Homélie de la fête de la Congrégation - Coeur Immaculé de Marie, Refuge des pécheurs

16 janvier 2023

Les lectures choisies pour ce jour sont celles de la fête du Cœur Immaculé de Marie, Refuge des pécheurs.

« Voici que la vierge concevra et elle mettra au monde un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel, qui se traduit : « Dieu avec nous » »

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Texte de l’homélie :

Pour nous permettre d’entrer dans l’esprit de notre congrégation, dans la grâce qui lui est faite par ce patronage du Cœur Immaculé de Marie, Refuge des pécheurs, il m’a paru opportun que nous nous laissions guider par le psaume qui a été choisi aujourd’hui. C’est le psaume 56 (57) qui a un titre qui lui donne une certaine place du maître de chœur sur l’air « ne détruis pas » de David à mi-voix lorsqu’il fuyait devant Saül dans la caverne.

« Ne détruis pas ! »

Comment ne pas se laisser prendre par la destruction de ce que l’on nomme le péché, de cette coupure de communion de la paix, de notre être profond, de notre vocation profonde à aimer, à être aimé et à donner le fruit que nous portons, que ce soit personnellement, dans les temps troublés, avec cette insécurité du point de vue national et international, mondial avec le climat, avec ce déclin de l’Église qui se précipite de manière plus visible et douloureux… « Ne détruis pas ! »

Avec David, le chantre par excellence de la prière – ce psaume est repris par Jésus, par Marie et par toute l’Église – nous voici au désert… Que ce soit dans la Bible ou ailleurs – on le nomme de différentes manières, comme par exemple le maquis, en Corse – le désert a de tout temps été un lieu de refuge dans les temps difficiles, les temps dramatiques, les temps d’épreuve.
On le voit même dans l’Apocalypse avec la femme qui est à la fois une figure de Marie – dont on dit qu’Elle est la première des sauvés comme le dit le chantre - et une figure de l’Église.

Aller au désert permet d’être préservé du mal, de le traverser, non pas pour y demeurer car le désert n’est pas un lieu habitable, mais au sens d’une traversée. Et le psaume va nous aider à faire cette traversée.

« Pitié mon Dieu, pitié pour moi ! En toi je cherche refuge !
Un refuge à l’ombre de tes ailes, aussi longtemps que dure le malheur… »

Nous avons besoin de trouver un refuge, mais pour cela il faut faire l’invocation de grâce avec cet appel « Pitié !, De grâce ! Fais-mois grâce ! »

Nous avons besoin de secours, d’aller puiser car nous n’arrivons pas à nous y retrouver simplement sur nos acquis, les choses que l’on connaît déjà, et il nous faut nous ouvrir. Et ce refuge « à l’ombre de tes ailes » - vous avez ici l’image de la poule qui garde ses petits – est pour la croissance.

Et la première qui vient c’est le cri vers le haut, vers Dieu qui fera tout pour moi !

« Du ciel qu’il m’envoie le salut !
Que Dieu envoie son amour et sa vérité ! »

L’épreuve, le péché et les difficultés nous forcent à crier. Les moines ont l’habitude de dire :

« Tant qu’on a pas encore crié pour notre survie, prié au niveau essentiel et fondamental de notre vie, c’est que l’on a pas encore commencé à prier. »

La prière est ce cri avec cette détresse mêlée à cette confiance en Dieu qui fera tout pour moi. C’est une constante dans la prière des psaumes et de l’Église de toucher notre misère tout en parvenant à lever les yeux, en renforçant notre Foi en se tournant vers le Seigneur. On le sait : du Ciel, Il m’envoie le Salut – sous le nom de Yeshua – Il nous envoie Son secours, Il nous envoie le Sauveur qui nous permet de marcher dans l’Amour et la vérité.
On sait combien c’est parfois difficile de garder les deux ensemble, mais Dieu nous donne de pouvoir le faire.

Après cette première réaction vient ensuite cette description de ce malheur avec deux images : la première est celle du lion et des bêtes féroces avec leurs dents qui lacèrent, et l’on descend au fond avec ce mal qui nous casse et nous broie… La deuxième est celle du filet de l’oiseleur qui nous prend au piège, duquel on ne peut pas sortir.

Au milieu, vous avez le contenu de ce cri, l’exposition entre les deux images. Le verset 6 vient ainsi comme un refrain :

« Dieu, lève toi, que ta gloire domine la terre ! »

Ces mots se rapprochent de ceux que l’on retrouve dans la prière du Notre-Père :

« Que ton règne vienne ! »

Et avec cette annonce à Marie, avec l’avènement de Jésus à la fête de Noël puis de l’Epiphanie : Dieu s’est manifesté pour que le règne vienne. Non pas de l’extérieur, comme si quelqu’un venait l’apporter, mais par cette vie nouvelle qu’Il vient nous communiquer.

Ensuite, il y a comme un deuxième temps : d’un côté le cri, et cette prière va produire comme un fruit, elle va ouvrir un deuxième temps :

« Mon cœur est prêt mon Dieu !
Je veux chanter, jouer des hymnes !
Éveille-toi ma gloire,
Éveillez-vous harpes cithares,
Que j’éveille l’aurore… »

De quoi s’agit-il ? au tout début du film La passion de Mel Gibson, qui est finalement une méditation, un chemin de Croix qui est rentré dans le septième art, quand Jésus rentre dans le moment de l’agonie, seul au jardin, quand le serpent, le mal tente de s’approcher, et qu’Il va rentrer dans cette angoisse pour porter tous les péchés du monde, Jésus prend ce verset. Comme c’est en Araméen, ce n’est pas facile à distinguer, mais voici ce qu’Il dit :

« Mon cœur est prêt, mon Dieu, mon cœur est prêt … »

C’est aussi cette attitude qui nous est montrée avec le cœur de Marie, celle de la prière profonde de l’Église, le refuge n’est pas fait pour nous enfermer mais pour réveiller quelque chose à l’intérieur de nous, une certaine disponibilité.

Comme je le disais tout à l’heure, le désert est un endroit, si longtemps que l’on y séjourne, ce n’est qu’un temps que l’on traverse. Et Jésus va l’affronter, avec ces paroles que l’on peut traduire ainsi : « mon cœur est fondé et affermi ». En Hébreux moderne, cela donne : exact, convenable, juste et approprié, « mon cœur est disponible », non pas pour nier ou inventer des choses pour éviter la situation, mais bien pour rentrer et mener le combat

On peut reprendre ces merveilleuses paroles qui a été compliqué pour les traducteurs :

« Éveille-toi ma gloire ! »

On ne comprend pas très bien, car on parle de la gloire de Dieu qui domine la terre, et qui devrait s’éveiller. Certains l’ont traduit par : « Éveille-toi mon âme », mais qu’est-ce que la gloire de Dieu ?

En reprenant la parole de Saint Irénée :

« La gloire de Dieu c’est l’homme vivant. »

Cet homme qui est pris dans les liens infernaux de la mort, dans l’enfermement, avec la grâce qu’il reçoit en son cœur, avec cet amour et cette vérité qui nous sont donnés. Car Dieu se comporte avec toute créature comme un père, et quand Ses enfants ont du mal, Il se mobilise, Il vient, Il descend et nous envoie le Salut en la personne de Jésus, qui est bien plus qu’un prophète !

« Éveille-toi ma gloire. »

Cela rappelle aussi un mot qui revient à travers la Bible. Les difficultés qui y sont racontées sont bien aussi grandes que celle que nous traversons dans notre monde, mais on voit à travers tous ces événements que Dieu Se mobilise, Il vient.

Et il va se passer un retournement :

« Je rendrai grâce parmi les peuples, Seigneur,
Je jouerai des hymnes en tout pays. »

On a ici le même mouvement que dans le psaume 21 qui est un psaume de supplication ;

« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?
J’appelle et tu ne réponds pas… »

Il y a toute cette description de cette lutte, de cette traversée du mal, et puis il y a ce renversement :

« Tu m’as répondu, alors je proclamerai ta louange dans la grande assemblée. »

Et les commentateurs anciens hébraïques disent que c’est comme une illustration de l’histoire d’Esther, comme quand elle se réveille à travers cet acte de courage en ce moment où elle est prête à défaillir, prise comme elle est dans les filets d’Amman qui a déclaré la mort du peuple. Elle doit affronter le roi dans une situation impossible, elle avance comme Jésus avance dans Sa Passion, accompagné de Marie debout au pied de la Croix.

Le psaume 21 a pour titre "La biche de l’aurore » qui renvoie à Esther ainsi qu’à cette position qui nous est donnée de traverser la nuit. La nuit est longue, mais il y a la grâce du Seigneur, le Salut qui nous est donné.
Et ce qui est intéressant dans ce psaume, ce qui permet de comprendre la grâce de la communauté, c’est de savoir qu’il y a ce passage, qu’il faut passer. Il y a cet accueil, ce refuge qui est donné aux pécheurs, par Marie et par Jésus, avec ce sens qu’en même temps, il y a quelque chose à communiquer.

« Ton amour est plus grand que les Cieux. Lève-toi Seigneur, que ton règne vienne ! »

Ce psaume dit que le Seigneur nous sauve pour que nous tenions nous-même cette grâce d’être des refuges des pécheurs, des refuges qui permettent à la personne d’être accueillie comme elle est, comme Jésus accueille chacun.

Dans sa catéchèse du mercredi, le Pape François vient de commencer un cycle sur le zèle apostolique. Et justement, en choisissant cette fête patronale, le Père Lamy a voulu mettre en avant le zèle apostolique. C’est à Notre-Dame des Victoires que cette invocation a été faite en premier dans la première moitié du XIXe siècle par un curé désespéré par la désertification de son église dans le quartier de la Bourse et qui fait appel à Marie. Et à partir de cette invocation, les fidèles reviennent et des conversions se produisent. Voici l’effet du zèle apostolique.

Et dans cette première catéchèse, le Pape montre Jésus qui accueille Marie. Nous avons l’habitude d’aborder les gens avec leurs qualités, de les figer dans leurs qualités. Alors, il prend l’exemple de Matthieu, ce Publicain collecteur d’impôts, collaborant avec les Romains. Et Jésus s’approche et rentre en relation avec une personne : Il le regarde, Il le voit, Il l’invite à se lever et à Le suivre.

C’est cette grâce qui est donnée – que nous vivons tant bien que mal et dans laquelle nous progressons grâce à votre prière et grâce à Dieu - de savoir qu’il y a un lieu pour nous. Si nous nous sentons perdus au milieu de ce monde, nous pouvons nous réfugier.
Le Seigneur entend notre cri et Il ne fait pas que l’entendre et nous construire un palais dans le désert pour que nous soyons bien, mais pour que nous puissions traverser ce désert et devenir nous-mêmes des communautés, des familles offrant un refuge pour les pécheurs.

Ce Salut, ce règne de Dieu qui ne viendra pas d’ailleurs et d’une manière mécanique, ou à travers des grands hommes, mais plutôt de nos cœurs qui accepteront de traverser le désert et de retrouver la force pour avancer, de retrouver la Vie que Jésus communique.

Il s’adresse à chacune des personnes pour aller chercher le cri et la douleur de chacun, et le désir de vie qui est le plus fort, cette vie qui est un don de Dieu et que nous sommes appelés à protéger et à garder pour laisser se développer cette graine d’amour, cette graine de vie, cette graine merveilleuse qu’Il a mise dans le cœur de chacun d’entre-nous,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de la Sagesse 11, 23 - 12, 2.
  • Psaume 1 Sam 2.
  • Première lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 5,12. 17 à 19.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 1, 18-25 :

Voici quelle fut l’origine de Jésus-Christ : Marie, la mère de Jésus, avait été accordée en mariage à Joseph.
Or, avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l’action de l’Esprit-Saint.

Joseph, son époux, qui était un homme juste, ne voulait pas la dénoncer publiquement. Il décida de la répudier en secret.

Il avait formé ce projet lorsque l’Ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie ton épouse. L’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit-Saint. Elle mettra au monde un fils auquel tu donnera le nom de Jésus, c’est à dire, « Le Seigneur sauve ». Car, c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés.

Tout cela arriva pour que s’accomplit la parole du Seigneur prononcée par le prophète : « Voici que la vierge concevra et elle mettra au monde un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel, qui se traduit : « Dieu avec nous » ».

Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’Ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse.