Texte de l’homélie de mariage :
En 2006, voilà donc 10 ans, il y a eu la réforme du rituel du sacrement de mariage. Ce sont plus évidemment les prêtres qui sont concernés qui s’en sont aperçus, il y a quelques modifications qui peut-être ne vous ont pas échappé.
Nous avons commencé la célébration directement par le Gloria, il n’y a pas eu de Kyrie, comme on le fait aussi dans les messes d’ordination ou de vœux perpétuels dans la vie religieuse, on rend gloire à Dieu parce que c’est un temps festif.
Mais il y a eu une autre modification qui est assez intéressante.
Dans le dialogue que le prêtre a avec les fiancés, avant l’échange des consentements, une question a été rajoutée pour vérifier une toute dernière fois, s’il en était besoin, que c’est librement et sans contrainte, pour toute la vie, pour être fidèles et pour accueillir les enfants, que Marion et Thibault se marient.
Il y a une cinquième question :
Je trouve très heureuse cette modification à ce niveau-là, pour faire prendre conscience aux futurs époux, parce qu’ils ne sont pas encore époux, ils n’ont pas échangé leurs consentements, que par le sacrement du mariage ils sont envoyés au monde.
C’est une messe d’envoi, chère Marion, cher Thibault, que la messe de votre mariage.
Vous êtes envoyés, et c’est dans ce sens que vous avez choisi ces lectures, puisque vous-même vous y avez travaillé et je dois dire combien vous avez mis d’énergie, d’amour, dans la préparation du mariage en général, mais aussi de façon particulière dans la préparation de cette célébration.
Que nous dit Jésus dans ce chapitre 5e de Mathieu ?
Il nous dit :
Vous êtes le sel de la terre vous êtes la lumière du monde"
C’est vrai pour tout chrétien, quelle que soit sa vocation particulière, qu’il soit consacré, prêtre, marié, quel que soit son statut particulier de célibataire ou de personne mariée, il a cette vocation d’illuminer, de donner du goût à la vie.
Parce qu’il s’agit bien de cela. Il a cette vocation au fond de prendre conscience qu’en lui-même il porte quelqu’un qui est plus grand que lui-même. C’est cela la définition du chrétien. Nous portons en nous-même, dans des vases d’argile dira Saint-Paul, un trésor. Marion, Thibault, vous portez un trésor, déjà dans le cœur de chacun, mais dans votre couple il y a un vrai trésor qui est à l’œuvre.
C’est donc à travers cette parole de Dieu que l’on peut prendre conscience de ce trésor.
L’amour de Dieu donne le goût de la communion
Le sel c’est ce qui donne du goût, c’est ce qui conserve.
Du temps de Jésus il n’y avait pas grand nombre de congélateurs ni autres réfrigérateurs, c’était le sel qui conservait. Le sel était donc absolument indispensable. Il y avait des caravanes du sel, une économie autour du sel, parce que c’était la vie. Sans le sel on ne peut plus vivre, les aliments se pourrissent, ou leur goût n’est pas relevé.
Vous comprenez bien la comparaison entre les aliments et le goût de la vie matrimoniale.
Ce sel que le Seigneur vous donne à travers ce sacrement viendra vous donner un goût nouveau d’être ensemble. Vous prendrez conscience de façon particulière que ce n’est pas vos propres forces qui vont faire que vous pouvez durer dans l’amour, que vous pourrez trouver du goût à être ensemble, parce qu’on sait bien qu’au bout de quelques années de mariage, 10, 20, 30 ans, on a fait le tour de l’autre.
Mais qu’est-ce qui au bout de ces années permet de retrouver le goût de l’union, le goût d’être en communion l’un avec l’autre, si ce n’est cet amour de Dieu qui vient donner à votre vie un supplément d’amour, qui vient de donner à votre vie un supplément de goût, une sagesse. Le mot sagesse vient du latin "sapere" qui veut dire goûter, donc vous goûterez comme est bon le Seigneur, comme est bon votre conjoint, dans une attitude de foi vous découvrirez à quel point il a de la saveur, à quel point c’est savoureux d’être ensemble, au-delà même des tiraillements de la vie quotidienne.
Vous les avez vécus et tant mieux, c’est plutôt rassurant. Quand un couple vient me voir et me dit "tout va bien", c’est moi qui ne vais plus bien ! Parce qu’ils sont dans l’illusion, ils sont dans la fusion, ils sont dans le romantisme, ils sont dans tout sauf dans l’amour à la manière de Jésus.
Vous avez expérimenté des épreuves dans votre vie personnelle mais aussi dans votre couple, qui vont de l’éloignement dans ce travail en Amérique centrale pour toi Marion, l’épreuve aussi du discernement.
Vous avez fait un vrai cheminement, je trouve cela vraiment heureux, ce n’est pas si fréquent que cela qu’on accepte de dire ce qui parfois nous coûte dans l’autre, mais que l’on aille au-delà de ce qui nous coûte pour dire ce que l’on goûte dans l’autre, en quoi l’autre est savoureux.
Ce sel, il faudra le demander.
Comme la manne vous ne pourrez pas en faire provision, chère Marion, cher Thibault.Vous vous rappelez de la manne dans le désert : les petits malins récoltaient pour le lendemain, ils faisaient des provisions pour la vendre peut-être, mais le lendemain quand ils se réveillaient, toute la manne était pourrie. Parce que c’est au jour le jour que le Seigneur donne de goûter à quel point l’autre, notre compagnon, notre compagne de vie, est bon, à quel point c’est un don et une grâce
C’est chaque jour qu’il faudra demander le sel.
C’est chaque jour qu’il faudra demander à relever votre vie et donc à être moteur profondément de votre vie matrimoniale. Cela ne se fera pas sans vous. Un sacrement n’est pas magique. C’est vous-même aussi qui êtes les premiers acteurs pour que dans 5 ans, 10 ans et au-delà, quand je vous retrouverai, je dirais : « il y a plus d’amour entre eux qu’au jour même de leurs noces ! ».
Le mariage n’est pas un sommet, certes c’est un aboutissement d’une préparation, mais c’est un départ, c’est un commencement et donc vous demandez au Seigneur, jour après jour, ce « Carpe Diem » chrétien, « Carpe Diem » c’est cueillir le jour. Chaque jour vous demanderez au Seigneur de cueillir sa grâce pour goûter et voir à quel point le Seigneur est bon et à quel point il est bon d’être entre vous comme couple, Marion et Thibault.
La lumière du monde
Jésus nous parle aussi de la lumière. Il nous dit :
Vous êtes lumière"
Et Il dira de lui-même qu’Il est lumière :
Je suis la Lumière du monde, celui qui vient pas moi ne demeure pas dans les ténèbres"
La lumière, on ne l’a met pas sous le boisseau, mais au contraire sur le lampadaire pour qu’elle brille et éclaire"
Ce sacrement du mariage est une lumière, comme tous les sacrements. C’est une lumière parce que c’est une certitude d’être en contact avec le Seigneur, qui lui-même est lumineux.
Par ce sacrement vous recevez une lumière.
Ce matin j’avais la grâce de baptiser une petite trisomique qui après bien des souffrances et des difficultés, des mois passé à l’hôpital s’en est sortie avec beaucoup de courage de ses parents. Au moment de remettre au parrain le cierge je lui ai dit :"Recevez la lumière du Christ ». C’est fragile un cierge, c’est fragile une lumière, mais c’est justement parce que c’est fragile que c’est beau.
Cette lumière que vous recevez aujourd’hui par le sacrement du mariage, c’est un souffle fragile qui peut vite s’éteindre. On peut la rallumer, on peut la développer, on peut aussi comme pour un feu rajouter du bois pour que cette lumière éclaire davantage.
Vous recevrez la grâce d’être dans la lumière, mais il y a une condition, c’est d’être attaché au Seigneur.
C’est le sens de la première lecture, la lecture de Tobie et Sarah, assez connue dans les messes de mariage, qui au seuil de leurs noces demandent au Seigneur de ne pas s’unir comme les païens qui ne connaissent pas Dieu.
Vous avez fait une expérience de Dieu, chacun selon votre éducation. Mais parfois aussi les épreuves de la vie vous en fait faire l’expérience du Seigneur. Et vous allez faire d’autres expériences de Dieu ensemble, Marion et Thibault, ce sont ces expériences-là qui sont lumineuses. De ces expériences-là vous tirerez une force pour éclairer ceux qui vous sont proches.
Dans votre oui, bien d’autres sont embarqués.
Bien sûr, les enfants que l’on vous souhaite nombreux, mais aussi vos proches, connus et inconnus, vous avez dans cette responsabilité que vous prenez aujourd’hui, avec la grâce de Dieu, dans la confiance, après un discernement et une vraie liberté de s’engager, un capital lumière et un capital sel qui vous sont donnés pour pouvoir à la fois éclairer ce monde mais aussi lui donner du goût.
Il ne s’agit pas d’être Superman ou superwoman, mais d’être juste, à votre place, dans le monde et dans l’église, témoins fidèles de l’Évangile.
Amen !