Homélie de la fête du Baptême du Seigneur

11 janvier 2016

L’Esprit Saint, sous une apparence corporelle, comme une colombe, descendit sur Jésus, et il y eut une voix venant du ciel :
« Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. »

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Texte l’homélie :

Chers frères et sœurs,

Quand vous êtes malades, quelles sont les personnes que vous aimez avoir auprès de vous ? … Habituellement, on aime avoir auprès de soi des gens qui nous aiment : nos proches, des membres de notre famille, des amis. Mais pas seulement, on aime aussi avoir un médecin, des infirmières ou des aides-soignantes, bref, des gens qui nous soignent. On a besoin des deux : des gens qui ont une compétence pour nous soigner et des gens qui savent être proches de nous quand on souffre.

Vous savez que dans le début de l’évangile de saint Matthieu, deux noms différents sont proposés pour le fils de Marie :

  • « Emmanuel, qui se traduit : ’Dieu-avec-nous’ » (Mt 1, 23) selon la prophétie d’Isaïe,
  • et « Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » (Mt 1, 21) selon la demande que l’ange adresse à Joseph.
    Jésus est à la fois celui qui se fait proche et celui qui vient nous sauver.

Pendant tout le temps de Noël, nous nous émerveillons davantage de la proximité que le Seigneur a voulue avec nous. Jésus est vrai Dieu et vrai homme. Le fils de Dieu a accepté d’être homme avec tout ce que cela comporte, sauf le péché. Aujourd’hui, en acceptant de se faire baptiser par Jean-Baptiste, Jésus se met au rang des pécheurs. Bien sûr, il n’a pas péché mais il accepte d’être considéré comme tel.
On ne pouvait imaginer proximité plus grande de Dieu avec nous.

Si nous visitons un hôpital psychiatrique, notre réflexe est de mettre une étiquette « visiteur » pour qu’on ne nous confonde pas avec les malades. Il y a quelques semaines, j’ai accompagné un homme qui était en cavale. Il voulait se rendre. Je l’ai donc accompagné à la gendarmerie.
Le gendarme qui nous accueillait avait un peu de mal à comprendre ce qui se passait. À un moment, il m’a proposé d’entrer aussi pour aller au cachot, mais je dois avouer que j’ai gentiment décliné cette aimable invitation !

Cette fête du baptême est comme une charnière. Lorsque nous récitons le rosaire, le baptême du Seigneur ne fait pas partie des mystères joyeux ; c’est déjà le premier des mystères lumineux. Le baptême du Seigneur anticipe déjà la mort et la résurrection du Christ. Il ne s’agit pas simplement de l’Emmanuel, « Dieu-avec-nous » mais de Jésus, « Le Seigneur sauve ».

Dans une première partie, je vais donc voir avec vous en quoi le baptême du Seigneur anticipe la mort et la résurrection du Christ. Dans une deuxième partie, nous verrons ce qu’il faut faire pour que cette fête ne nous reste pas étrangère, extérieure.

1 - Le baptême du Seigneur préfigure la mort et de la résurrection du Christ

En effet, Jésus descend dans l’eau comme il acceptera d’être immergé dans les flots de la mort. D’ailleurs dans un certain nombre d’icônes orientales, l’eau du Jourdain se présente comme un tombeau. Comme le dit saint Paul dans la deuxième lecture :

« Jésus s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien. »

Ensuite, lorsqu’il remonte, le ciel s’ouvre et la voix du Père déclare qu’il est son Fils bien-aimé. C’est ce qui adviendra lors de la résurrection qui nous ouvre le ciel.

Le ciel s’était fermé par le péché d’Adam. Aujourd’hui il s’ouvre à nouveau. La communion entre le ciel et la terre, entre Dieu et l’homme, est restaurée. Au moment de la mort de Jésus, le voile du temple, qui représente la voûte céleste, se déchirera aussi. La communication entre le ciel et la terre se rétablit. Inutile de dire le soulagement et la joie que l’on éprouve lorsque, dans nos relations, la réconciliation succède à la brouille.

L’Esprit descend sur Jésus comme une colombe. La forme sous laquelle l’Esprit est donné aide à comprendre le sens de la mission du Christ. C’est peut-être une allusion à l’Esprit de Dieu qui planait sur les eaux au moment de la création (Gn 1, 2 ) : avec Jésus, le nouvel Adam, nous est offerte une nouvelle création. La colombe fait aussi allusion à la colombe de Noé au moment du déluge (1 P 3, 20-21). Elle revient de l’état d’innocence après que le déluge a purifié la terre. Elle apporte le gage du pardon, de la réconciliation entre Dieu et l’humanité.

Le baptême de Jésus d’une part, et sa mort et résurrection d’autre part, forment comme une inclusion qui encadre toute la vie publique de Jésus. C’est tellement vrai que les premiers récits de l’évangile commençaient par le baptême et finissaient par la mort et la résurrection du Christ. Ce n’est que dans un deuxième temps que Matthieu et Luc ont rédigé des pages sur l’enfance de Jésus. C’est aussi le critère qui a été retenu pour choisir l’apôtre qui prendrait la place du traître Judas.

2 - Pour que cette grâce soit nôtre, il nous faut descendre

Il ne suffit pas d’être spectateur et d’applaudir devant ce que Jésus a fait pour nous. Si Jésus est descendu dans la mort puis ressuscité, ce n’est pas pour se donner en spectacle. S’il s’est fait homme, c’est pour nous. S’il est mort et ressuscité, c’est pour nous.

Cependant, pour que cela fasse effet en nous, il faut que nous acceptions d’entrer dans le mouvement du baptême : descendre en reconnaissant humblement nos péchés afin de pouvoir remonter, que le Ciel puisse s’ouvrir aussi pour nous et que nous puissions entendre aussi cette parole de la part de Dieu le Père : toi aussi, tu es mon fils bien-aimé.

Cette communion avec Dieu n’est pas possible tant que n’acceptons pas de descendre. Descendre, c’est déjà descendre en soi, rentrer en soi-même comme le fils prodigue, accepter de reconnaître le mal que nous avons fait sans nous justifier, sans essayer d’oublier en nous déculpabilisant. Descendre, c’est faire une démarche de vérité et d’humilité. C’est accepter d’être sauvé.

C’est dans la mesure où nous avons conscience de notre péché que la première lecture résonne comme une bonne nouvelle :

« Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu. Parlez au cœur de Jérusalem et proclamez (…) que son crime est pardonné.
(…) Élève la voix avec force, toi qui portes la bonne nouvelle à Jérusalem. »

La victoire dont il est question est la victoire sur le péché.

Dans notre vie chrétienne, ce mouvement de mort et de résurrection advient avant tout dans le baptême qui marque le début de notre vie chrétienne. Mais cela advient aussi dans la confession qui est comme un second baptême. Pas de Ciel sans descente préalable pour reconnaître notre misère.

Peut-être y a t-il deux choses qui nous retiennent pour descendre dans le Jourdain : le découragement d’abord : il y a sans doute des fautes contre lesquelles nous avons déjà beaucoup lutté mais dans lesquelles nous retombons souvent ; et alors nous sommes tentés de baisser les bras, d’arrêter la lutte. Mais Isaïe nous le redit : le Seigneur vient avec puissance. C’est lui qui aura le dernier mot.
L’orgueil ensuite et surtout qui regimbe à s’abaisser. Là encore , le Seigneur peut tout pour nous, mais seulement à partir du moment où nous reconnaissons avoir besoin de Lui.

Demandons à Marie de nous accompagner sur ce chemin d’humilité qui est en fait le vrai chemin de la grandeur humaine,

Amen !


Références des lectures :

  • Livre d’Isaïe 40,1-5.9-11.
  • Psaume 104(103),1c-3a.3bc-4.24-25.27-28.29-30.
  • Lettre de saint Paul Apôtre à Tite 2,11-14.3,4-7.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 3,15-16.21-22 :

Or le peuple était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Christ. Jean s’adressa alors à tous :
« Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus fort que moi. Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. »

Comme tout le peuple se faisait baptiser et qu’après avoir été baptisé lui aussi, Jésus priait, le ciel s’ouvrit.
L’Esprit Saint, sous une apparence corporelle, comme une colombe, descendit sur Jésus, et il y eut une voix venant du ciel :
« Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. »