Discernement de la vie consacrée

Par frère Christophe-Marie

La vie consacrée est un mystère, une réalité surnaturelle qui suppose un discernement surnaturel.
C’est une invitation conditionnelle, faite par Dieu selon sa libre initiative et qui suppose une réponse libre.
C’est une « sortie » de la voie commune dont le point de stabilité est un amour spécial, particulier.
Une grâce spéciale est nécessairement liée à cet appel.


Mais comment discerner ?
Dieu inscrit son appel dans des effets créés : le vouloir profond et les aptitudes objectives d’un être.

Le vouloir profond

C’est en lui que Dieu se manifeste.

Un véritable vouloir

Celui-ci est spirituel et pas uniquement sensible. La sensibilité a sa place quand elle est régie par la raison. Cependant, c’est à travers nos facultés spirituelles (intelligence et volonté) que Dieu appelle.
Deux critères : épreuve du temps et désintéressement (attention aux « artistes » et nouveaux convertis).

Une maturité humaine suffisante

La personnalité doit déjà être constituée en son fondement, mais pas définitivement. Il faut souplesse et maléabilité. Attention, la maturité biologique peut être différente de la maturité personnelle. Difficulté d’appréciation de la maturité spirituelle.
Critères : capacité du vouloir à se maintenir malgré les tempêtes de surface (renoncement et désintéressement). Instabilité, caprice, recherche de soi sont des signe d’immaturité.

La place de la rigueur rationnelle

Le vouloir profond n’est pas une affaire de rigueur rationnelle. Attention aux esprits géométriques, trop logiques. La conclusion logique n’est pas forcément l’engagement (conclusion au terme d’un processus vivant du sujet). Le « connais-toi toi-même » est primordial. Il nous faut prendre conscience de ce qu’il y a de plus profond en nous ; trouver les grandes constantes de notre personnalité.
On retrouve encore le critère du temps pour voir si le vouloir est stable et durable.

Vouloir d’emprunt

Il y a de pseudo-vocations : des vocations construites inconsciemment. Cela arrive lorsqu’on joue un personnage ou que l’on est trop perméable à autrui.
Signe de dérive : une certaine raideur, un entêtement dans son jugement propre ou une personnalité très fragile.

En Résumé

Il faut : discerner la vérité du vouloir, la liberté de la personne, détecter les mobiles (les vrais et les faux) ; Dégager un vouloir profond peut prendre des années. Mais cela reste la première étape.
Il faut lire ensuite l’appel spécial du Seigneur.

L’appel spécial de Dieu dans le vouloir profond

Les grandes caractéristiques de la volonté mue par la grâce de la vocation : volonté totale, humble, exclusive, stable.

Une volonté totale

Désir de se donner entièrement, sans réserve, sans calcul, dans une disponibilité absolue, et ne rien se réserver. On n’entre pas en religion pour une oeuvre précise mais pour la « sequela Christi » (suivre Jésus).

Une volonté humble

Une volonté qui s’appuie sur Dieu seul. La générosité n’est vraie que jointe à l’humilité et à la docilité. Attention à une générosité mal équilibrée ou prétentieuse : empêchement de répondre à un appel authentique.
La vie consacré n’est pas l’affaire d’un sur-homme, mais c’est l’affaire de la grâce. Répondre et y demeurer !

Une volonté exclusive

La note la plus spécifique : amour pour Dieu (son appartenance), un Dieu jaloux. Différence entre vie consacré et vie laïque ; l’une est sans médiation alors que l’autre est médiatisée.

Une volonté stable

Notre volonté doit devenir progressivement stable. Face à la nostalgie du monde, reprendre conscience de l’engagement et de l’amour exclusif. Critère durant le temps de discernement : le regret.

Fruit de l’engagement : paix et joie

Il est nécessaire d’accéder progressivement à la paix intérieure et à la joie.
Être à sa place, accordé à Dieu, doit être pacifiant et réjouissant. Attention aux vocations « tragiques » (janséniste). Cela demande une certaine docilité pour changer de jugement (Lettre aux Romains 12,1).
Les fruits de l’Esprit Saint sont paix et joie.

Les aptitudes « objectives »

Il faut une correspondance entre vouloir profond et aptitudes objectives. Sinon, c’est signe qu’il n’y a pas vocation.
À juger sur le plan social, dans une vie commune (fors externe).

Trois aptitudes à examiner : la santé physique, la santé psychologique, le jugement.

La santé physique

Elle doit être adaptée aux fins poursuivies par l’institut : quel est l’état de la communauté où on souhaiterait aller, quelles sont ses exigences de vie, sont-elles compatibles avec le handicap par exemple… ?

La santé psychologique

Conseil d’un médecin (il ne peut juger de la vocation) qui informe les autorités compétentes.
Les pathologies : discerner entre pathologie légère et lourde.
Capacité à se corriger : docilité, droiture (reconnaître et accepter de se voir dire notre faiblesse).

Le jugement

Percevoir en vérité le réel tel qu’il est. Apprécier les personnes et les circonstances.
Attention au jugement insuffisant (un seul aspect de la question) ou faux (subjectiviste, pas de bon sens, porté à l’idéologie).