Texte de l’homélie de mariage :
Louis-Bernard et Cécile, chers amis,
Lorsque nous avons préparé cette célébration avec les fiancés, lorsqu’il s’est agi de choisir un texte dans la liturgie, un texte de la Parole de Dieu bien sûr, je leur ai donné un critère pour choisir les lectures de leur mariage : choisissez quelque chose qui vient éclairer votre couple et plus tard votre famille, choisissez une Parole qui soit source de vie, choisissez une Parole qui soit une lumière pour votre couple.
Et ils ont choisi comme Évangile cet Évangile bien connu dans Mathieu 5, cet Évangile où Jésus parle de l’abandon à la Divine Providence.
C’est assez rare, cela arrive. J’ai prêché sur cet Évangile lors d’une célébration de mariage, mais je trouve cela particulièrement heureux comme choix.
Et peut-être les uns les autres, vous pourriez faire mémoire des lectures que vous avez choisi au jour de vos noces pour y revenir comme une source, parce que la Parole de Dieu est une parole vivante, la Parole de Dieu éclaire notre chemin, quelle que soit l’étape dans laquelle nous nous trouvons dans ce chemin.
Et bien, au commencement de vos noces, cher Louis-Bernard et Cécile, vous avez choisi cette Parole du Seigneur qui invite à l’abandon, à la remise de soi-même entre ses mains. Parce que il y a peut-être un danger pour les couples, pour chacun d’entre nous, à titre personnel, de vouloir tout maîtriser.
C’est très à la mode cette dimension sécuritaire, le risque zéro, que rien ne nous échappe. Et c’est, j’allais dire, dans l’orgueil humain, parfois que l’on trouve cette dimension là. Et cette dimension non seulement on l’applique aux choses, mais tôt ou tard on veut l’appliquer aux personnes aussi : que l’autre soit comme moi je désire, que l’autre soit comme j’ai planifié qu’il soit, et non comme croyant.
Accueillir l’autre dans sa différence comme don de Dieu
Chère Cécile, cher Louis Bernard, vous accueillez l’autre dans sa différence - déjà la différence homme-femme évidemment - mais aussi dans sa différence à travers son passé, à travers ce qui fait chaque personne, ce qui compose chaque personne, chacun d’entre vous, vous l’accueillez de la main du Seigneur.
Et je me rappelle, au tout début de la préparation au mariage, et vous avez fait cela de façon très sérieuse, je vous ai posé la question :
Ce n’est pas tout à fait pareil, vous percevez la nuance j’imagine.
Eh bien, vous n’allez pas être surpris, je le suppose, Cécile et Louis-Bernard ont cette attitude de foi, vraiment je vois l’autre comme un cadeau qui m’est fait du Seigneur, comme une grâce qui m’est faite de la part de mon Dieu.
Oui, c’est important d’avoir ce regard de foi sur l’autre, parce que, moi qui vit en communauté avec des frères que je n’ai pas choisi, c’est le principe de la vie communautaire, et que peut-être même je n’aurais surtout pas choisis, toujours est-il que nous sommes invités à la foi, à avoir une attitude de foi et pas simplement une attitude psychologique, une attitude de préférence, ou une attitude simplement humaine.
Non, vous voulez dès le départ de vos noces, affirmer ce désir d’avoir une attitude de foi, de vous voir comme un don de Dieu l’un envers l’autre et que cette attitude puisse perdurer.
C’est vrai que ce n’est pas si simple, parce que nous sommes faits de creux et de bosses et que la vie commune, que ce soit la vie communautaire dans la vie religieuse, où la vie commune dans le mariage, il peut y avoir une forme de lassitude.
On change assez peu dans notre psychologie, mais justement le mariage ce n’est pas simplement le face-à-face de psychologies blessées, vous comprenez, ce n’est pas ce face-à-face de - tu es comme si, tu es comme ça- non, la transcendance d’une manière ou d’une autre rend possible la communion.
Le couple, signe et révélateur de l’amour de Dieu
C’est ce que vous nous dites à travers le choix du texte que vous avez fait aujourd’hui.
Cette transcendance, c’est-à-dire cet amour de Dieu qui vient englober votre vie, cette confiance que vous avez rend possible la communion. Parce que, et Jésus le répète, on se dit ne vous faites pas tant de souci.
C’est vrai qu’au seuil de vos noces, vous pouvez vous dire oui mais est-ce qu’on arrivera à tenir jusqu’au bout, on voit tellement d’échecs parfois autour de nous, est-ce qu’on y arrivera etc… Il peut y avoir ce moment un peu d’angoisse, et on voit chez certains jeunes, que ce soit dans l’engagement matrimonial, ou dans l’engagement dans la vie consacrée, ou sacerdotale, ont peut-être une attitude de peur : je ne vais pas y arriver, je ne vais pas être à la hauteur.
J’allais dire, nous ne sommes jamais à la hauteur chers amis !
Vous n’êtes pas à la hauteur, chère Cécile, cher Louis-Bernard, je ne suis pas à la hauteur, et c’est ça précisément la grâce. La grâce nous permet nous mettre dans cet amour de Dieu, nous permet que Dieu lui-même agisse en nous.
Nous sommes la religion de la disproportion :
Parce que de quoi s’agit-il à travers le sacrement du mariage ?
D’être signes visibles d’une grâce invisible, d’être signe de l’amour de Dieu qui se donne à son peuple.
C’est juste transcendant, c’est juste hors de portée quand chacun, avec un peu d’honnêteté se regarde et se dit avec mes propres péchés, avec mes propres faiblesses, avec dureté de cœur, comment je vais pouvoir être signe de cet amour de Dieu pour son peuple ?
Eh bien oui, Cécile et Louis-Bernard, vous êtes appelés à être signe, c’est ça le sacrement. C’est ça qui fait la différence avec d’autres religions.
Dans chaque religion, dans chaque tradition religieuse, spirituelle ou philosophique, il y a au moment des noces. Au moment où le couple se forme, une il y a une célébration, une bénédiction de la divinité quelle qu’elle soit.
Mais là c’est tout à fait autre chose, le fait d’être sacrement, cela veut dire que vous avez perçu à tâtons que, à travers votre amour, il y a quelque chose de l’amour de Dieu qui se révèle. À travers la fragilité de votre jeunesse, il y a quelque chose de la grandeur de Dieu qui se révèle et qui se donne à connaître.
Comment est-ce que je peux connaître l’amour de Dieu ?
Et bien je regarde Cécile et Louis-Bernard, comme je regarde chaque couple qui ont demandé cette grâce devant l’autel du Seigneur et ont invoqué son nom pour que, vraiment, ils puissent être signe et présence visible. Face à cela c’est vrai qu’on sent une certaine pauvreté, une certaine fragilité, un abandon.
Qui sommes-nous pour prétendre être signe malgré nos fragilités, malgré nos pauvretés, malgré nos duretés de cœur, eh bien oui Dieu nous choisit. Dieu choisit Cécile et Louis Bernard qui se sont unis devant l’autel du Seigneur, comme Il choisit des prêtres, comme Il choisit aussi des religieux pour être signes de Sa présence.
La confiance et l’abandon, chemin d’humilité pour le couple
C’est l’occasion de rendre grâce d’abord pour la confiance que le Seigneur vous fait, la confiance que le Seigneur nous fait à chacun d’entre nous.
Je pense que c’est bien d’en prendre conscience parce que sinon, on risque de réduire le mariage simplement à quelque chose d’humain, en perdant la transcendance.
Je sais que ce n’est pas votre désir de vous en éloigner, alors, il faut toujours y revenir parce que en nous il y a quelque chose qui s’oppose à Dieu, c’est évident. En nous, en moi, prêtre, il y a quelque chose qui s’oppose à Dieu, il y a mon orgueil il y a quelque chose de l’ordre du péché aussi, qui s’oppose à Dieu qui se révèle dans Son amour et m’appelle à l’humilité.
Chacun d’entre nous, nous sommes appelés à choisir ce chemin d’humilité, à travers cet abandon, comme vous le faites aujourd’hui, Cécile et Louis-Bernard. Vous nous dites :
Cela veut dire remettons le cap sur la confiance, acceptons de ne pas tout contrôler, acceptons de ne pas te dominer, mais soyons dans cet abandon, dans cette action de grâce du choix de Dieu, comme le rappelle très bien la première lecture :
« Vous avez été choisis, vous qui est ses fidèles et c’est bien aimé, revêtez votre cœur de tendresse, de bonté, d’humilité,
de douceur et de patience. »
C’est tout un programme de vie parce qu’on a été choisi.
Et le Concile Vatican II a vraiment insisté là-dessus, la vocation au mariage c’est une vraie vocation, ça n’est pas une sous-vocation. Il y a un vrai appel du Seigneur.
Donc, demandez au Seigneur, et demandez l’un pour l’autre, chers Cécile et Louis-Bernard, cette grâce de revenir toujours à l’appel, parce qu’il peut y avoir des moments, dans la vie de couple, où nous nous sentons un peu fragiles, un peu faibles, parfois le quotidien use les plus grands émerveillements, évidemment, et donc si on a pas recours à la transcendance, à la prière ensemble, à la communion au Corps et au Sang du Seigneur, à recevoir Son pardon dans le sacrement de la réconciliation, on en reste à un niveau simplement humain, et le niveau humain, on voit bien, il ne franchit pas les décennies, il a du mal par rapport à la durée.
Parce que vous vous êtes enracinés dans un Dieu qui est fidèle, vous êtes forts, forts non pas de votre force à vous, Cécile et Louis-Bernard, mais forts de l’amour de Dieu.
Alors demandons au Seigneur, les uns pour les autres, puisque ce que vous nous dites nous concerne tous, quel que soit notre état de vie, quel que soit là où nous en sommes dans notre vie spirituelle, remettons le cap sur la confiance et l’abandon.
Demandons à la Vierge Marie cette grâce de l’humilité de façon à accueillir un Dieu qui nous appelle des ténèbres à son admirable lumière.
Amen !