Homélie de la célébration des obsèques de Frère Philippe

22 avril 2025

Le Père Eric de Thézy et la Congrégation des Serviteurs de Jésus et de Marie ont la tristesse de vous annoncer le décès de Frère Philippe CONSTANS survenu le lundi 21 avril 2025 en sa 84e année - en la 37e année de ses vœux - des suites de sa maladie. Les frères ont offert une très belle célébration.
Veuillez retrouver l’homélie prononcée par Père Eric :

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie

« La solennité de la Toussaint est ‘notre’ fête : non pas parce que nous sommes de braves personnes, mais parce que la sainteté de Dieu a touché notre vie. Les saints ne sont pas des modèles parfaits, mais des personnes traversées par Dieu. Nous pouvons les comparer aux vitraux des églises, qui font entrer la lumière selon différentes tonalités de couleurs. Les saints sont nos frères et sœurs qui ont accueilli la lumière de Dieu dans leur cœur et l’ont transmise au monde, chacun selon sa propre ‘tonalité’. Mais ils ont tous été transparents, ils ont lutté pour ôter les taches et les zones sombres du péché, de façon à faire passer la douce lumière de Dieu. Voilà le but de la vie : faire passer la lumière de Dieu ; et c’est aussi le but de notre vie. » (PF 1 nov. 2017)

Chers frères et sœurs, en citant cette phrase du pape François à la Toussaint 2017, mon intention n’est pas de canoniser prématurément frère Philippe. Mon intention est plutôt de mettre en valeur certains passages de la Parole de Dieu qui ont résonné plus particulièrement en frère Philippe.
Lorsqu’entre frères nous avons commencé à réfléchir à la phrase que nous mettrions sur l’image souvenir de frère Philippe, la première qui est venue est celle-ci : « Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait ». D’ailleurs, frère Philippe affectionnait la croix d’une de ses tantes religieuses Fille de la Charité sur laquelle cette phrase est gravée. Au verso de cette croix sont représentées les œuvres de miséricorde citées dans l’évangile que nous venons d’entendre.

Parmi les témoignages que nous avons reçus, beaucoup évoquent une attitude simple et humble. Cela nous a conduits à choisir la première lecture où saint Pierre nous invite à une humble attitude de service. Cette même lettre évoque le combat spirituel auquel frère Philippe était très attentif.

“Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.”

Partons de l’Évangile : Lorsque frère Philippe a désiré donner sa vie à Jésus, cela ne signifiait pas qu’il entrait dans une bulle d’indifférence à l’égard de tous ceux qui étaient confrontés à la souffrance, bien au contraire. Pour lui, donner sa vie à Jésus, c’est aussi donner sa vie aux pauvres. Sa manière de traduire son amour des pauvres ne passait pas par de savants enseignements mais plutôt par un témoignage de vie et des services très concrets.
Il a pu vivre cela dans des contextes variés : après avoir fait le catéchisme à Morlincourt, il a passé plus de 10 ans au Brésil dans le cadre de l’œuvre Points-Coeur. Puis il a rejoint notre communauté d’Argentine pendant une vingtaine d’années.
Certains ont fait le rapprochement avec le pape François retourné au Père le même jour : « c’étaient deux hommes proches des petits, des pauvres ». Frère Philippe était à l’aise avec les pauvres.

Dans la lettre apostolique qu’il a écrite pour commencer le nouveau millénaire, Jean-Paul II a des paroles très éclairantes :

« Personne ne peut être exclu de notre amour, à partir du moment où, ‘par son incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni à tout homme’ (Gaudium et spes, n. 22) … Dans la personne des pauvres il y a une présence spéciale du Fils de Dieu qui impose à l’Église une option préférentielle pour eux. » (Jean-Paul II, Novo Millenio Ineunte n° 49)

Chiara Lubich, la fondatrice des Focolari, dit elle-aussi :

« Le frère nous est même apparu comme une “voûte” sous laquelle passer pour rencontrer Dieu. » (Chiara Lubich, Dieu cœur de l’homme, Nouvelle Cité, 1979, pp. 132-133)

En cela frère Philippe était fidèle à une belle tradition. Il suffit de penser à saint Martin, saint Vincent de Paul (l’une de ses tantes était fille de la charité), et une multitude de figures de sainteté.

Pour frère Philippe, refuser ses services aux pauvres aurait été refuser ses services à Jésus. Cela ne signifie pas que les pauvres étaient transparents et qu’il ne voyait que Jésus sans voir les pauvres. C’était vraiment aux pauvres à la première personne qu’il aimait rendre service de multiples manière. Mais pour lui, cela faisait tout un avec sa consécration à Jésus.

« Bien-aimés, vous tous, les uns envers les autres, prenez l’humilité comme tenue de service »

Une deuxième phrase sur laquelle j’aimerais m’arrêter brièvement est tirée de la première lecture. En effet, comme nous l’avons dit : frère Philippe était à l’aise avec les pauvres. Mais l’inverse était vrai aussi : les pauvres étaient à l’aise avec frère Philippe. En effet, frère Philippe ne se plaçait pas en surplomb. D’ailleurs, un autre rapprochement a été fait avec le pape François : « Tous deux demandaient la prière des autres ».
Les gens ne se sentaient pas regardés de haut. Sa simplicité les mettait à l’aise. En cela il a bien honoré le nom de notre congrégation : « les Serviteurs de Jésus et de Marie ».

Nous savons bien qu’il n’est pas toujours facile de se mettre dans la situation de serviteur. Il y a beaucoup de freins qui peuvent nous en empêcher. Un des premiers freins est certainement la peur de se faire avoir. La crainte de se faire « utiliser », d’être « réduit » au rang de serviteur est très présente aujourd’hui dans une culture très narcissique et individualiste.

Un autre frein est la rancœur. Quand on a vécu des expériences douloureuses où l’on a abusé de notre confiance, où on n’a pas reçu la reconnaissance qu’on attendait, … cela peut être difficile de se donner à nouveau.

On peut aussi être pris de vertige devant l’ampleur des besoins et de ce fait se décourager d’avance. Certains désirent aussi se protéger émotionnellement en restant à distance de la souffrance des autres.
Quand il voyait un besoin auquel il pouvait répondre, je crois que frère Philippe ne se faisait pas des nœuds dans la tête. Il venait en aide tout bonnement aux autres. Et il ne cherchait sûrement pas à se mettre en valeur. Il était plus à l’aise derrière un pilier qu’au centre de l’attention.

« Soyez sobres, veillez : votre adversaire, le diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer. »

Une troisième phrase est également tirée de la première lecture et le psaume 31 y fait écho. C’est une face plus austère dans la vie de notre frère : le combat spirituel. Vous savez peut-être qu’un de ses livres de chevet préférés était le « Le combat spirituel » de Lorenzo Scupoli. C’est un livre ancien, du XVIe siècle, que saint François de Sales recommandait beaucoup.

Frère Philippe ne concevait pas qu’on puisse dire de manière légère et inconsciente « On ira tous au Paradis ». Certes, c’est le désir de Jésus qui veut tous nous sauver. Mais ce n’est pas automatique. Il faut lutter contre nos défauts et travailler sur nous-mêmes.

Saint Paul le dit clairement :

« Méprises-tu ses trésors de bonté, de longanimité et de patience, en refusant de reconnaître que cette bonté de Dieu te pousse à la conversion ? » (Rm 2)
« Allons-nous demeurer dans le péché pour que la grâce se multiplie ? Pas du tout. Puisque nous sommes morts au péché, comment pourrions-nous vivre encore dans le péché ? » (Rm 6)

Il y a vraiment une démarche de vérité à accomplir : « la vérité vous rendra libres » (Jn 8, 32)

Cette attitude d’éveil va de pair avec la confiance en la miséricorde de Dieu. Le deuxième livre de chevet de frère Philippe était en effet le « Petit Journal » de sœur Faustine. Saint Jean le dit très bien dans sa première lettre :

« Mes petits enfants, je vous écris cela pour que vous évitiez le péché. Mais si l’un de nous vient à pécher, nous avons un défenseur devant le Père : Jésus Christ, le Juste. 02 C’est lui qui, par son sacrifice, obtient le pardon de nos péchés, non seulement les nôtres, mais encore ceux du monde entier. » (1 Jn)

Comme le dit le Psaume :

« Le Seigneur est miséricordieux et compatissant, lent à la colère et riche en bonté. […] Il ne nous traite pas selon nos péchés. » (Ps 103)

Le Psaume 31 lu en écho de la première lecture dit bien cette joie du pécheur qui se sait pardonné par Dieu.
C’est en contemplant la croix de Jésus que l’on peut allier allier au mieux la vive conscience de nos péchés et la confiance en la miséricorde de Dieu. Le Christ, en croix, révèle à la fois la gravité du péché (car il a fallu qu’Il meure pour nous en sauver) et l’immensité de l’amour divin (car Il l’a fait par amour) : plus je prends conscience de mes péchés, plus je comprends que j’ai besoin d’un Sauveur ; plus je découvre combien Jésus m’aime, plus je désire me détourner du péché.

En conclusion, je ne peux faire moins que d’évoquer ses talents de guitariste. Comme le disait quelqu’un :

« Que Frère Philippe qui a tant loué le Seigneur de son vivant guitare à la main poursuive ses louanges et intercède pour la congrégation et nous tous ! »

Frère Philippe compte vraiment sur notre prière auprès de Jésus et Marie. Continuons cette messe en offrant le sacrifice de Jésus pour lui et en unissant nos prières pour qu’il entre dans la lumière de Dieu.

Textes choisis pour la célébration

Lecture de la première lettre de saint Pierre apôtre (5, 5b-11) (pour la fête de saint Marc) :

Bien-aimés, vous tous, les uns envers les autres, prenez l’humilité comme tenue de service. En effet, Dieu s’oppose aux orgueilleux, aux humbles il accorde sa grâce. Abaissez-vous donc sous la main puissante de Dieu, pour qu’il vous élève en temps voulu. Déchargez-vous sur lui de tous vos soucis, puisqu’il prend soin de vous. Soyez sobres, veillez : votre adversaire, le diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer. Résistez-lui avec la force de la foi, car vous savez que tous vos frères, de par le monde, sont en butte aux mêmes souffrances. Après que vous aurez souffert un peu de temps, le Dieu de toute grâce, lui qui, dans le Christ Jésus, vous a appelés à sa gloire éternelle, vous rétablira lui-même, vous affermira, vous fortifiera, vous rendra inébranlables. À lui la souveraineté pour les siècles. Amen.

Psaume 31 - Enlève, Seigneur, l’offense de ma faute (11e dim C)

Heureux l’homme dont la faute est enlevée, et le péché remis !
Heureux l’homme dont le Seigneur ne retient pas l’offense, dont l’esprit est sans fraude !
Je t’ai fait connaître ma faute, je n’ai pas caché mes torts.
J’ai dit : « Je rendrai grâce au Seigneur en confessant mes péchés. »
Et toi, tu as enlevé l’offense de ma faute.
Tu es un refuge pour moi, mon abri dans la détresse, de chants de délivrance, tu m’as entouré. L’amour du Seigneur entourera ceux qui comptent sur lui.
Que le Seigneur soit votre joie, hommes justes !
Hommes droits, chantez votre allégresse !

Évangile selon saint Matthieu 25, 31-40

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs : il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche.
Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite :
— “Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !”
Alors les justes lui répondront :
— “Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… ? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ? tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ? tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?”
Et le Roi leur répondra :
— “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.”


Galerie photos

Portfolio

  • La consécration
  • Le choeur des frères
  • Absoute
  • La prière universelle lue par la famille de Frère Philippe
  • Cimetière de la communauté