Homélie de la fête du Baptême de Notre Seigneur

13 janvier 2020

« Dès que Jésus fut baptisé, il remonta de l’eau, et voici que les cieux s’ouvrirent : il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. Et des cieux, une voix disait :
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie. »

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Texte de l’homélie :

Chers frères et sœurs,
Il y a une bonne quinzaine de jours, nous avons célébré Noël : Dieu fait homme. Depuis lors nous avons fait un bond d’une trentaine d’années dans la vie de Jésus : trente années de vie cachée, trente années où Jésus a été « reconnu homme à son aspect » (Ph 2, 7).
Le baptême de Jésus est le moment charnière où se manifeste la Trinité pour donner le coup d’envoi de la vie publique de Jésus.

Avec vous ce matin, je voudrais commencer par m’émerveiller de l’humilité de l’humanité du Christ ; puis de la manifestation de la Trinité et de la divinité du Christ ; et enfin de l’onction reçue par le Christ pour sa mission.

L’humilité du Christ

Cette humilité du Christ qui se fait vraiment homme est tellement déroutante qu’il y a eu de nombreuses hérésies qui ont nié sa pleine humanité d’une manière ou d’une autre. Le fait que le Verbe de Dieu ait besoin d’apprendre à parler, le fait que le Fils de Dieu prenne le temps de tous les développements et les apprentissages de la vie humaine, cela est vraiment déroutant.
Certains préféreraient que Jésus soit un enfant hyper-précoce mais la Parole de Dieu ne nous dit rien de cela. Mis à part l’épisode de Jésus perdu et retrouvé au temple à 12 ans, la Parole ne nous dit rien de ces trente années de vie cachée, comme s’il n’y avait rien d’extraordinaire pendant tout ce temps. Méliton de Sardes dit que les années avant le baptême démontrent que l’humanité du Christ est en tout semblable à la nôtre.
D’autres voudraient que le Verbe de Dieu investisse un homme déjà pleinement fait au moment de l’onction du baptême et qu’il le quitte au moment de la Croix qui n’est pas digne de lui. Mais là encore, la Parole de Dieu ne nous présente pas les choses comme cela.

Certes les premiers récits de la vie du Christ commençaient par le moment du baptême (Evangile de Marc). Saint Pierre, dans le discours qu’il fait dans les Actes (Ac 10, 34-38) fait du baptême de Jésus le début de son histoire : c’est au baptême que Dieu “consacra Jésus de Nazareth dans l’Esprit Saint et la puissance”. Mais ce n’est pas pour nier toutes ces années de vie cachée où l’on a pu constater que l’humanité du Christ est semblable à la nôtre.
Voilà ce que nous dit la Parole de Dieu :

« Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. » (Ph 2)


Comme le dit l’épître aux Hébreux, Jésus « n’a pas honte de (nous) appeler ses frères » (Hb 2, 11). Il n’agit pas comme les pharisiens qui avaient une vraie générosité mais dont beaucoup ne voulaient pas se mêler aux pécheurs. Il ne se démarque pas de nous en faisant bien remarquer qu’Il est du côté du bienfaiteur et non pas du côté du malheureux qui a besoin d’être assisté.
Ce que nous dit la Parole de Dieu dans le baptême de Jésus, c’est qu’Il se laisse traiter comme un pécheur, Lui qui est sans péché :

« Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché » (2 Co 5, 21).

Le baptême de Jésus, dont nous faisons aujourd’hui mémoire, se situe dans cette logique de l’humilité : c’est le geste de Celui qui veut se faire en tout l’un de nous et se mettre dans la file avec les pécheurs. La scène de Son baptême au milieu des pécheurs est un prélude à la scène où Jésus est crucifié entre deux bandits.
D’ailleurs, plusieurs indices nous montrent que le baptême de Jésus est déjà l’annonce de sa mort en croix. Bref, nous contemplons l’incroyable humilité et charité du Christ venu Se mettre au rang des pécheurs (cf. Pape François, audience du 13 avril 2016).

La manifestation de la Trinité et de la divinité du Christ

Jésus s’est fait tellement semblable aux hommes qu’on aurait pu oublier qu’Il est vrai Dieu. Cette divinité du Christ, les apôtres vont la découvrir peu à peu pendant la vie publique de Jésus grâce à Ses discours et Ses miracles. Cela apparaîtra d’une manière plus éclatante encore lors de la résurrection du Christ. Comme le dit saint Paul dans les Actes des Apôtres, Dieu nous a donné une preuve certaine, une garantie sur Jésus en Le ressuscitant des morts (Ac 17, 31).
La résurrection apportera comme un sceau de vérité sur les paroles qu’Il avait prononcées pendant sa vie publique.

La résurrection apportera comme un sceau de vérité sur les paroles qu’Il avait prononcées pendant sa vie publique.

À l’occasion de Son baptême, la communion du Père et du Fils dans l’Esprit-Saint est manifestée. « Dès que Jésus fut baptisé, il sortit de l’eau ; voici que les cieux s’ouvrirent, et il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. Et des cieux, une voix disait : ’Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; en lui j’ai mis tout mon amour.’ »
Bien sûr cette communion des trois personnes divines est de toute éternité mais là, elle est manifestée. C’est d’ailleurs pourquoi le baptême est dans le prolongement de l’épiphanie. Cette divinité de Jésus est présentée dans sa relation au Père et à l’Esprit-Saint. Le Père manifeste ouvertement aux hommes la communion profonde qui le lie à son Fils.
Chers frères et sœurs, notre propre baptême nous insère dans cet échange d’amour réciproque qui existe en Dieu entre le Père, le Fils et l’Esprit Saint.
Le baptême de Jésus nous dit quelque chose de l’identité de Jésus-Christ qui est, comme nous le disons dans le credo, « vrai Dieu et vrai homme ».

L’onction pour la mission

Le baptême ne nous révèle pas seulement l’identité de Jésus mais Sa mission. L’être précède la mission.
Comme le dit saint Pierre dans la deuxième lecture :

« Jésus de Nazareth, Dieu l’a consacré par l’Esprit Saint et rempli de sa force.
Là où il passait, il faisait le bien, et il guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du démon.
Car Dieu était avec lui. »

L’Esprit Saint vient « oindre » Jésus, c’est-à-dire - dans le langage biblique - Le consacrer, L’investir des pouvoirs nécessaires à Sa mission.
Comme nous l’avons entendu pendant l’office des laudes de ce matin :

« L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction.
Il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, guérir ceux qui ont le cœur brisé, annoncer aux prisonniers la délivrance, et aux captifs la liberté, annoncer une année de bienfaits accordée par le Seigneur. » (Is 61, 1-2a)

Ces versets d’Isaïe sont d’abord vrais pour Jésus mais on les lit aussi lors de la messe chrismale lorsqu’on prie pour les évêques, les prêtres et les diacres. Mais ils sont vrais aussi de tous les chrétiens puisqu’ils ont reçu l’onction du baptême, puis – pour certains – celle de la confirmation ou même du sacerdoce.
D’après certains Pères de l’Eglise, « chrétiens » ne signifiait pas tant « partisans du Christ », comme le prétendaient les païens qui leur avaient donné ce nom pour la première fois à Antioche (cf. Ac 11, 26), que « participants à l’onction du Christ » (cf. saint Cyrille de Jér., Cat. myst. III, 1).
La première lecture nous dit bien la manière dont Jésus va remplir la mission qui lui est confiée :

« Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu en qui j’ai mis toute ma joie. J’ai fait reposer sur lui mon esprit (…).
Il ne criera pas, il ne haussera pas le ton, on n’entendra pas sa voix sur la place publique.
Il n’écrasera pas le roseau froissé, il n’éteindra pas la mèche qui faiblit, il fera paraître le jugement en toute fidélité. »

Conclusion :

Chers frères, lors de notre baptême, nous avons été plongés dans l’eau pour être purifiés du péché et devenir enfants de Dieu. Le baptême est-il encore pour nous une vraie grâce ? Lorsque nous sommes élus, choisis, par Dieu, c’est pour une mission.
Comme aime le répéter le pape François, nous ne sommes pas seulement disciples mais disciples-missionnaires. Cette expression « disciples-missionnaires » est le titre de la conférence des évêques latino-américains, en 2007, à Aparecida. Voici ce qu’il en dit :

« En vertu du baptême, nous devenons disciples missionnaires, appelés à apporter l’Évangile dans le monde (cf. Evangelii gaudium, n. 120) : « Chaque baptisé, quelle que soit sa fonction dans l’Église et le niveau d’instruction de sa foi, est un sujet actif de l’évangélisation… La nouvelle évangélisation doit impliquer que chaque baptisé soit protagoniste d’une façon nouvelle » (ibid.) de tous, de tout le peuple de Dieu, que chacun des baptisés soit protagoniste d’une façon nouvelle. Le peuple de Dieu est un peuple disciple — parce qu’il reçoit la foi — et missionnaire — parce qu’il transmet la foi. Et c’est ce qu’opère le baptême en nous : il nous donne la Grâce et transmet la foi.
Dans l’Église, nous sommes tous disciples, et nous le sommes pour toujours, pour toute la vie ; et nous sommes tous missionnaires, chacun à la place que le Seigneur lui a assignée. Tous : le plus petit est également missionnaire ; et celui qui semble plus grand est disciple. »
(Pape François, audience du 15 janvier 2014)

Que cette fête du baptême du Seigneur soit pour nous l’occasion de nous réjouir de ce que Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme n’a pas honte de nous appeler ses frères.
Et que ce soit l’occasion aussi de nous rappeler qu’Il nous envoie pour faire part aux autres de cette Bonne nouvelle,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Isaïe 42,1-4.6-7.
  • Psaume 29(28),1-2.3ac-4.3b.9c-10.
  • Livre des Actes des Apôtres 10,34-38.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 3,13-17 :

Alors paraît Jésus. Il était venu de Galilée jusqu’au Jourdain auprès de Jean, pour être baptisé par lui. Jean voulait l’en empêcher et disait :
— « C’est moi qui ai besoin d’être baptisé par toi, et c’est toi qui viens à moi ! »
Mais Jésus lui répondit :
— « Laisse faire pour le moment, car il convient que nous accomplissions ainsi toute justice. »
Alors Jean le laisse faire.

Dès que Jésus fut baptisé, il remonta de l’eau, et voici que les cieux s’ouvrirent : il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. Et des cieux, une voix disait :
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie. »