Homélie de la Pentecôte

13 juin 2014

Ayant ainsi parlé, il répandit sur eux son souffle et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint.
Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus. »

Il n’y a pas d’enregistrement audio pour cette homélie, veuillez nous en excuser…

Texte de l’homélie :

Frères et sœurs bien-aimés, pouvez-vous me dire le lien qu’il y a entre la fête de la Pentecôte et celle de Pâques ? Vous me direz peut-être : l’une est au début du temps pascal et l’autre à son terme. Mais plus profondément ?

La Résurrection : rupture ou réponse ?

L’effet inattendu de la résurrection de Jésus :

Nous pouvons voir le temps de Pâques comme un temps d’incubation. Le jour de Pâques, les apôtres sont mis devant une nouvelle inouïe : Jésus est ressuscité d’entre les morts. Le tombeau vide, les apparitions de Jésus ressuscité, la relecture des Écritures les aide à assimiler petit à petit cette nouvelle inouïe.

Mais il y a plus. Peu à peu, les apôtres entrevoient les conséquences immenses de cette nouvelle : cela signifie que le péché et la mort n’ont plus le dernier mot, non pas seulement pour Jésus, mais pour l’humanité entière. Cela vaut la peine d’aimer jusqu’au bout, même si pour un temps le mal semble avoir le dessus.

Jusque là, les apôtres ne voyaient pas toute la pertinence, toutes les conséquences de la résurrection de Jésus. Ce n’est pas seulement le fait que Jésus soit sorti personnellement du tombeau. Cela signifie que la mort n’a plus le dernier mot, que cela vaut la peine de faire confiance en notre Père du Ciel, qu’il ne faut plus désespérer.

Le temps pascal comme un temps d’incubation

Le temps pascal est vraiment un temps d’incubation. L’œuf de Pâques – si vous me permettez l’image – arrive à éclosion le jour de la Pentecôte. Le cénacle, c’est donc la couveuse qui a permis cette éclosion. Ce ne sont pas trois semaines mais sept semaines qu’il a fallu pour que la nouvelle fabuleuse de la résurrection de Jésus soit proclamée avec hardiesse au grand jour.
Tout le temps pascal est le temps où s’enracine cette conviction de la résurrection de Jésus et de son impact pour l’humanité entière.
C’est beaucoup mieux qu’Archimède qui, selon la légende, sort de sa baignoire pour parcourir la ville en criant : « eurêka, j’ai trouvé ! » à propos de la densité des objets qui se révèle lorsqu’ils sont plongés dans l’eau…

La résurrection de Jésus donne la réponse à une question autrement plus existentielle qui touche à la présence du mal et du péché dans le monde. Ce n’est pas une réponse théorique mais une espérance pour notre vie concrète. Elle ne concerne pas une idée mais une personne concrète qui nous aime : Jésus.

La Pentecôte : l’éclosion !

La Pentecôte, c’est le matin où le vin nouveau fait éclater les outres. Les apôtres ne peuvent plus rester enfermés dans le Cénacle. Il y a un feu qu’ils ne peuvent plus contenir (Jr 20) .
Ce changement, c’est l’Esprit-Saint qui l’a opéré petit à petit dans les apôtres et qui les pousse hors du cénacle en ce jour. Leur conviction renverse tous les scepticismes auxquels ils sont confrontés : Jésus est ressuscité, et alors ? » Alors ils voient justement que tout est changé.
Comme le dit le pape François dans son exhortation apostolique sur l’évangélisation :

« L’Esprit Saint infuse la force pour annoncer la nouveauté de l’Évangile avec audace, (parresia), à voix haute, en tout temps et en tout lieu, même à contre-courant. » (EG n° 259)

Leur annonce ne manque pas d’âme ni de souffle.

« L’Esprit Saint est l’âme de l’Église évangélisatrice. » (EG n° 261)

Que s’est-il passé dans le Cénacle ?

Pour prendre une autre image, le cénacle, c’est la bouilloire que l’on met sur le feu. Dans l’expérience communautaire du cénacle, les cœurs se réchauffent. Selon le pape François, ce réchauffement du cœur a deux effets :

Un amour personnel

La première c’est la conviction et un amour concernant la personne de Jésus. Cette conviction, c’est l’Esprit-Saint qui vient la graver dans les cœurs. Peut-être avez-vous noté la phrase par laquelle commence la deuxième lecture de ce jour :

« Frères, sans le Saint-Esprit, personne n’est capable de dire : "Jésus est le Seigneur". » (1 Co 12, 3)

Jésus, que les hommes ont crucifié, Dieu l’a ressuscité d’entre les morts.
L’Esprit-Saint nous rend convaincus de cette réalité :

« L’Évangile répond aux nécessités les plus profondes des personnes, (…) aux demandes les plus profondes des cœurs. (…)
L’enthousiasme dans l’évangélisation se fonde sur cette conviction. Nous disposons d’un trésor de vie et d’amour qui ne peut tromper. » (EG n° 265)

« Avoir connu Jésus n’est pas la même chose que de ne pas le connaître, que marcher avec lui n’est pas la même chose que marcher à tâtons (…). Nous savons bien qu’avec lui la vie devient beaucoup plus pleine et qu’avec lui, il est plus facile de trouver un sens à tout.
C’est pourquoi nous évangélisons. » (EG n° 266)

Je ne comprends pas tout le mystère de Dieu ; je ne l’expérimente pas dans sa totalité. Mais ce que je vois, c’est que cela change ma vie. Là où le Christ est accueilli non pas comme une idéologie mais comme quelqu’un qui est mort et ressuscité : les gens sont meilleurs ; il y a plus d’amour ; la personne humaine est mieux respectée dans sa dignité.

Un amour universel

Dans le Cénacle, une deuxième chose est donnée. Pas seulement un amour de Jésus mais aussi un amour de son peuple.
Je vous cite encore le pape François :

« Pour être d’authentiques évangélisateurs, il convient aussi de développer le goût spirituel d’être proche de la vie des gens, jusqu’à découvrir que c’est une source de joie supérieure.
La mission est une passion pour Jésus mais, en même temps, une passion pour son peuple.
Quand nous nous arrêtons devons Jésus crucifié, nous reconnaissons tout son amour qui nous rend digne et nous soutient, mais, en même temps, si nous ne sommes pas aveugles, nous commençons à percevoir que ce regard de Jésus s’élargit et se dirige, plein d’affection et d’ardeur, vers tout son peuple. » (EG n° 268)

« Parfois, nous sommes tentés d’être des chrétiens qui se maintiennent à une prudente distance des plaies du Seigneur. Pourtant, Jésus veut que nous touchions la misère humaine, la chair souffrante des autres. Il attend que nous renoncions à chercher ces abris personnels ou communautaires qui nous permettent de nous garder distants du cœur des drames humains, afin d’accepter vraiment d’entrer en contact avec l’existence concrète des autres et de connaître la force de la tendresse. Quand nous le faisons, notre vie devient toujours merveilleuse et nous vivons l’expérience intense d’être un peuple, l’expérience d’appartenir à un peuple. » (EG n° 270)

« L’amour pour les gens est une force spirituelle qui permet la rencontre totale avec Dieu (…). Ainsi, quand nous vivons la mystique de nous approcher des autres, afin de rechercher leur bien, nous dilatons notre être intérieur pour recevoir les plus beaux dons du Seigneur. (…) Il en ressort que, si nous voulons grandir dans la vie spirituelle, nous ne pouvons pas cesser d’être missionnaires. (…) Un missionnaire pleinement dévoué, expérimente dans son travail le plaisir d’être une source, qui déborde et rafraîchit les autres. » (EG n° 272)

Frères et sœurs, en conclusion, la Pentecôte n’est pas un événement du passé. Elle est pour nous aujourd’hui. D’ailleurs nous voyons qu’il y a plusieurs Pentecôtes :

  • Il y a déjà celle du soir de Pâques qui est relatée dans le texte d’évangile d’aujourd’hui.
  • Il y a aussi celle dont nous avons le récit dans la première lecture.
  • Si vous lisez les Actes des Apôtres vous en trouvez encore une au chapitre 4 :

    « Quand ils eurent fini de prier, le lieu où ils étaient réunis se mit à trembler, ils furent tous remplis du Saint-Esprit et ils disaient la parole de Dieu avec assurance. » (Ac 4, 31)

Cette pentecôte nous est offerte aujourd’hui à deux conditions :

  • Que vous acceptiez d’aller dans la « couveuse » du Cénacle, c’est-à-dire de prier en communion avec vos frères et avec la Vierge Marie.
  • Que vous acceptiez aussi de ne pas vous laisser retenir par la peur, l’égoïsme, le respect humain, l’attachement à son bien-être et son confort…
    Il ne faut pas nous laisser gagner par le pessimisme, le fatalisme, la méfiance. Comme le dit le pape François : [( « Certaines personnes ne se donnent pas à la mission, car elles croient que rien ne peut changer et pour elles, il est alors inutile de fournir des efforts. Elles pensent ceci : “Pourquoi devrais-je me priver de mon confort et de mes plaisirs si je ne vois aucun résultat important ?”. (…)
    Souvenons-nous que Jésus Christ a vaincu le péché et la mort et qu’il est plein de puissance. Jésus Christ vit vraiment.
    Autrement, « si le Christ n’est pas ressuscité, vide alors est notre message » » (1 Co 15, 14). (EG n° 275)

Saint Paul nous donne une belle consigne dans sa lettre aux Romains :

« Ne brisez pas l’élan de votre générosité mais laissez jaillir l’Esprit. » (Rm 12, 11)

Si la passion pour Jésus et Son peuple nous fait défaut, n’hésitons pas à rejoindre la Vierge Marie au Cénacle afin qu’Elle nous prépare à recevoir une nouvelle effusion de l’Esprit-Saint.
Qu’Elle nous aide aussi à nous laisser faire par l’Esprit-Saint. Il est vraiment celui qui donne la vie.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre des Actes des Apôtres 2,1-11.
  • Psaume 104(103),1ab.24ac.29bc-30.31.34.
  • Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 12,3b-7.12-13.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 20,19-23 :

C’était après la mort de Jésus, le soir du premier jour de la semaine. Les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient, car ils avaient peur des Juifs. Jésus vint, et il était là au milieu d’eux.
Il leur dit :
— « La paix soit avec vous ! »
Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur.
Jésus leur dit de nouveau :
— « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »
Ayant ainsi parlé, il répandit sur eux son souffle et il leur dit :
— « Recevez l’Esprit Saint.
Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus. »