Grandir dans la simplicité

Qu’est-ce que la simplicité ? Pourquoi est-elle si importante ? Quelle est-elle dans notre relation à Dieu ? Qu’est-ce qui fait que nous en manquons dans notre monde ?
Le Père Pierre-Marie nous propose quelques pistes de réflexion afin de pouvoir répondre à ces questions et grandir dans la simplicité sur le plan humain et sur le plan spirituel.


Dans la Bible, la simplicité est centrale.

La simplicité a à voir avec la relation avec Dieu.

Il est important de rester simple.
Notre Monde se complexifie de plus en plus avec l’Internet par exemple. Notre lien avec la nature est de plus en plus distant ; même si cela revient en force avec les courants écologiques.
Il semble aujourd’hui central de revenir à cette simplicité de la relation directe, de la relation humaine, de la relation avec la nature, mais aussi de la simplicité enracinée en Dieu, dans le lien que nous avons avec le Seigneur.
Il y a là une pierre d’attente dans notre société :

  • Une trop grande distance entre les personnes humaines entraîne de l’incompréhension, parfois même de la violence.
  • Une trop grande distance avec la nature fait que celle dont les lois ne sont pas celles de la technique, se retourne contre l’homme alors qu’il en était le gardien, qu’il devait préserver cet équilibre naturel.
  • Une trop grande distance avec Dieu, un manque de simplicité avec Dieu entraine une complexité : on devient une personne complexe à l’intérieur de nous-même. Notre personne n’est pas unifiée.

Synonymes de simplicité :

  • L’humilité. Un maître des novices disait : « Humble à l’intérieur, simple à l’extérieur. » Il ne faut pas chercher à paraître. Humilité veut dire aussi unité intérieure.
  • L’unité. Que ce soit moins le conflit à l’intérieur de nous-même entre notre propre vision de nous-même, la relation aux autres, la relation au corps, la relation à nous-même dans la société. S’unifier intérieurement pour que nous soyons moins soumis à des hauts et des bas comme ce peut être la cas parfois.
  • L’harmonie, l’équilibre, la maturité.

La simplicité est un attribut de Dieu. Dieu est simple parce qu’il est un. Et cette simplicité est ce à quoi nous sommes appelés parce que nous sommes à son image et ressemblance.

Contexte biblique.

  • Jérémie 17,9-10 . « Le cœur de l’homme est compliqué et malade. Moi le Seigneur, je le connais puisque je suis celui qui pénètre les cœurs et scrute les reins afin de rendre à chacun selon ses actes et selon les fruits qu’il porte. »
    On fait l’expérience de complications dans nos relations interpersonnelles. « Je le connais ce cœur, je pénètre l’intime de l’homme ». Cette simplification de nous-même ne se fera pas sans un cheminement spirituel, sans un chemin de communion avec Dieu, un chemin de confiance avec Dieu. Car ce qui nous rend « compliqués et malades », ce sont ces manques de confiance.
  • Deuxième lettre aux Corinthiens 11,2. « J’éprouve à votre égard, en effet, une jalousie divine car je vous ai fiancés à un époux unique. Comme une Vierge pure à présenter au Christ. Mais j’ai bien peur qu’à l’exemple d’Eve, que le serpent a dupé par son astuce, vos pensées ne se corrompent en s’écartant de la simplicité envers le Christ ».
    Pour Saint Paul, il y a vraiment une attitude d’accueil de la parole de Jésus. Et il dit aux Corinthiens : « revenez à la simplicité originelle. Revenez au moment où vous avez eu cette certitude que Dieu vraiment était à vos côtés. »
    On peut perdre notre simplicité face au Seigneur, en étant trop habitué, en ne se laissant plus surprendre par le Seigneur, en n’étant plus comme un enfant. Mais en sortant de l’alliance avec Dieu (« Je vous ai fiancés »), on va vers d’autres dieux ; et c’est ça qui nous complique : nous allons vers des dieux à l’image desquels nous ne sommes pas faits.
    Il nous faut donc entrer dans une attitude de confiance.
  • Mt 10,16 : « Voici que je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. Montrez-vous donc malades comme les serpents, et simples comme les colombes. Méfiez-vous des hommes, ils vous livreront au Sanhédrin et vous flagelleront dans leurs synagogues. Vous serez trainés devant des gouverneurs et des rois, pour rendre témoignage en face d’eux et des païens. Mais quand on vous livrera, ne cherchez pas avec inquiétude comment parler ou que dire. Ce que vous aurez à dire vous sera donné sur le moment, car ce n’est pas vous qui parlerez, c’est l’Esprit de votre Père qui parlera en vous. »
    Très beau passage où Jésus annonce la persécution à laquelle seront livrés les chrétiens. Intéressante attitude de Jésus face à la persécution qu’il entrevoit pour les chrétiens.
    Face au mal, il est bon de rester dans la confiance, dans la simplicité du cœur. C’est précisément cette simplicité du cœur qui va permettre de s’appuyer sur Dieu. « Ne vous préoccupez pas de ce que vous aurez à dire », « ne cherchez pas avec inquiétude ». L’Esprit du Seigneur vous dira la réponse qu’il faut apporter. Face au mal, face à la souffrance en général, face au mal causé par d’autres, la meilleure défense, c’est la simplicité, rester dans la confiance. Ne répondez pas au mal par le mal, mais soyez vainqueur du mal par le bien, nous dit saint Paul.
    Ce qui peut paraître comme une forme de naïveté est au fond la vraie réponse à apporter. Laissez le Saigneur travailler, laissez-le agir dans vos vies. De toutes façons, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups, vous savez très bien que vous allez être incompris.

La simplicité dans notre témoignage

Souvent, chez les chrétiens, et c’est flagrant chez les jeunes, il y a une timidité face au témoignage : on n’ose plus dire.
Mais Jésus nous dit : ne vous préoccupez pas, vous rendrez un témoignage encore plus fort si vous acceptez la contradiction. Suivre Jésus, c’est « prenez ma croix et suivez-moi ». Il y a un manque de conscience de qui on est comme chrétien, des valeurs que l’on porte, de l’Amour du Seigneur. Tout cela est passé dans un plan privé (difficulté de la laïcité : elle renvoie le religieux dans le privé). C’est devenu du même registre que ce que nous gagnons sur notre feuille de paye !! Et derrière cela, n’y a-t-il pas la peur de souffrir ?

Il faut retrouver une visibilité : qui suis-je ? Et c’est parce que je sais qui je suis que je peux rentrer en contact avec d’autres.
La simplicité, c’est ne pas avoir peur de dire qui on est, même au prix de subir la persécution. Derrière cela n’y a-t-il pas une peur de la Croix de Jésus ? une peur d’être ridiculisé ?
Et puis la religion chrétienne est peut être compliquée !!
La sainte Trinité : c’est un seul Dieu en 3 personnes qui partagent toutes la même plénitude de la divinité. Rien que cela, ce n’est pas simple !!
La Transsubstantiation : ce pain qui devient le corps du Christ mais qui a toujours les apparences du pain,… ce n’est pas simple… C’est une question de Foi, mais ce n’est pas simple.

Avoir une conscience de qui je suis simplifie la vie. Mais cela me demande de m’ouvrir à porter en partie la Croix du Seigneur.
« Je vous envoie comme une brebis au milieu des loups, mais soyez simples, restez simples ». Jésus a été très clair, il ne nous a pas promis le bonheur sur terre, mais la persécution ! Le disciple n’est pas plus grand que son maître.

Dans les psaumes, nous trouvons beaucoup de références à la simplicité :
 « Loin de moi le coeur tortueux, le méchant, je ne veux pas le connaître. » Ps 100,4.
 « Une lumière est semée pour le juste, et pour le coeur simple une joie. » Ps 96,11.
 « Déchiffrée, ta parole illumine, et les simples comprennent. » Ps 118.
etc.

La Simplicité du cœur, voilà la réponse qui est attendue de la part d’un Dieu qui se révèle, qui se dit.

Les sources de complications.

  • « Une pomme et beaucoup de pépins »…
    La première source de complications : le péché originel.
    L’homme s’est détourné de Dieu, de l’alliance faite avec Lui, la première alliance.
    La Simplicité, c’est l’autre manière de dire le Salut. Je dois prendre conscience d’avoir besoin d’être sauvé, pour la Vie Éternelle.
    Pour beaucoup, ça ne veut rien dire. On entend dire « Moi, je n’ai pas de péché ! Je n’ai pas tué, je n’ai pas volé, je n’ai pas trompé ma femme, mon mari,… » Mais que veut dire le Salut pour cette personne, qui au fond n’est pas mauvaise ??
    Si je ne prends pas conscience à quel point il me faut rentrer dans une logique d’Amour en demandant l’aide de la Grâce de Dieu, et reconnaître mes manques d’Amour (autre manière de dire le péché), alors le Salut ne veut plus rien dire pour moi.
    Dans notre société, le niveau de conscience s’est abaissé à considérer la légalité d’une chose : ce qui est interdit par la Loi est mal, ce qui est bien c’est ce qu’elle permet. Or nombre de choses permises par la Loi sont mauvaises, objectivement. Parce que la loi civile ne suit plus la Loi naturelle, ne serait-ce que les Commandements.
    Il s’avère donc plus difficile d’annoncer la Bonne Nouvelle aux personnes qui ont cette conscience « légale », plutôt qu’à une personne qui sait qu’elle a fait le mal, qui cherche un pardon, qui cherche une réconciliation et qui s’ouvre à l’Amour de Dieu.

Nous ne prenons pas conscience à quel point notre éloignement du Seigneur, notre manque de Communion avec Dieu entraîne le manque de communion entre les Hommes (Caïn et Abel), le manque de communion entre l’homme et la femme (cf. le désir de domination mutuel), le manque de communion avec la nature, le manque d’unité entre l’âme et le corps. Tout cela s’enchaine : l’unité avec Dieu faisait toutes les formes d’unité.
La source de ce combat se trouve dans le fait que l’homme s’est détourné de Dieu.
Si certains ne croient pas au péché originel, ils peuvent cependant en voir les conséquences. Tout le monde peut les constater.

  • Il nous faut accepter cette réalité de nos vies : « on est compliqué et malade » (Jérémie) Il ne faut pas exclusivement une formation chrétienne pour pouvoir prendre conscience de tout cela : une formation civique permet déjà de s’en rendre compte.
    L’incivilité est très répandue aujourd’hui : « J’ai envie, je le fais ! » C’est du savoir vivre, et l"Évangile a pétri notre savoir vivre.
    Et cette attitude nuit à la communion entre les personnes qui pourtant est un grand bien pour l’homme : il est à l’image de Dieu qui est Communion Lui-même.
    Sur le plan humain, on peut déjà éveiller la conscience. Encourager les personnes dans ce qu’elles font de bien.

La lumière de la conscience est très importante pour l’Église, c’est vraiment le tabernacle dans lequel Dieu agit. La réponse à cette complexité qui vient du péché originel, c’est le Salut. Et il faut avoir une conscience éclairée pour pouvoir accueillir le Salut.

Complexité de nos modes de vie.

  • Complexité de nos vies, avec notamment les familles qui parfois sont séparées (célibat géographique). Aujourd’hui, dans le monde du travail, on ne raisonne pas en fonction de la famille. La mobilité forcée n’est pas juste, on ne transporte pas une famille comme ça, en claquant des doigts !! Cette société qui est compliquée fait que petit à petit, on en devient nous aussi compliqué, on perd de cette simplicité, entre autre par manque de stabilité.
    L’enfant a un grand besoin de stabilité, affective surtout, émotionnelle, géographique (camarades, etc…). Dans nos vies, il ne suffit pas de « cliquer », …nous ne sommes pas sur internet quand on est dans un dialogue de couple !! On ne va pas non plus débrancher la prise !!

En ce qui concerne la technique, l’internet, tout cela a du bon, évidemment, mais il faut veiller à ce qu’il y ait bien des lieux et des temps où il n’y a pas cette présence de la technique. Où les rapports entre les personnes sont directs, gratuits, où il y a un contact avec la nature. « L’écologie, c’est l’échec de la philosophie des Lumières », philosophie des Lumières qui a voulu se défaire de la nature pour que l’homme soit libre et qui affirmait que le progrès était le bonheur de l’homme.

  • Complexité de nos relations. Il faut se demander pourquoi est-ce si compliqué ? Y a-t-il un désir de domination : diviser pour régner ? Désir de toute-puissance ? Nous voyons bien ici que simplicité est synonyme d’humilité.
  • L’absence de vie spirituelle. Cela est très clair. Nous ne prenons plus le temps de nous examiner : de faire ce qui s’appelait l’examen de conscience. Nous sommes dans une sorte d’activisme qui fait que si mon agenda n’est pas plein, je ne suis rien… Je suis en fonction de ce que je fais et non pas en fonction de mon être profond.
    L’absence de vie spirituelle est certainement la principale source de manque de simplicité.

De nombreux outils nous sont donnés dans la vie spirituelle : la vie sacramentelle, l’accompagnement spirituel, l’écoute de la parole de Dieu, l’oraison, la vie de prière, la retraite, etc… Ils nous permettent de nous unifier intérieurement.
La vie spirituelle est-elle une priorité pour moi, dans mon agenda ? Quelle place tient le silence dans notre vie ? Quelle y est la place de la solitude ? (pas de radio, pas de télévision,…)
Et ceci n’est pas lié au religieux ! Faire silence est important pour beaucoup de nos contemporains. Est étonnante la « minute de silence » : que font les gens s’ils ne prient pas ? La minute de silence est un recueillement, un retour sur soi.
Notre monde fonctionne beaucoup par la distraction, mais nous ne devons pas oublier l’attraction intérieure que Dieu exerce sur nous.
Pour cela, il est nécessaire de se faire violence. Ce n’est pas la société qui va nous unifier, nous aider à grandir dans une dimension intérieure.

Dans la simplicité, il faut voir un bien, et prendre les moyens pour la trouver. Quels sont les moyens que je prends pour atteindre la simplicité, cette unité intérieure ?

  • Notre rapport au temps
    Souvent, nous demandons au temps plus qu’il ne peut nous donner. Nous voulons faire entrer dans une heure plus qu’une heure !!
    Est-ce que je laisse dans mon agenda un peu du temps pour lequel rien n’est prévu ? C’est surtout remarquable sur le plan professionnel. Or, ce qui n’est pas fait dans le respect de l’homme finit tôt ou tard par coûter de l’argent. Il ne faut pas se laisser attraper.
    Ne pas accepter les limites du temps est une forme d’orgueil. Il nous faut accueillir les limites de notre humanité, de notre réalité corporelle (savoir écouter son corps). Est-ce que je laisse l’autre avoir son rythme ? dans la limite du raisonnable bien sûr, lié au bien commun.
    Accueillir le rythme de l’autre demande une grande humilité. On ne peut pas changer le rythme de quelqu’un aussi facilement qu’on le voudrait !
  • Le perfectionnisme et la solitude.
    Dans Marthe et Marie, Marthe fait les choses seules.
    C’est ce que dénonce Jésus. Il ne dénonce pas le fait qu’elle fasse les choses, mais qu’elle les fasse seule. « Tu les fais sans moi, tu les fais seule ». Marthe n’a pas pris le temps de la rencontre.
    Nous sommes trop dans l’efficacité, dans la réalisation. Nous ne laissons pas la place à la relation. Par exemple, en Argentine, les frères sont étonnés par le fait que, chez nous, pour aller voir un ami, nous devions prendre rendez-vous !! Chiara Lubich (fondatrice des Focolari) disait : « Mieux vaut faire quelque chose imparfaitement à deux, que parfaitement seul. »
    Par exemple, faire la cuisine avec un enfant sera sûrement moins parfait, mais on y aura gagné en communion, en qualité de relation avec cet enfant.

Toutes ces choses-là font qu’existent ces complications dans notre vie intérieure, dans nos relations inter-personnelles. Il nous faut veiller à devenir et rester simple afin d’être en communion avec Dieu qui est Simplicité.