Texte de l’homélie de mariage :
Frères et sœurs bien-aimés,
Lorsque nous avons préparé cette célébration avec Amélie et Jean, je leur ai donné deux critères pour choisir les textes que nous venons de lire. Les voici :
- sachant que la Parole de Dieu est une parole vivante, dans cinq ans, dix ans ou plus, quand vous lirez ces textes, en quoi ils éclaireront votre couple ?
- que voulez-vous dire à l’assemblée qui vous entourera le jour J ?
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce ne sont pas des textes habituels pour une messe de mariage. On entend parfois le premier, mais pour l’évangile, c’est la première fois que je le prêche pour une messe de mariage. C’est un choix tout à fait heureux, et il dit beaucoup de la vie matrimoniale. Pourquoi ? Parce qu’il parle de richesse ?
Plus que de richesses, il parle de rentrer dans une attitude de pauvre. On le sait bien, les richesses ne sont pas que matérielles, et dans un mariage, il est toujours bon de rappeler que c’est l’union de deux pauvres.
Si vous êtes là ici en ce jour, en cette belle cathédrale qui sert d’écrin à votre amour, Amélie et Jean, c’est que vous dites au Seigneur, face à Son autel : « Nous, nous sommes des pauvres. Seuls, sans Ta grâce, nous n’allons pas y arriver. Nous sommes complètement dépourvus. »
Oui, le mariage, c’est l’union de deux pauvres qui viennent auprès du Seigneur pour demander un secours, pour demander un salut.
Vous le savez, les sacrements sont toujours donnés pour le salut, et la question que je vous pose, mes chers amis, et singulièrement à Amélie et Jean : « De quoi votre couple a-t-il besoin d’être sauvé ? »
C’est bien de cela dont il s’agit : quand on demande le sacrement de mariage, on demande que le Salut que le Christ nous donne s’applique au couple.
Tout couple a besoin d’être sauvé, toute personne a besoin d’être sauvée. Mais, à travers cette célébration, Amélie et Jean, vous le dites de façon claire et explicite, devant l’assemblée : « Oui, Seigneur, nous avons besoin de Ton salut ! Oui, nous avons recours à Ta grâce car seuls, nous ne pouvons rien faire ! »
Alors, comme le Seigneur le demande, il s’agit de se dépouiller, se dépouiller de ses richesses matérielles, certes, mais aussi de façon intérieure, et c’est certainement le chemin le plus difficile. Comment rentrer en couple dans une attitude de pauvre, si ce n’est en se décentrant, en mettant l’autre au cœur même. Ainsi, nous nous appauvrissons lorsque nous découvrons que dans la relation, il y a un chemin de décentrement. Nous sommes appelés à nous décentrer, à regarder vers l’autre :
« Qui regarde vers lui resplendira… »
Que ce soit dans la relation de couple ou dans tout autre relation, nous sommes appelés à être attentifs à l’autre. On le sait bien, ce chemin là n’est pas un chemin facile, c’est un chemin qui demande beaucoup de grâce et d’humilité. Cet évangile nous parle assurément d’humilité, et il nous invite à demander au Seigneur ce qu’il y a encore de trop-plein, d’excessif dans la quête de nous-même. Ce qu’il y a en trop, Amélie et Jean, que le Seigneur vous en débarrasse, parce que c’est autant d’obstacles à la relation matrimoniale que vous voulez vivre.
A travers cet évangile, le Seigneur nous invite certainement à entrer dans une attitude d’humilité, pour que nous puissions être comme des pauvres face à Lui, que nous acceptions de nous laisser dépouiller.
On le sait bien, la vie matrimoniale nous dépouille. Moi qui vis en communauté avec des frères, ma vie communautaire me dépouille aussi, différemment de vous qui êtes en couple et qui vous êtes choisis - moi, je n’ai pas choisi mes frères et eux ne m’ont pas choisi non plus (peut-être ne l’auraient-ils surtout pas fait !)…
Mais toujours est-il que cette vie à plusieurs - en communauté ou au sein d’un foyer - appelle à une attention particulière, et peut-être est-ce que l’on en parle pas assez. Il y a un combat spirituel à mener, notamment au moment où vous vous direz que l’herbe est plus verte ailleurs, cela va évidemment arriver. Et vous pourrez être amenés à vous dire qu’avec un autre homme, avec une autre femme, ce sera mieux. A ce moment-là, relisez l’Évangile, parce que c’est précisément le moment du dépouillement, le moment de ce décentrement intérieur. C’est le moment de s’appauvrir.
Vous avez fait une préparation au mariage avec beaucoup de sérieux, j’en suis témoin. Nous avons eu des échanges par Skype car vous étiez en Inde, et cela s’est bien passé, puis nous nous sommes revus à l’Abbaye. Et je crois que vous avez pris conscience de façon assez claire que vous vous engagiez dans un combat intérieur, le combat contre soi-même.
Il y a notre égoïsme, notre orgueil, notre activisme, notre perfectionnisme, cette volonté de transformer l’autre en moi-même, qu’il soit à mon image et ressemblance. Le combat spirituel, c’est lutter contre tout cela. Et même si beaucoup de points communs vous unissent, Amélie et Jean, c’est indéniable, vous avez pris conscience de vos différences, comme homme et femme, mais aussi dans vos manières de faire, dans votre rapport au temps… et dans ce sens, accueillir l’a différence, c’est s’appauvrir. On n’accueille pas la différence sans se défaire de soi-même.
C’est pour cela que l’on ne peut pas dire que vous êtes faits l’un pour l’autre. Disons plutôt que vous vous faites l’un à l’autre. C’est cela le mariage ! Et c’est l’histoire d’une vie.
C’est se faire l’un à l’autre dans une dimension sacrée. Certainement, votre tradition catholique est au rendez-vous et c’est une certaine forme d’habitude dans vos familles que la mariage soit à l’Eglise, que ce ne soit pas qu’une option. Mais si vous êtes venus aujourd’hui devant l’autel du Seigneur, c’est qu’il y a plus que cela. Vous venez auprès du Seigneur parce que vous découvrez que sans transcendance, il n’est pas de communion. Sans affirmation de quelque chose de plus grand que nous-mêmes, il n’est pas d’amour. C’est capital, car cela dit l’importance de la prière.
Amélie et Jean et vous tous ici présents, la prière est justement cette irruption du sacré, ce point de contact avec l’Eternel. C’est beaucoup plus difficile lorsqu’on ne donne pas de place pour la prière dans son couple. Cela fait la différence avec le simple face à face de psychologies blessées, où il n’y aurait pas d’ouverture à plus grand, pas de respiration.
Et c’est précisément parce que vous venez ici que vous demandez au Seigneur qu’Il soit plus que des vôtres : vous voulez qu’Il habite votre couple, votre maison, votre foyer, votre famille.
Oui, vous comprenez, c’est davantage qu’une tradition familiale et sociale que de venir en cette cathédrale. C’est d’abord la conscience que vous avez, Amélie et Jean, que la vie spirituelle est le chemin du couple, parce que c’est le chemin de la communion.
Alors, vous venez au pied de l’autel demander la grâce.
Tout cela, vous le savez frères et sœurs bien-aimés. Mais comme il est important d’en faire mémoire comme le fait l’Apôtre Paul aux Colossiens dans la première lecture. Sans trop commenter pour être trop long, c’est tout un programme de vie :
« Revêtez-vous d’humilité, de douceur et de patience… »
Rien que ces quelques mots… Et quand vous êtes au pied de l’autel comme vous l’êtes maintenant, vous demandez cette grâce que le Christ habite en vous, que Son humilité, Sa patience, Sa douceur viennent transformer vos cœurs. Voilà ce que l’on demande au jour des noces.
Frères et sœurs bien-aimés, j’en ai la conviction, des grâces sont données au jour de mariage, tout comme au jour d’une ordination ou d’un engagement dans les vœux religieux où la vie se donne tout entière. J’en suis convaincu, le Ciel s’ouvre. Cela signifie qu’il faut demander des grâces, particulièrement aujourd’hui. Amélie et Jean, réfléchissez aux grâces que vous allez demander.
Et vous aussi frères et sœurs bien-aimés qui assistons à cette célébration : demandons des grâces pour nous-mêmes, pour ceux qui nous sont proches, ceux que nous aimons et ceux avec lesquels nous avons du mal à vivre, ceux que nous aimons moins…
Comme le disait le Saint Curé d’Ars :
« L’homme est un pauvre qui doit tout demander à Dieu ! »
C’est ce que nous disent les lectures d’aujourd’hui que vous avez choisies. Et vous qui avez reçu ce sacrement, puissiez-vous faire mémoire des lectures que vous aviez choisies il y a un an, cinq ans, vingt ans ou cinquante ans, et regardez ce en quoi elles éclairent aujourd’hui votre vie.
Demandons pour Amélie et Jean cette grâce particulière d’être, par leur simplicité, par leur humilité et leur douceur, les témoins d’un Dieu qui nous appelle des ténèbres à Son admirable lumière,
Amen !