Homélie de la fête du Baptême de Notre Seigneur

15 janvier 2020

« Dès que Jésus fut baptisé, il remonta de l’eau, et voici que les cieux s’ouvrirent : il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. Et des cieux, une voix disait :
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie. »

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Texte de l’homélie :

La fête du baptême du Seigneur a bien de quoi nous étonner et il doit nous être tout naturel de partager la stupéfaction de saint Jean-Baptiste :

« C’est moi qui ai besoin de me faire baptiser par toi, et c’est toi qui viens à moi. »

Cependant, si nous voulons nourrir notre foi, nous devons prêter grande attention au mystère que nous célébrons en ce jour et, pour cela, gardons-nous de séparer le baptême du Seigneur de l’adoration des mages et de l’épisode de Cana.
La sainte liturgie, en effet, lie ces trois événements lorsqu’elle chante, comme antienne du Magnificat le jour de l’épiphanie :

« Nous célébrons trois mystères en ce jour. Aujourd’hui l’étoile a conduit les mages vers la crèche ; aujourd’hui l’eau fut changée en vin aux noces de Cana ; aujourd’hui le Christ a été baptisé par Jean dans le Jourdain pour nous sauver. »

Trois mystères de foi : nous pourrions dire tout aussi bien trois manifestations de la présence du sauveur de l’humanité, le Verbe de Dieu, le Fils éternel du Père qui a pris notre nature humaine pour la sauver, pour la sanctifier, pour lui faire partager sa propre vie, aujourd’hui par la foi, demain, si nous sommes fidèles à la grâce et persévérants dans la charité, dans le face à face éternel avec Dieu.

A l’enfant de Bethléem les mages ont offert l’or, parce qu’Il est roi, l’encens, parce qu’Il est Dieu, la myrrhe, parce qu’Il a réellement épousé notre condition humaine, soumise à la faiblesse et à la mort.
A Cana, par le miracle de l’eau changé en vin, le Christ manifeste Sa gloire et Sa puissance. L’évangéliste saint Jean nous rapporte qu’à la vue de ce signe, les disciples crurent en lui.
Mais c’est tout l’évangile qui montre combien la gloire de Dieu se manifeste d’une manière étonnante dans le salut des hommes réalisé par Jésus-Christ. Une prière de l’offertoire de la forme extraordinaire, reprise dans une oraison du temps de Noël, l’exprime de façon particulièrement heureuse dans sa concision :

« Dieu qui avez d’une manière admirable créé la nature humaine dans sa noblesse, et l’avez restaurée d’une manière plus admirable encore, accordez-nous de prendre part à la divinité du Christ qui a daigné partager notre humanité. »

C’est là l’expression du merveilleux échange que nous célébrons tout au long du temps de Noël, temps qui s’achève par cette fête du baptême du Seigneur. Cette œuvre merveilleuse, le Christ l’inaugure aujourd’hui en recevant des mains du baptiste le baptême de pénitence.
Mais il convient ici d’éviter toute erreur : certes, il n’est pas un seul parmi nous qui oserait penser que le Seigneur ait quelque faute à regretter, quelque péché à expier. Et nous comprenons bien l’étonnement de saint Jean-Baptiste. Mais il serait aussi hasardeux de voir dans cet événement de la vie du sauveur la fondation, en quelque sorte, du baptême chrétien. D’ailleurs Jean ne devait-il pas affirmer :

« Pour moi je baptise dans l’eau en vue du repentir ; mais celui qui vient derrière moi vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. »

Mais alors, quelle est la signification du baptême du Seigneur dans le Jourdain ?
Si nous revenons à l’admirabile commercium, à l’admirable échange que nous avons célébré dans la nuit de Noël, nous avons la clef du mystère. Certes le Christ a pris notre nature humaine, mais cette nature humaine n’est pas intacte, elle n’est plus ce chef d’œuvre de nature et de grâce sorti des mains du créateur, né de son souffle au matin, au seuil de l’aventure humaine. Le péché l’a défiguré et la mort - conséquence du péché - a fermé le paradis et a obstrué le chemin du seul bonheur de l’homme, la communion avec Dieu.
En se plongeant dans les eaux du Jourdain, les juifs manifestaient leur désir de purification, leur volonté de se convertir enfin au Dieu du salut. De manière symbolique, ils laissaient en quelque sorte leurs péchés au fond de l’eau. Et en se plongeant dans les mêmes eaux, le Christ, quant à lui, fait le mouvement inverse si je puis dire. Ces péchés, il les prend, il les porte et il nous en délivre puisqu’il est l’Emmanuel, Dieu avec nous, celui qui nous sauve et nous rachète.
Voilà pourquoi Jean Le désigne comme l’Agneau de Dieu qui porte et qui enlève le péché du monde.

L’événement du Jourdain inaugure la vie publique du Christ. Aujourd’hui Il débute cette course de géant, ce combat victorieux qu’Il mène durant trois ans en Galilée, puis en Judée et à Jérusalem, contre Satan, contre le Prince de ce monde, contre le royaume des ténèbres et du désespoir.
Ce combat, chaque chrétien selon sa grâce et sa vocation, y est associé. Ce qui est réalisé une fois au jour de notre baptême doit être encore vécu au quotidien dans la fidélité d’une vie toute donnée au Christ, toute consacrée à son règne. Ce salut est offert à tous, à condition de reconnaître en Jésus-Christ le sauveur, le messie annoncé par les prophètes.

Notre première lecture nous a rapporté un des multiples oracles d’Isaïe annonçant la venue d’un sauveur, d’un élu, en qui Dieu a fait reposer Son Esprit, et qui établira entre l’humanité et le Père céleste une alliance éternelle. Cette alliance, nous y participons chaque fois que le saint sacrifice de la messe est offert.
Pour appartenir au peuple élu, nul besoin de naître juif. Il suffit de reconnaître le Christ comme Seigneur, c’est à dire comme notre Dieu et notre sauveur. C’est ce que déclare Pierre chez le centurion de l’armée romaine et c’est ce que l’Église, depuis deux mille ans, en fidélité parfaite à l’enseignement apostolique, enseigne avec l’autorité qui lui vient du Saint-Esprit lui-même.
Mais le baptême du Seigneur a quelque chose de plus, si j’ose dire, par rapport à l’Épiphanie et à l’épisode de Cana. Dans ces événements, en effet, c’est le Christ qui Se manifeste comme Dieu et sauveur, comme homme et médiateur. Mais au baptême, c’est la Trinité tout entière qui se révèle :

« Les cieux s’ouvrirent, l’Esprit Saint descendit sur le Christ comme une colombe et vint sur lu. Et des cieux a voix du Père disait : celui-ci est mon Fils bien-aimé : en lui j’ai mis tout mon amour. »

Nous découvrons le mystère même de Dieu à travers l’œuvre de salut qu’il réalise en notre faveur. Alors rendons grâce à Dieu de nous avoir donné un pareil Sauveur, l’Agneau de Dieu qui porte, qui enlève le péché du monde,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Isaïe 42,1-4.6-7.
  • Psaume 29(28),1-2.3ac-4.3b.9c-10.
  • Livre des Actes des Apôtres 10,34-38.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 3,13-17 :

Alors paraît Jésus. Il était venu de Galilée jusqu’au Jourdain auprès de Jean, pour être baptisé par lui. Jean voulait l’en empêcher et disait :
— « C’est moi qui ai besoin d’être baptisé par toi, et c’est toi qui viens à moi ! »
Mais Jésus lui répondit :
— « Laisse faire pour le moment, car il convient que nous accomplissions ainsi toute justice. »
Alors Jean le laisse faire.

Dès que Jésus fut baptisé, il remonta de l’eau, et voici que les cieux s’ouvrirent : il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. Et des cieux, une voix disait :
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie. »