage : C’est parce que Dieu est Tout-Puissant, Il est miséricordieux, Il est Amour. Comme nous le verrons plus tard, c’est l’œuvre de Sa justice.
Ainsi, dans la partie que nous entendons aujourd’hui, ce texte étonnant commence par nous décrire l’insignifiance de notre existence dans cet univers. Nous qui avons maintenant le sens d’un monde bien plus grand qu’on ne pouvait l’avoir à l’époque de Jésus, ces paroles prennent tout leur sens :
« Le monde entier est devant Toi comme un rien dans la balance : une goutte de rosée matinale qui descend sur la terre.
Et pourtant, Tu as pitié de tous les hommes… »
Pour quelle raison ? c’est parce que Tu peux tout ! Tu es miséricordieux, Tu aimes la vie. C’est la vie que le Seigneur nous donne.
On pourrait faire le commentaire de ce passage et voir comme il est en résonance avec tout le reste de la Bible. Et ici, on entend la parole du prophète Ézéchiel : ce n’est pas la mort du pécheur, mais sa conversion que veut le Seigneur et qu’il vive !
« Prendrais-je donc plaisir à la mort du méchant – oracle du Seigneur Dieu –, et non pas plutôt à ce qu’il se détourne de sa conduite et qu’il vive ? » (Ez, 18,23)
Alors, si nous sommes invités à nous mettre sous le vocable de Marie « Refuge des pécheurs », ce n’est pas pour trouver un abri comme dans quelque chose de statique, mais au contraire pour nous mettre en mouvement, car cela part de notre conversion. La grâce de notre baptême qui doit se déplier dans notre vie est donnée pour nous apprendre à suivre la volonté du Seigneur, à suivre cette volonté qui est vie, et à nous mettre en route petit à petit pour notre conversion pleine et entière.
Si Marie est ici invoquée comme source d’évangélisation, c’est bien l’expérience du Père Desgenettes. Et le Père Lamy a aussi voulu choisir cet exemple car il était aussi face à l’incroyance dans sa paroisse – que ce soit à Saint-Ouen ou à la Courneuve – frappé qu’il a été par ce travail d’évangélisation, qui pousse à inviter à ce que la vie de Dieu soit plus forte que la mort, que nos préoccupations d’hommes de ce monde qui nous entraînent à cacher notre vie, et non pas à la donner.
Un dieu qui vient nous sauver en habitant notre humanité
D’une manière étonnante, l’écrivain biblique revient sur ce travail de conversion :
« Tu aimes les vivants. Alors, ceux qui tombent, Tu les reprends peu à peu. »
Cette expression « peu à peu » reprend une phrase du Deutéronome qui montrait combien la sortie d’Égypte et la conquête de la Terre Sainte ne s’est pas fait de manière soudaine : elle s’est faite petit à petit.
Et dans la vie des Saints, nous voyons combien la grâce est appelée à être purifiée de plus en plus, à rentrer de manière plus intérieure. On a l’impression qu’ils sont déjà saints, et pourtant, ils ont le sens qu’il faut se laisser travailler toujours plus, petit à petit, pour qu’ils correspondent plus encore au projet de Dieu. La théologie le dit bien : Dieu s’est fait homme pour que nous devenions divins, pour que nous devenions membres du Christ, et que nous puissions porter Évangile de la vie à tout homme.
C’est dans cette dynamique que le Seigneur nous entraîne. Revenons toujours à cette grâce de Pâques, à cette grâce de conversion.
« Tu les reprends peu à peu, Tu les avertis.
Tu leur rappelle en quoi ils pèchent pour qu’ils se détournent du mal et croient en Toi. »
Nous avons vu dans cette Épitre aux Romains que Saint Paul a cette vision selon laquelle tout homme est pécheur, le païen comme le juif, et combien la grâce de Dieu a surabondé. Dans ce chapitre 5 que nous lisons, on envisage cette vie plénière qu’Il veut nous inviter à transmettre.
Demandons au Seigneur la grâce de grandir dans cette conversion - qu’elle soit personnelle, ou communautaire – et de demander refuge en Marie pour ne pas rester statiques mais bouger et porter l’Évangile, annoncer que Dieu libère.
Il faut cependant savoir expliquer comment Dieu nous libère
C’est une réalité qui peut surgir d’une manière étonnante, car on nous répondra que le monde est toujours soumis aux tribulations, et que le mal est bien présent autour de nous. Pourtant, d’une manière incroyable, le chapitre 5 commence ainsi :
« Ayant donc reçu notre justification de la Foi, nous sommes en paix avec Dieu, Lui qui nous a donné d’avoir accès à la Foi à cette grâce en laquelle nous sommes établis.
Et nous glorifions dans l’Espérance de la gloire de Dieu.
Nous nous glorifions encore dans les tribulations, sachant bien que la tribulation produit la constance, la constance, vertu éprouvée, la vertu éprouvée l’Espérance, et l’Espérance ne déçoit point parce que l’Amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint Esprit qui nous du donné. »
Alors, demandons à Marie, cette « étoile de l’Évangélisation » comme le disait Paul VI : Elle dont le cœur immaculé triomphera - Elle l’a montré plusieurs fois dans l’Histoire. Demandons-Lui vraiment de ne pas se laisser décourager, désarmer dans les tribulations, les difficultés, et d’entendre cette parole que « l’Esprit-Saint t’habitera ».
Pour Joseph, pour Marie, c’est un long chemin qui commence, mais c’est un chemin de Foi parce qu’ils ont cru dans la parole du Seigneur, alors la Parole du Seigneur a pu se déployer en eux.
Demandons de croire en la grâce qui nous a été donnée de nous laisser renouveler, de nous laisser entraîner à travers toutes les difficultés de cette vie pour que nous soyons porteurs de cette espérance et de cette grâce de la vie nouvelle pour beaucoup,
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre de la Sagesse 11, 23 - 12, 2.
- Psaume 1 Sam 2.
- Première lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 5,12. 17 à 19.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 1, 18-25 :
Voici quelle fut l’origine de Jésus-Christ : Marie, la mère de Jésus, avait été accordée en mariage à Joseph.
Or, avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l’action de l’Esprit-Saint.Joseph, son époux, qui était un homme juste, ne voulait pas la dénoncer publiquement. Il décida de la répudier en secret.
Il avait formé ce projet lorsque l’Ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie ton épouse. L’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit-Saint. Elle mettra au monde un fils auquel tu donnera le nom de Jésus, c’est à dire, « Le Seigneur sauve ». Car, c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés.
Tout cela arriva pour que s’accomplit la parole du Seigneur prononcée par le prophète : « Voici que la vierge concevra et elle mettra au monde un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel, qui se traduit : « Dieu avec nous ».
Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’Ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse.