Texte de l’homélie du mariage :
Frères et sœurs bien-aimés,
J’aime bien ce dicton juif qui dit la chose suivante :
« Pour éduquer un enfant il faut lui donner des racines et des ailes. »
Des racines pour qu’il sache d’où il vient, quels sont ses fondamentaux, des racines pour qu’il prenne force aussi, parce que la racine pour un arbre c’est ce qui lui donne la force et aussi de résister dans la tempête. Quand l’arbre est secoué le feuillage est secoué, les racines sont là. Et puis des ailes puisque l’enfant est appelé à partir, a quitter comme le dit très bien l’Écriture son père et sa mère, à fonder dans le cas d’un appel au mariage, à fonder un autre foyer.
Mais s’il en est ainsi de l’éducation d’un enfant, il me semble aussi qu’il en est ainsi d’un couple. Former un beau couple c’est ce qui permet d’avoir des racines et des ailes.
Enraciner le couple dans la tradition de l’Église
Des racines pour vous enraciner dans ce qui fait le fondamental pour vous, cher Thierry, chère Dalia, et je dois dire que j’ai été très émerveillé, du moins à ma manière, alors que vous n’êtes pas de la pratique dominicale très régulière, de la manière dont vous vous êtes engagés dans la préparation de cette cérémonie.
Cela dit quelque chose, cela dit que vous voulez plonger les racines de votre couple profond. Parce qu’on sait bien les tempêtes, il n’y a pas que les tempêtes les coups de vent, il y a aussi les tempêtes dans le couple, et quel couple n’a pas sa tempête ? Donc pour tenir bon dans la tempête il faut revenir à ces fondamentaux.
Et parmi ces fondamentaux il y en a plusieurs.
C’est vrai que la vie spirituelle fait partie de ces fondamentaux. Alors pour vous, vous vous remettez à pied on peut dire dans l’Église après le baptême, Dalia, que tu as reçu à l’âge de 10 ans. Vous avez frappé à la porte de l’Église avec cette impression, cette certitude, que là il y a un chemin pour vous qui vous permet de durer.
Je trouve cela très beau. On dit oui, mais c’est par tradition. Ne soyons pas méprisants de la tradition, la tradition vient de « tradere » en latin qui veut dire transmettre. Oui, vous vous inscrivez dans une transmission, une transmission familiale, une transmission spirituelle, vous vivez grâce aussi à ce que vous avez pu recevoir de part et d’autre, de par vos amis -hier j’ai eu la joie de rencontrer vos témoins- tout cela fait ce que vous êtes aujourd’hui, l’amour de vos parents, tout cela fait que vous êtes dans une tradition.
La tradition, c’est vrai, au début on la supporte, et qui ne se rappelle pas de ces messes interminables, adolescent, mais après, dans les grands moments de la vie, la tradition elle te porte et ce n’est pas du tout pareil. Et là, vous êtes portés par cette tradition de l’Église et vous rentrez dans cette tradition de l’Église, vous êtes portés par ce qui fait le cœur de votre amour et vous demandez au Seigneur de venir vous soutenir.
Parce que vous avez appris aussi, dans cette préparation, et ça c’est la grâce de la préparation au mariage dans l’Église catholique, c’est qu’on est accompagné. Donc vous avez découvert aussi à travers cette préparation que, premièrement, vous aviez votre place dans l’Église, même si vous n’étiez pas des pratiquants de tous les dimanches, vous avez une place dans l’Église comme baptisés et qui vous attend.
L’Église, un corps qui accompagne le couple pour l’ouvrir à la transcendance
Deuxièmement, vous avez découvert que vous êtes accompagnés. Vous n’êtes pas seuls.
Cela c’est la grande grâce de l’Église : on n’est pas seul, on forme un corps.
Bien sûr c’est une démarche profondément personnelle, mais ça n’est pas une démarche solitaire. Je ne peux pas dire « je » sens dire « tu », je ne peux pas dire « tu » sans dire « nous ». Dans la démarche spirituelle que vous faites, d’autres sont impliqués. Bien sûr, vos familles, vos amis, les enfants qui naîtront de votre amour, nous le souhaitons très fort. Cette impression, cette certitude que vous rentrez dans une grande tradition qui va vous soutenir et qui va vous porter.
Le grand danger, c’est de rester un peu seul quand on forme un couple.
Je me rappelle de ce jeune homme, tout à fait votre profil, il n’était pas baptisé, il avait un grand désir de former un couple qui dure, mais il me disait qu’on lui avait jamais montré le chemin, on lui a dit « on te laissera libre ». Mais finalement comment être libre sans choisir ? Et comment choisir sans connaître ? Et comment connaître sans être enseigné ? Comment être enseigné sans s’approcher de la communauté des croyants qui s’appelle l’Église ? Il m’a dit (sa fiancée étant baptisée) : « ce n’est pas un homme libre qu’on a fait de moi, on a fait de moi plutôt quelqu’un d’ignorant, je découvre maintenant, en me préparant au mariage, je découvre tout un pan auquel je n’avais pas accès ».
Il a ainsi fait un très beau chemin.
Je pense aussi que c’est important de dire que vous-même, si vous êtes dans une tradition, vous êtes aussi engagés dans une transmission. Forcément, le mariage c’est une transmission, par définition. Transmission de la vie, on l’a dit, mais aussi transmission de vos valeurs. C’est important que vous fassiez le chemin que vous allez transmettre. Parce que si vous ne faites pas le chemin que vous allez transmettre c’est peu crédible. Pour moi, comme prêtre, quand je marie comme cela des personnes qui ne sont pas pratiquantes, je me pose toujours la question de savoir en quoi ça ne va pas être une oasis spirituel dans un désert spirituel. En quoi ça va être, et ça peut devenir, et ça c’est à vous de vous en emparer, une étape de foi dans un chemin de foi ? Parce que vous découvrirez que dans la vie spirituelle, c’est l’ouverture à la transcendance et l’ouverture à la transcendance, cela rend possible la communion, cela fait sortir du face-à-face de nos psychologies blessées, on a tous de psychologies blessées, moi et vous, on est faits de creux et de bosses, mais s’il n’y a que ce face à face l’un envers l’autre, on s’enferme vite dans le « tu » qui tue : " tu as fait ça si tu as fait cela".
La transcendance qui mène à la communion
La transcendance ouvre à quelque chose de plus grand, et ouvre à la communion.
C’est vrai qu’en faisant cette démarche, vous rendez votre communion possible, dans le sens que si vous vous vous emparez vraiment de la grâce que vous avez reçue où que vous recevrez, et de tout ce chemin, vous allez vraiment rentrer dans cette dimension qui va faire que, par exemple on s’ouvre à l’espérance, on n’est pas livrés à nous-mêmes simplement, on s’ouvre au pardon, on s’ouvre à quelque chose de plus grand.
Je sais que vous en avez le désir, je sais que nombre de couples en ont le désir. C’est vrai que le fait d’avoir frappé à la porte de l’Église cela vous donne un chemin, cela vous donne une force, cela vous donne une sécurité, parce que l’Église aime les couples et les familles, et qu’elle met beaucoup d’énergie, et ses pauvres forces actuellement, pour les couples et les familles, parce qu’on sent que c’est toute la société qui est là présente et qui a besoin d’être soutenue plus que jamais.
Alors oui, je trouve que c’est un bon moment, cher Thierry, cher Dalia, vous nous refaites prendre conscience de quelque chose qui est fort.
Nous rentrons à travers les sacrements et cette présence de Jésus au cœur de votre amour. Cette présence de Jésus elle vous emmène plus loin, elle vous permet de voler ensuite de vos propres ailes, mais parce que vous avez des racines, vous êtes enraciné comme couple, et c’est vrai que vos deux familles ont connu des moments de déracinement aussi et plus ou moins proche du reste, mais comme c’est important aussi dans votre histoire personnelle, dans votre histoire familiale, de retrouver des racines qui vous permettent d’affronter la vie qui n’est pas simple, parce que les relations personnelles, les relations avec les autres ne sont pas simples, mais du coup vous puiserez des forces.
Vous ne serez pas comme dans la parabole du semeur que vous connaissez bien, le semeur est sorti pour semer, il sème au bord du chemin et cela pousse, mais les jeunes pousses, comme elles n’ont pas de racines, elle s’épuisent. Vous ne voulez pas être de cela, vous voulez au contraire construire quelque chose qui dure. À travers cela c’est aussi votre engagement personnel.
C’est une grande joie de pouvoir bénir votre union, de pouvoir être là aujourd’hui, de vous accompagner, comme prêtre, comme oncle, et puis de demander aussi cette grâce au Seigneur, pour chacun d’entre nous, de revenir à nos fondamentaux, revenir à ce qui compte pour nous vraiment, pour passer les aléas de la vie et puis nous diriger petit à petit vers un horizon plus lointain et nous emmener vers quelque chose de plus grand.
Amen !