Texte de l’homélie du mariage :
C’est une grande grâce de pouvoir célébrer votre union aujourd’hui, chère Anne-Laure et cher Guillaume.
Je fais mémoire d’un événement de la vie de Benoît XVI.
Un journaliste un peu facétieux, il en existe, posait cette question à Benoît XVI, théologien et spirituel affirmé : « Combien de chemins y-a-t-il pour aller vers Dieu ? »
S’attendant que le Pape, à qui on avait fait une très mauvaise image dès le début de son pontificat, dise que seule la foi catholique compte, c’était sans compter avec son intelligence et sa finesse. Sans être un relativiste, c’est à dire que chacun a sa vérité, le Pape répondit :
« Il est autant de personnes que de chemins vers Dieu. »
Je trouve que cette réponse du Pape Benoît XVI éclaire beaucoup, et m’éclaire beaucoup aussi quand j’accompagne les couples, puisque c’est mon ministère principal, de savoir que chaque couple a son chemin vers Dieu.
Vous avez, vous aussi, votre chemin vers le Seigneur.Vous n’en fait pas secret, vous n’êtes pas des grands assidus de la messe dominicale, mais j’ai été tellement impressionné par le sérieux que vous avez mis dans la préparation de votre mariage ainsi que dans la préparation de cette célébration.
C’est important d’accueillir le chemin de chacun vers le Seigneur, sachant que
Nos pensées ne sont pas ses pensées et ses chemins ne sont pas nos chemins".
C’est à dire qu’il y a quelque chose d’unique dans le couple et chacun ne met pas le curseur au même endroit.
À travers les lectures que vous avez choisies, cela traduit bien cette dimension-là de respect de chacun et en même temps de confiance.
Dans l’Évangile il s’agit de confiance. On connaît bien ce passage-là de l’Évangile :
« Regardez les lys des champs, regardez les oiseaux du ciel ils ne sèment ni moissonnent et votre Père leur donne en abondance »…
« Les lys des champs, Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’était pas habillé comme l’un d’entre eux. Et pourtant, c’est l’herbe qui fleurit le matin et le soir elle est jetée au feu. »
Je trouve cela beau que vous ayez choisi ce texte-là, chère Anne-Laure, cher Guillaume, parce que cela traduit ce que vous voulez vivre.
Cela nous interpelle aussi : dans une société où on est beaucoup dans le contrôle, où on est beaucoup dans le sécuritaire, dans les normes, dans le risque zéro, le principe de précaution, où tout doit être sous emprise, où tout doit être d’une manière ou d’une autre prévu, il n’en n’est pas de même dans la vie matrimoniale, grâce à Dieu tout n’est pas prévu !
Vivre dans la confiance
Il en va de même dans la vie de foi.
Une vie de foi c’est une vie dans la confiance. Vous nous rappelez, chère Anne-Laure, cher Guillaume, qu’il y a d’abord ce primat de la confiance sur toute chose. Ce ne sont pas d’abord nos projets, notre vision des choses, mais vous rentrez dans un certain abandon, une remise de vous-même au Seigneur, à votre manière.
Ce texte est assez exigeant à pratiquer
Même quand on a une pratique religieuse plus assidue, cela reste un texte fort, qui demande de la part de chacun d’entre nous une remise en question : où en suis-je du lâcher prise ? Où en suis-je de cette confiance ?
Ce qui définit le croyant c’est que le croyant n’est jamais seul. Quelles que soient les circonstances de sa vie, il se sait accompagné. Il sait que d’une manière ou d’une autre, dans la foi, il peut compter sur le Seigneur, sur l’aide des saints, sur l’aide de la Sainte Vierge, sur l’aide des anges, sur l’aide de tout le monde invisible.
C’est ce que vous nous dites à travers le choix de ces lectures et de cette lecture la de Saint-Mathieu en particulier, vous nous dites où nous en sommes chacun d’entre nous de la confiance, de ce lâcher prise.
Derrière cela, c’est l’accueil de la fragilité
Le désir de tout contrôler c’est refuser la fragilité, refuser la vulnérabilité. Or on le sait bien, un amour, un couple, c’est fragile, c’est vulnérable, et vous vous tournez aujourd’hui vers le Seigneur pour demander un soutien, une grâce.
Vous aurez quelqu’un vers qui vous tourner, vous avez déjà expérimenté le fait d’être accompagné. Il n’y a que l’Église catholique qui propose un accompagnement, seules quelques communes se mettent à la préparation au mariage laïque, c’est bien mais il y en a très peu. L’Église catholique a conscience qu’il y a une responsabilité pour la société et pas seulement pour l’Église, d’accompagner les jeunes qui se préparent à se marier, pour leur donner des clés, des outils de façon à ce qu’ils y aient recours, qu’ils prennent conscience qu’ils ne sont pas seuls.
De quoi vient ce désir de tout contrôler ?
D’un sentiment de solitude qui cache derrière cela une certaine angoisse, une anxiété. Le croyant, qui n’est pas parfait, prend conscience que tout ne dépend pas de lui, mais qu’il peut avoir recours à plus grand que lui. Ce sens de la transcendance, de la force de Dieu qui vient vous unir sera une source pour vous. Aujourd’hui vous venez, là où vous en êtes au plan spirituel, dans votre démarche très honnête et très belle, avec ce que vous êtes, demander au Seigneur sa grâce, son soutien, sinon vous ne seriez pas là.
À travers ce passage de l’évangile de saint Matthieu il y a quelque chose que nous pouvons entendre tous et remettre en question : où en suis-je de la confiance, où en suis-je de la remise de moi-même, où en suis-je de l’accueil de l’imprévu ? De l’accueil du contretemps ? Il y a plein de contretemps de notre vie, mais le croyant ne voit pas seulement les contretemps comme des contretemps, mais comme aussi des lieux où Dieu agit.
« Les circonstances et les nécessités, voilà nos maîtres spirituels. » Blaise Pascal
Dans certaines circonstances on n’a pas vraiment le choix, dans des circonstances douloureuses de santé, professionnelles, de deuil, quelque part le Seigneur nous parle à travers ces circonstances. C’est ça le croyant, il croit que le dans le réel le Seigneur parle, c’est énorme !
Un programme de vie
La lettre de saint Paul aux Romains c’est juste un programme de vie pour tous, croyants ou pas. Ne prenez pas le monde présent que modèle, transformez-vous"
Évidemment le monde présent laisse perplexe, surtout en matière de mariage.
Ne prenons pas comme modèle les modes, cette course à l’accumulation des biens, cette culture de la consommation, cet amour de l’argent. Vous ne voulez pas prendre cela comme modèle, très certainement.
On ne vient pas de nulle part, il y a quelque chose en nous où ce monde présent a prise.
Convertissez-vous en renouvelant dans votre manière de penser pour savoir la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire.
« Ne brisez pas l’élan de votre générosité, soyez les serviteurs du Seigneur. »
Je trouve ce texte formidable, chaque mot est un programme de vie, chaque mot nous dit quelque chose de la transformation que nous devons opérer en nous-mêmes. Et si vous venez aujourd’hui devant l’autel du Seigneur, c’est précisément pour transformer votre manière de voir le couple. Vous avez une manière de voir le couple qui n’est pas de la manière du monde.
La manière du monde, comme dit le Pape François, c’est la culture du jetable.
Ce qu’on applique aux choses, tôt ou tard on l’applique aux personnes : « tu ne me convient pas, tu es un empêchement pour mon accomplissement personnel qui lui est le top du top ».
Comme catholiques, nous ne voulons pas vivre selon cette manière du monde qui est parfois méprisante des personnes.
Je sais que dans votre cœur, cher Guillaume, chère Anne-Laure, vous avez un grand désir d’être attentif à la dignité de chacun, au respect de chacun. Ce n’est pas pour rien que vous êtes dans la carrière juridique, chacun selon votre branche, parce que derrière cela il y a singulièrement le respect du plus faible.
Le texte que vous avez choisi nous aide beaucoup à reprendre conscience de ce que nous portons et que l’Apôtre Saint-Paul exprime admirablement.
Que votre couple ne s’enferme pas en lui-même, mais qu’au contraire ce soit un couple ouvert aux autres, ouvert peut-être à ceux qui sont dans la peine, qui sont dans des difficultés. Je sais que vous voulez vivre cela. Et ces valeurs-là, les chrétiens n’en ont pas l’exclusivité, d’autres vivent ces valeurs-là d’accueil, du souci du plus pauvre, ils n’en n’ont pas l’exclusivité mais ils en ont la responsabilité. Les chrétiens ont la responsabilité, au nom de leur foi, de prôner les valeurs de l’Évangile.
Demandons au Seigneur cette grâce, laissons-nous interpeller, les uns et les autres.
Demandons au Seigneur qu’il nous soutienne aussi, chacun d’entre nous, vous qui avez peut-être reçu ce sacrement du mariage, ou qui vous êtes unis dans un mariage civil, ou qui vivez une vie de couple stable et durable, demandez au Seigneur de renouveler votre propos d’un vrai don de vous-même, parce que c’est cela l’amour, c’est rentrer dans une logique de don de soi-même. C’est tout au rebours du monde qui est au contraire dans l’accaparement.
Au contraire nous croyons que nous sommes à l’image d’un don, que Dieu lui-même s’est donné, en Jésus-Christ et que ce qui nous rend heureux, c’est de nous donner.
Vous, à travers le mariage, Guillaume et Anne-Laure, vous entrez dans une logique de don de vous-même, de votre personne. C’est cela qui va vous rendre heureux et rendre heureux ceux qui sont autour de vous. Puisse le Seigneur, par la prière de la Vierge Marie, vous soutenir et vous donner la force de vivre selon l’Évangile.
Amen !