Lorsque nous avons préparé cette célébration avec Margot et François, je leur ai donné un critère pour choisir les lectures que nous venons d’entendre :
La parole de Dieu est une parole vivante, et l’on peut, suivant les événements et les circonstances de votre vie matrimoniale et familiale, trouver une lumière à travers elle.
Mais je leur ai aussi dit :
C’est dans ce sens que nous avons réfléchi ensemble lors de la préparation au mariage. Et pour vous qui êtes nombreux inscrits dans la vie familiale et matrimoniale, il est bon faire mémoire du charisme, du don qui vous habite votre couple.
Il n’y a pas de vie sans vocation, il n’y a pas de vocation sans mission, il n’y a pas de couple sans charisme.
Ils ont donc réfléchi et pris ces textes que nous connaissons par ailleurs assez bien. Ce n’est peut-être pas la première fois de l’été que vous les entendez si vous avez participé à d’autres célébrations de mariage. Et je trouve qu’elles disent quelque chose de tellement fort, de tellement puissant…
Si l’on reprend la première, avec ces mots de Saint-Paul apôtre aux Corinthiens :
« L’amour prend patience, l’amour ne passera jamais… »
C’est un programme de vie. Et je vous invite, Margot et François, de relire ça, et vous tous ici présents, prenez cette lecture comme un vrai programme de vie, un programme qui donne la vie.
Prenons un exemple : « L’amour prend patience… ». Ces mots sont d’une grande puissance : Aimer c’est patienter ! Aimer c’est patienter pour que nous nous fassions l’un à l’autre. Vous le savez, nous ne sommes pas faits l’un pour l’autre, mais au contraire, un couple se fait l’un à l’autre. Il y a un donc une patience, un travail de la grâce de la nature qui fait que, comme des galets se polissent l’un l’autre, les époux arrivent à trouver une manière commune d’envisager événements et personnes.
Il y a un travail de patience pour accueillir le don de Dieu également. Il peut parfois se faire attendre ou se réaliser de manière différente de ce que nous avions attendu. De manière habituelle, il s’agit de l’accueil des enfants car ils ne paraissent parfois pas rapidement.
Il faut aussi de la patience pour découvrir son propre chemin comme couple, là où vous serez « semés », où vous serez « plantés », Margot et François. Ce n’est pas alors le moment de rêver d’autres terres, d’autres circonstances et d’autres manières de faire… non, il faut de la patience.
« L’amour prend patience. »
On le sait bien, ce mot patience est lié à la passion du Christ. Il y a une certaine pénibilité pour l’accueil de la grâce, pour découvrir ce à quoi Dieu nous appelle, et il faut être attentif à ce que le Seigneur vienne nous rejoindre, et d’être comme la terre du centuple, celle où Dieu a semé et qui porte un fruit de cent pour un.
Il faut cette patience pour se découvrir soi-même, découvrir les différents terrains de la grâce où la parole de Dieu est semée. Ce n’est pas spontané, c’est quelque chose qui advient avec le temps.
Et il est bon que l’apôtre Paul nous dise rien que cette phrase : « L’amour prend patience. »
Rien que ces quelques mots constituent un programme de vie, une école de sainteté.
La patience est naturelle pour bien peu de personnes. Nous sommes dans l’immédiateté, plus aujourd’hui qu’avant, souhait tout tout de suite, en un clic, certes… mais est-ce ça aimer ?
Et depuis 2000 ans, Saint Paul nous dit : « L’amour prend patience. »
On pourrait aussi prendre la suite :
« L’amour rend service. »
Cela nous invite à être serviteur l’un de l’autre dans la vie matrimoniale. Cela reprend les mots de Jésus :
« Je ne suis pas venu pour être servi mais pour servir. »
« Je me tiens debout au milieu de vous comme celui qui sert. »
L’amour rend service, l’amour est un service. Le couple est un service pour l’Église et pour la société. Cette attitude de service, vous l’avez apprise dans votre vie familiale et dans le scoutisme : être au service fait partie de votre façon de vivre parce que le couple ne se renferme pas sur lui-même, vous le savez. Il appelle à plus grand que soi.
Être Chrétien c’est porter en soi-même plus que soi-même. Cela suppose de se décentrer et de sortir de sa zone de confort. Tout cela est synonyme. Ce passage de Saint Paul est vraiment extraordinaire.
Le psaume que vous avez choisi est aussi un texte merveilleux. Ce chant du Magnificat dans lequel la Vierge-Marie met en lumière ce texte de Saint Paul, car Marie prend patience, Marie est au service, Elle ne se vante pas, Elle ne se gonfle pas d’orgueil. Vous pourriez l’appliquer comme ça et voir comment ça résonne en vous.
N’hésitons pas à faire résonner les mystères entre eux. Parfois, nous sommes trop étriqués dans notre foi. Mais justement, comme vous avez choisi le Magnificat comme psaume, cela signifie que Marie habite, incarne, montre la manière dont Saint Paul parle de l’Amour.
Puis enfin, avec ces mots Jésus dans cette page d’Évangile avec lesquels on se demande si ce n’est pas trop dur pour des noces : « Écartez-vous de moi vous qui faites le mal, je ne vous connais pas… » . Cela peut nous paraître étonnant. Mais, c’est intéressant quand la parole de Dieu nous bouscule, quand elle nous contrarie et nous choque, car c’est toujours l’invitation à aller plus loin, à ne pas rester là où nous sommes. Nous nous demandons ce que ces mots signifient pour des noces, et pourtant, Margot et François, c’est un passage que vous avez choisi et que vous n’avez pas coupé afin que ce soit « politiquement correct », sympathique et caressant « dans le bon sens du poil »…
Il est intéressant de vois qu’à travers ce passage, il y a quelque chose qui est dit de la vie matrimoniale. A travers l’engagement du couple, il y a comme une pierre d’achoppement qui ne laisse pas indifférent, qui va bousculer, qui va faire que l’autre va devoir se prononcer face à votre propre engagement comme vous vous êtes engagés face au Christ.
Et nous pouvons interpréter ainsi les paroles du Christ : nous ne sommes pas de ceux qui voyons la vie matrimoniale uniquement comme une sorte d’émotion, mais comme un vrai engagement de toute la personne.
Vous connaissez bien cette parabole qui parle de fonder sur le roc, par rapport à fonder sur le sable. Ce qui est intéressant dans les deux cas, c’est qu’il y a la pluie, les torrents et les vents qui s’abattent sur la maison. Cela signifie que le sacrement de mariage n’est pas une assurance vie ni une garantie qui irait de soi. Il y a un combat intérieur, plus facile à certaines heures, plus difficiles à d’autres selon les circonstances de la vie.
Votre engagement vous pousse à creuser à l’intérieur pour rechercher ce qui vous anime profondément. Cela vous détourne alors de cette tendance de notre société à fuir l’intériorité, par ces forces centrifuges qui nous poussent loin de notre propre intériorité. Et le Seigneur nous pousse à regarder à l’intérieur, et à être grand au dedans.
Et précisément, à travers le sacrement de mariage, il y a cette invitation à ne pas se laisser aller à la superficialité, c’est l’invitation à être des témoins, à vivre modestement, avec patience, et dans l’attitude de service, comme Jésus qui se tient au milieu de nous comme Celui qui sert, à vivre modestement, cette dimension d’un choix de l’intériorité, d’un choix pour la vie contemplative.
Vous le savez, la vie contemplative n’est pas que pour les moines et les moniales, mais elle est pour tous ceux qui sont disciples de Jésus, tous ceux qui se disent Chrétiens et qui sont habités par la présence du Saint Esprit. Nous le sommes par le baptême.
Et nous croyons que le Seigneur rejoint les personnes qui ne sont pas baptisées par Son Saint Esprit.
Bien entendu, il y a une sorte de combat intérieur, et l’épreuve vient sonder et révéler à l’extérieur de nous-même ce que nous portons à l’intérieur : les vents, les tempêtes et les torrents. L’épreuve vient révéler tout cela.
Ceux qui sont plus anciens se rappelleront qu’en photographie, on utilisait ces deux produits : le révélateur et le fixateur, deux bains à l’action différente. On projetait du négatif sur un papier, on le plongeait dans le révélateur puis ensuite dans le fixateur pour stabiliser définitivement la photo.
J’aime à croire que les torrents, la pluie et les vents sont comme autant de révélateurs de ce que vous portez.
Chers Margot et François, un grand merci pour le choix de ces textes qui nous aident, qui me soutiennent moi aussi comme consacré, prêtre et religieux. Ils nous aident quelque soient les circonstances de notre vie, où que nous en soyons de notre vie spirituelle – grand nombre d’entre vous y êtes attachés. Mais cette intimité avec le Christ passe par des hauts et des bas, la vie matrimoniale n’est pas sans ces aléas.
Que ces lectures viennent vous éclairer et vous rejoindre, que la question spirituelle pour chacun reste toujours une question ouverte. Ainsi, vous allez creuser, vous allez approfondir, être dans l’intériorité et au cœur de votre de votre union, Margot et François.
S’il nous arrive de dore que nous sommes baptisés depuis la naissance et de tradition catholique, sans autre interprétation ni questionnement, il y a quelque chose de la grâce de Dieu qui ne se donne pas, qui ne s’épanouit pas.
Que cette question reste toujours ouverte, parce qu’elle viendra éclairer votre vie et vous apprendra à être les témoins d’un Dieu qui vous appelle des ténèbres à Son admirable lumière,
Amen !