Se reposer sur le Seigneur en toute chose

4 septembre 2020

« Cherchez le Royaume de Dieu et sa justice et tout vous sera donné par surcroît. »

« Ne vous faites pas de souci pour demain, demain s’occupera de lui-même : à chaque jour suffit sa peine. »

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie de mariage :

Dans la très sérieuse préparation au mariage que Pierre-Adrien et Salomé ont faite, nous avons eu une réflexion par rapport aux textes. Je leur ai demandé : « Qu’est-ce qui va être une lumière pour votre route ? »

Il s’agit bien de cela : parmi les textes, qu’est-ce qui va pouvoir éclairer votre chemin ?
Celles et ceux qui sont déjà mariés à l’Église peuvent également faire mémoire des textes qu’ils ont choisis et pourquoi ont-ils fait ce choix. Il peut arriver que l’on entende souvent les mêmes, mais cela peut avoir une signification personnelle.

On entend parfois le texte que Pierre-Adrien et Salomé ont choisi, mais il est en général assez peu pris pour célébrer un mariage. Ces versets nous parlent de la confiance, et Pierre-Adrien et Salomé nous manifestent leur chemin d’abandon à la Providence.

S’abandonner au Seigneur

C’est une piste qu’ils choisissent pour leur vie, comme une direction. Ils nous ont permis d’entendre ces paroles de Jésus :

« Ne vous faites pas de souci pour demain, demain se souciera de lui-même. À chaque jour suffit sa peine. »

C’est même devenu un diction populaire !

Mais on peut se demander d’où vient cette idée de choisir cette orientation pour leur vie matrimoniale et familiale.
Vous-mêmes qui êtes mariés à l’Église depuis quelques années, je vous invite à relire les textes que vous aviez choisis et de voir ce en quoi ils éclairent votre vie.

Pourquoi la question de la confiance est-elle importante ? Cela nous parle aussi du lâcher prise…
C’est important car dans une vie matrimoniale et familiale, il y a bien des choses que l’on ne prévoit pas. Nous sommes dans une société qui fonctionne habituellement avec le contrôle et c’est compliqué pour celles et ceux qui veulent jouer la carte de l’abandon et de la confiance. Notre société tend plutôt à recherche le risque zéro ; mais nous, comme disciples de Jésus, ce n’est pas comme cela que nous voulons vivre. Nous voulons vivre portés par l’expérience que nous sommes habités.

Je ne vous connais pas personnellement les uns et les autres, mais quelqu’un qui est disciple du Christ a fait l’expérience qu’en lui, il y avait une présence.
Etre disciple de Jésus, ce n’est pas d’abord vivre des valeurs. Se marier à l’Eglise, c’est vivre ensemble l’expérience que quelqu’un nous accompagne. Cette personne c’est le Christ, et Il nous accompagne par Son Esprit-Saint que nous avons reçu au moment de notre baptême, confirmé ensuite dans le sacrement d’adulte dans la Foi. Nous avons fait l’expérience que nous ne sommes pas seuls. Le croyant n’est jamais seul.

C’est vrai que celui qui n’a pas de vie de Foi expérimente une certaine solitude. Sans douter que ce soit une bonne personne, c’est sûrement la solitude qui marque son expérience.

Au contraire, Pierre-Adrien et Salomé, vous avez fait l’expérience d’une présence. Dans votre couple, dès les commencements, vous avez expérimenté que le Seigneur est à vos côtés, et que le Saint-Esprit vous guidait l’un vers l’autre.

Qu’est-ce qui entrave la confiance en Dieu ?

Il est intéressant de nous demander quels sont les obstacles à la vie spirituelle. J’en vois deux habituellement constatées pour les uns et les autres : le perfectionnisme et l’activisme.

  • par le perfectionnisme, on préfère la perfection des actions, de la réalisation d’un projet à la perfection de la communion des personnes.
  • par l’activisme, on veut mettre dans 24 heures plus que 24 heures…

Perfectionnisme et activisme s’opposent à la vie spirituelle car ces mouvements vont à l’encontre de la dimension contemplative nécessaire à la vie spirituelle. Et nous pouvons nous interroger sur la part de la vie contemplative.
On dit souvent que la vie contemplative est faite pour les moines, mais en réalité, elle concerne tous les baptisés : prenons le temps de contempler l’action de Dieu dans notre vie !

Pour vous qui êtes en couple, prenez le temps de contempler dans l’autre l’action de Dieu dans sa vie et comment aussi, dans cette action, il me révèle moi-même.

Il est vrai qu’activisme et perfectionnisme nous éloignent de la vie spirituelle, car nous sommes dans une course en avant sans jamais regarder autour de nous et de découvrir combien le Seigneur est à nos côtés.

Frères et sœurs bien-aimés, à travers ce choix des textes de Pierre-Adrien et Salomé, nous sommes invités à reprendre conscience que le Seigneur nous accompagne, même si c’est une évidence pour la plupart d’entre nous présents dans cette assemblée. Il nous accompagne dans notre vie, Il nous accompagne jour après jour. Pierre-Adrien et Salomé, c’est ce que vous nous dites : Il est à nos côtés. Pas besoin de nous faire tant de souci !

Nous arrivons des quatre coins de la France, portant peut-être des soucis matériels et familiaux ou de santé… Et vous nous dites : « Arrêtez-vous juste un moment ! Faites une pause ! regarder autour de vous… »
« Regardez le nature, regardez Celui qui est au cœur de toute création. »

Nous l’avons chanté dans ce très beau psaume de la Création : « Tu est grand Tu es beau, Dieu puissant Dieu très haut… »

Vous nous dites : « Regardez et arrêtez-vous pour contempler et laissez-vous aller à l’amour de Dieu qui habite toute chose et en vous-mêmes, ainsi que la personne qui vit à vos côtés. »

Ce regard contemplatif nous fait parfois défaut car justement, le perfectionnisme nous fait voir le point noir dans la page blanche, ce qui ne va pas. C’est une sorte de charisme français : on voit tout de suite ce qui ne va pas.
Quelqu’un qui vient de l’étranger a un autre regard. Lorsque j’ai vécu en Amérique Latine et que je commençais à aligner quelques mots en Espagnol, les Argentins disaient : « Maravilloso ! ». Ainsi, je me sentais encouragé et cela me donnait des ailes !…

Cette lecture nous appelle à entrer dans une attitude de bienveillance. N’oublions pas que le mystère de l’autre échappe à ce que l’on pourrait penser. Et, même si nous sommes habitués à entendre les récits de la Création, je trouve intéressant de les ré-entendre et de prendre conscience de ce qui est arrivé à Adam :

« Le Seigneur fit tomber sur Adam un sommeil mystérieux, et l’homme s’endormit.
Il prit de la chair de son côté et Il créa la femme. »

Il y a quelque chose d’intéressant dans cet événement : nul de vient du ventre d’un homme, aucun d’entre nous. Or, dans la Bible, c’est la femme qui vient de l’homme. Et lorsque la Bible nous taraude sur un sujet comme celui-ci, c’est qu’elle nous invite à travailler, à creuser…

Dans le texte , ce sommeil mystérieux est qualifié d’« irrépressible », et delà est née son épouse. Cela nous montre deux choses :

  • Nous n’avons pas la main sur le mystère de la vie.
  • L’autre est un don de Dieu et ne vient pas de mes concepts alignés et de ma manière de voir. Il est un cadeau du Seigneur.

Sans doutes avez-vous fait le lien car il est saisissant : qui d’autre a le côté ouvert ? qui d’autre est endormi dans un jardin et voit naître son épouse si ce n’est le Christ sur la Croix ?
Blessé dans Son côté, d’où jaillissent de l’eau et le sang, c’est à dire l’Église, endormi dans la Croix, Il fait naître Son épouse. Le parallèle est saisissant entre Adam et le Christ, et les pères de l’Église – nos sages – au tout début du Christianisme l’ont mis en lumière dans leur méditation sur la Parole de Dieu : la Croix fait écho au mystère de la Création que le Christ Lui-même redonne, amplifie et rend encore plus beau.

Cet abandon, ce lâcher prise que l’on voit dans le récit de la Création – « un sommeil irrépressible – nous invite à faire de même en nous laissant « agir » par Dieu, peut-être même tout simplement pendant notre sommeil de la nuit. La vie spirituelle, c’est être agi par Dieu. C’est un mouvement central dans la vie chrétienne : découvrir que Dieu n’est pas un obstacle mais au contraire une chance pour notre propre vie. Nous avons juste à nous laisser faire. Et pourtant, frères et sœurs bien-aimés, pour vous comme pour moi, c’est tellement difficile…

Ne cachons pas nos pauvretés au Seigneur…

Pourquoi est-ce si difficile de nous laisser faire par le Seigneur ?
C’est certainement parce que, notre vie durant, nous avons été éduqués au contrôle et à l’autonomie. Ce mot vient du Grec autonomos : être pour soi-même sa propre loi. Et Jésus nous dit l’inverse :

« Bienheureux les pauvres en esprit, le Royaume des Cieux est à eux ! »

Remarquez que cette béatitude est au présent et non au futur. Et qu’est-ce que le mariage sinon l’union de deux pauvres ?
Cher Pierre-Adrien, chère Salomé, vous êtes devant cet autel pour nous dire que lorsque l’on se marie à l’Église, ce n’est pas que l’on est meilleur que les autres, mais c’est parce que l’on a plus pris conscience que les autres que l’on a besoin d’aide, que nos failles pouvaient être ces interstices par laquelle la lumière de Dieu pouvait transparaître. Vous avez pris conscience que vos fragilités sont autant de chances et de forces.
C’est pour cela que vous demandez au Seigneur le sacrement du mariage.

Vous le savez, tous les sacrements nous apportent le Salut, et celui-ci en particulier. Et l’on peut se demander de quoi votre couple – vos couples – ont besoin d’être sauvés. Salomé et Pierre-Adrien, vous venez aujourd’hui à l’autel du Seigneur pour manifester que votre amour a besoin d’être soutenu, car vous vous sentez comme des pauvres, parce que nous nous sommes des pauvres.
Perfectionnisme et activisme nous guettent à chaque coin de notre journée, parce que l’on peut oublier que nous sommes habités et que nous portons en nous-mêmes plus que nous-mêmes. Seigneur, nous avons besoin de Ton Salut, d’être sauvés de toute cet oubli, de cette course en avant : Viens Seigneur !

Voilà ce qu’est le sacrement de mariage. Et cela nous fait du bien de vous voir car tous, l’un et l’autre, nous avons besoin d’être sauvés de l’impatience, de cette volonté de toute puissance de rendre l’autre semblable à nous-même, tous ces sentiments qui nous habitent.
Et vous nous dites qu’il y a un chemin, il y a une espérance car il y a quelque chose qui nous guide. Nous ne sommes pas livrés à nous-mêmes, et c’est énorme ! Une espérance est au cœur de nos vies et à la fois, procure une fécondité et une grande joie.
Alors, frères et sœurs bien-aimés, demandons au Seigneur de reprendre conscience de nos pauvretés, selon les mots du Curé d’Ars :

« L’homme est un pauvre qui doit tout demander à Dieu. »

Peut-être plus particulièrement au milieu de cette crise sanitaire, reprenons conscience que nous sommes dépendants les uns des autres et que seuls, nous n’arriverons pas. Pierre-Adrien et Salomé, vous nous dites que l’accueil de la vie est parmi vos valeurs principales et que vous voulez vivre cet accueil de la vie dans la dimension du Christ, c’est à dire comme Chrétiens. Vous voulez nous rappeler cette parole de l’Évangile reprise par Jean-Paul II :

« N’ayez pas peur ! »

« N’ayez pas peur, ne vous faites pas tant de souci, pour demain, demain s’occupera de lui-même, à chaque jour suffit sa peine. »

Amen !